Hyperloop à Toulouse : Dirk Ahlborn, PDG d'HTT, s'exprime pour la première fois

Dans un entretien exclusif à La Tribune, Dirk Ahlborn, PDG d'HTT, détaille les activités et les emplois qui seront créés à Toulouse avec le projet Hyperloop. Ce nouveau mode de transport urbain doit permettre de projeter des capsules dans un tube à plus de 1 200 km/h par lévitation magnétique.
Dirk Ahlborn est le PDG de l'entreprise californienne Hyperloop Transportation Technologies.

Hyperloop TT est venu en janvier dernier à Toulouse pour annoncer qu'elle allait y implanter son centre européen de R&D. Concrètement, qu'y fera-t-on ?

Nous avons commencé à travailler avec différents architectes sur place. Le bâtiment en lui-même fera 3 000 m2 et, à l'extérieur, il y a une surface de plus d'un kilomètre de long à proximité de l'aéroport de Francazal. Toulouse sera un centre de R&D. Nous allons y tester les technologies que nous allons implémenter sur l'Hyperloop. Nous allons par exemple essayer d'optimiser de nouveaux modes de lévitation. En revanche, il n'y aura pas réellement de piste d'essais à Toulouse, nous avons déjà réalisé nos tests de faisabilité pour le concept par ailleurs.

Image de synthèse de la zone de Francazal avec une piste d'essai de 1 km pour l'hyperloop © Agence François Leclerq

Quand le centre verra-t-il le jour ?

C'est difficile de donner une date sachant que cela ne dépend pas que de nous mais nous espérons commencer la construction des équipements d'ici à quelques mois. Nous attendons actuellement le permis de construire. Nos avocats suivent ce dossier pour remplir tous les documents demandés par la Mairie.

Combien d'emplois seront créés à Toulouse ?

Cela va au-delà de notre société car nous voulons travailler avec tout l'écosystème local. Dans un premier temps, nous allons embaucher au minimum 30 techniciens et ingénieurs qui seront salariés de HTT et nous visons, à terme, 50 emplois.

En plus de ces embauches, il y aura également des "team members" qui, eux, seront rémunérés sous forme de stock options (autrement dit ils achètent des actions de la société et peuvent espérer une plus-value dans le futur, NDLR) et qui pourront donner leur expertise sur des thèmes très variés en rapport avec l'aéronautique. Le crowdsourcing est le point fort de notre modèle, il nous permet de faire travailler des experts. Au sein d'HTT, nous avons des "team members" qui sont docteurs, psychologues, chargés de marketing ou des relations avec les banques... Aux États-Unis, nous avons même des experts acoustiques qui ont déjà commencé à travailler sur le bruit perçu en cabine par les passagers durant le trajet afin de s'assurer que les utilisateurs puissent communiquer au cours de leur voyage. Il y a aussi des entreprises qui travaillent avec nous sous forme de stock options.

Avez-vous terminé le recrutement ?

Nous avons déjà mené des entretiens de recrutement. La première étape est d'embaucher l'équipe d'encadrement, ce qui est la partie la plus difficile. Le reste suivra. Nous avons déjà une petite équipe de 10 personnes positionnée sur le projet à Toulouse. Mais tant que nous n'avons pas de locaux et de date d'ouverture, il est difficile pour nous de commencer à les faire travailler. Mais nous espérons que cela changera bientôt.

Pourquoi avez-vous choisi d'implanter votre centre de R&D européen à Toulouse ? Certains experts pensent que c'est pour voler des talents à l'industrie aéronautique...

Cela dépend de la manière dont on regarde la situation. Toulouse est évidemment la vallée européenne de l'aéronautique où nous pouvons avoir accès à beaucoup de talents. Airbus a décidé de réduire ses effectifs actuellement et certains employés ont été, en quelque sorte, licenciés. Il y a donc beaucoup de talents disponibles sur le marché. Nous n'allons pas "voler" des talents. Mais si vous avez une expertise dans l'aéronautique, il y a de fortes chances que vous travaillez à Toulouse. Toute la supply chain est basée sur place. La société espagnole Carbures, à qui nous avons confié la construction des capsules pour l'Hyperloop, dispose également de bureaux à Toulouse. C'est un très bon emplacement pour ce type d'expertise.

De manière plus générale, la France soutient beaucoup les technologies innovantes à travers  la French Tech par exemple. Je pense que c'est l'un des pays européens qui fait le meilleur travail en la matière.

Vous l'avez dit, vous avez signé un premier partenariat avec une société espagnole pour la construction de la capsule. Avez-vous déjà signé des accords similaires en France et notamment avec les entreprises toulousaines ?

Nous avons rencontré des entreprises de Toulouse mais aussi dans d'autres régions françaises. Nous sommes en discussion avec beaucoup de grandes entreprises françaises, principalement dans le domaine des infrastructures et, bien sûr, comme toujours, des startups. Mais, tant que ce n'est pas officiel, je ne peux révéler leur nom.

À quoi serviront ces partenariats ?

En tant qu'entreprise technologique, notre rôle n'est pas de construire les infrastructures pour accueillir l'Hyperloop à travers le monde. Nous réalisons donc des partenariats avec des gouvernements, des entreprises qui construiront l'Hyperloop comme la SNCF, par exemple, en France (qui a également participé à la levée de fonds du concurrent d'HTT, Hyperloop One, NDLR) ou l'entreprise ferroviaire publique allemande Deutsche Bahn (un premier accord signé en juillet 2016 prévoit l'implantation dans les trains allemands d'applications de réalité virtuelle fournies par HTT, NDLR).

Nous déposons des licences sur nos technologies. Il ne s'agit pas uniquement de penser une capsule dans un tube, nous avons la chance de construire entièrement un système de transports en réfléchissant aussi bien à la desserte du dernier kilomètre qu'à l'expérience utilisateur du passager... Par exemple, si vous parvenez à relier Paris et Berlin en une heure grâce à l'Hyperloop mais qu'il faut une heure et demie au passager pour se rendre à la station de transport, vous n'avez pas résolu les problèmes de mobilité.

Vous travaillez avec une vingtaine de pays (Inde, Russie, Slovaquie, États-Unis...) Quel est le meilleur candidat pour accueillir la première ligne d'Hyperloop ?

Tout le monde veut connaître la réponse à cette question ! Nous espérons trancher d'ici 3 à 6 mois sur le choix de la première ligne commerciale. Il reste pour le moment trois pays en lice parmi lesquels figure évidemment la France, avec la ligne envisagée entre Toulouse et Montpellier. Il faut compter ensuite environ trois ans de travaux pour construire la ligne.

Le projet semble bien avancé aux Émirats Arabes Unis. Peut-être parce qu'il est plus facile de mettre en place une ligne Hyperloop dans une région désertique ?

Nous sommes très actifs aux Émirats Arabes Unis où nous avons lancé une étude de faisabilité à Abu Dhabi. Il est effectivement plus facile d'installer un tube dans une région désertique mais la topographie n'est pas le principal problème. Chaque territoire comporte ses difficultés en termes de construction. Construire un tube sur le sable peut s'avérer compliqué.

Le défi de ce projet ne porte pas sur la technologie, qui est pratiquement au point. Le plus difficile est d'obtenir les autorisations gouvernementales. Aujourd'hui, l'innovation avance à très grande vitesse mais, malheureusement, la régulation va beaucoup plus lentement. C'est comme lorsque vous construisez une ligne LGV, vous devez vous assurer que le terrain est suffisamment plat, que les trains pourront rouler à une vitesse suffisamment élevée. Il s'agit d'une nouvelle technologie qui n'est ni un train ni un avion. Nous devons nous assurer que notre solution est conforme aux standards de sécurité en vigueur.

Dans certains pays, il est possible d'avancer plus vite et de recevoir plus de soutien. Nous avons besoin d'être soutenus par les structures étatiques. Nous avons besoin d'avoir un nouveau cadre réglementaire ou, sinon, nous devrons lancer l'activité différemment.

En quoi l'Hyperloop peut avoir une carte à jouer face à d'autres moyens de transports comme le train ?

Le transport, en particulier le ferroviaire, repose sur les aides de l'État. La France dépense des milliards d'euros chaque année pour entretenir le réseau ferroviaire parce qu'il n'y a aucun système ferroviaire qui est rentable à ce jour dans le monde. Le projet Hyperloop peut être rentable et, forcément, c'est quelque chose qui intéresse tout le monde.

Quel est justement l'investissement nécessaire à la construction d'une ligne Hyperloop et quel est le retour sur investissement attendu ?

Nous continuons à travailler pour réduire les coûts. L'investissement nécessaire pour la construction dépend de beaucoup de facteurs et peut évoluer suivant la topographie du lieu, cela peut aller de 20 à 50 millions de dollars au kilomètre (en comparaison, le coût de construction d'une ligne à grande vitesse en train est estimée à 30 millions d'euros au kilomètre, NDLR). Nous tablons sur un retour sur investissement en 10 ans.

Comment comptez-vous protéger les lignes Hyperloop en cas de tremblements de terre ou d'attaques terroristes ?

En cas de tremblements de terre, l"Hyperloop est beaucoup plus robuste qu'un train puisque ce système évolue sur des pylônes qui peuvent absorber les mouvements de terrain. On peut y intégrer les mêmes technologies utilisées dans les immeubles antisismiques, ce qui est impossible pour des voies ferrées installées sur le sol.

Ensuite, concernant le terrorisme, les gens qui veulent commettre des crimes trouveront toujours un moyen de parvenir à leurs fins. Néanmoins, notre système est sûr. La structure en elle-même est conçue de manière à ce qu'elle ne soit pas réellement endommagée en cas d'attaque. Si, par exemple, quelqu'un tire dessus, cela ne va pas créer un trou dans le tube. Même si un camion fonce dessus, cela ne suffira pas à faire céder le pylône. Toutes ces données sont prises en compte lors de la conception et les trains sont confrontés aux mêmes enjeux.

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