Le renouveau des brasseries régionales

Dans un marché de la bière en berne, un secteur bien particulier semble tirer son épingle du jeu. Les bières de spécialités et les bières régionales voient leurs ventes progresser depuis plusieurs années. Et le nombre de brasseries locales est lui aussi en

constante augmentation. « On compte plus de 400 brasseries artisanales en France, explique-t-on chez Brasseurs de France, une association qui regroupe une centaine d'adhérents. Le secteur est très hétérogène. Il y a les grands brasseurs (Heineken, Kronenbourg) et les moyens brasseurs, souvent issus de lignées de brasseurs depuis plusieurs générations (Jenlain). Enfin, depuis une quinzaine d'années, des micro-brasseries ou brasseries artisanales ont vu le jour. Là aussi, il existe beaucoup de différences. Certaines existent depuis plus de 10 ans, sont en phase de développement et produisent 1 000 à 2 000 hl par an. »
Au début du XXe siècle, la France regroupait des milliers de brasseries. Beaucoup avaient disparu dans les années 1970-1980. Aujourd'hui, on en trouve dans toutes les régions, même celles qui ne sont pas traditionnellement des régions brassicoles, comme la Corse avec la bière Pietra. En 2011, Midi-Pyrénées comptait 25 sites de production qui ont sorti environ 10 000 hl. Cela va de la brasserie à la ferme-brasserie, qui propose généralement un restaurant, en passant par le bar qui brasse sa propre bière, à l'image de l'enseigne Frog and Rosbif à Toulouse. « C'est une tendance de fond depuis une dizaine d'années », assure l'association des Brasseurs de France.
Un engouement confirmé par David Fouchard, gérant de la cave à bières Le Biératorium, à toulouse. Ouvert depuis 5 ans, l'établissement propose toute l'année, au milieu des bières belges, tchèques ou allemandes, trois bières régionales : la Joli Rouge (lire p. 40), la Oc'ale et la Ratz (lire p. 39). « De temps en temps, je vends d'autres bières locales, comme la caussenarde ou les bières de la Brasserie des Vignes. Je veux des produits de qualité et je teste tout ce que je propose », explique cet ancien portier. les ventes et le chiffre d'affaires, qu'il préfère garder pour lui, sont en progression constante.
Si les bières belges dominent les ventes, « la Joli Rouge fait de la concurrence. J'en vends environ 600 bouteilles tous les 10 jours, assure David Fouchard. Il existe une véritable clientèle pour ce type de produits. » Selon lui, la clientèle est la même pour les bières étrangères ou régionales, « seule la qualité importe. La majorité des clients recherche en priorité de la qualité et des conseils. » Preuve du renouveau des brasseries artisanales en Midi-Pyrénées, le dernier Salon de la qualité alimentaire, le SiSQA, a accueilli pas moins de 11 brasseurs, dont 9 de la région sur un stand collectif.

Une association de brasseurs midi-pyrénéens
Ces professionnels sont regroupés depuis 2009 au sein de l'Association des faiseurs de bières de Midi-Pyrénées, présidée par Michel Jouin, brasseur de la Biérataise, à Bérat. L'objectif est de faire connaître l'activité et de peser un peu plus. Malgré cette volonté, il est souvent diffi cile de concilier les emplois du temps des brasseurs, très pris par leur activité. « nous sommes tous à des étapes différentes de notre développement, explique le président. nous n'avons pas beaucoup de temps. » Huit brasseurs de la région avaient cependant fait le déplacement début octobre à Aurignac, à la limite de la Haute-Garonne et de l'Ariège, pour la deuxième édition du festival Aurignac sous pression. « Je viens pour la deuxième fois. Cela permet de se faire connaître. Ce n'est pas évident dans la région », explique Jack Courmont, originaire du Nord et brasseur de la Oc'ale à Lafrançaise (82) depuis 1998. Damien Chavent, de la Brasserie des Coteaux dans le Tarn, a lui choisi de diversifier son acitvité en 2006 et produit aujourd'hui 350 hl de sa Oxit chaque année.
« Il y a de très bonnes relations entre les brasseurs, nous sommes collaborateurs », souligne Stéphane Dumeynieu, de la Brasserie des Vignes à Graulhet (81), qui propose 4 bières à l'année plus 3 événementielles. Cet ancien professeur de physique s'est lancé dans le brassage en 2005 par passion. « De la diversité naît la curiosité et de là se crée un développement économique », ajoute le vice-président de l'Association des faiseurs de bières de Midi-Pyrénées. Une bonne ambiance confirmée par Yann Gangneron, brasseur de la Joli Rouge. « Chaque nouveau brasseur donne un peu plus de visibilité à la bière artisanale. Stéphane Dumeynieu nous a beaucoup aidé. C'est un peu notre tonton en termes de brassage. » Pour aider un peu plus les brasseurs régionaux, l'Association des faiseurs de bières de Midi-Pyrénées aimerait relancer le Salon de la bière artisanale d'Auzeville-Tolosane.

Une consommation globale en baisse
Chaque année, les Français consomment en moyenne trente litres de bière. Un chiffre qui nous place à l'avant-dernière place en Europe, loin derrière les Tchèques (135 l), les Allemands (107 l) ou les Autrichiens (106 l). Et la tendance est plutôt à la baisse, comme l'explique Pascal Chèvremont, délégué général des Brasseurs de France. « Nous assistons à un déclin structurel du marché de la bière de -30 % sur 30 ans », assure-t-il. L'an dernier, le chiffre d'affaires du secteur s'est ainsi établi à 2 Md€, contre 2,3 Md€ pour 2010. Une situation qui s'inscrit dans le contexte d'une baisse générale de la consommation d'alcool au niveau mondial (de -3 % à -4 % entre 2009 et 2010).

Pas de nouvelle taxe pour les brasseries locales
Dans ce contexte morose, la perspective d'une hausse des taxes ne réjouissait pas les professionnels. Le gouvernement prévoyait en effet l'augmentation du droit d'accise sur les bières, actuellement de 2,75 € par degré d'alcool et par hectolitre.
Avec cette hausse, les brasseurs seraient taxés à hauteur de 7,20 € par degré et par hectolitre. Dans le projet initial, les brasseries artisanales se voyaient exonérées à hauteur de 50 % et auraient été taxées de 3,60 € par degré et par hectolitre. À titre de comparaison, les droits d'accise sur le vin sont de 3,60 € par hectolitre. Au final, les petites brasseries indépendantes vont être épargnées pour ne « pas mettre en danger » l'emploi dans ces sociétés selon Bruno Le Roux, président du groupe socialiste à l'Assemblée nationale. Une exemption proposée par Gérard Bapt, député de la Haute-Garonne.
L'État attendait 480 M€ de recettes supplémentaires. Selon l'association des Brasseurs de France, ce projet aurait été une « catastrophe pour la filière » et se serait traduit pour le consommateur par « une hausse des prix de 15 % en moyenne dans tous les circuits de distribution ». Les bières artisanales, souvent plus chères, auraient été encore plus touchées.
Un coup dur évité de peu pour une filière en plein développement.

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