Jean-Michel Vernhes : « La crise n'a rien changé à nos projets de développement »

Entretien avec le président du directoire de la société Aéroport-Toulouse-Blagnac, Jean-Michel Vernhes, qui prépare l'inauguration du Hall D de l'aéroport. Une infrastructure de 40 000 m2 dédiée aux vols internationaux qui doit permettre à l'aéroport de changer de dimension et d'accueillir 8 millions de passagers par an d'ici 2015-2020.

Quel bilan tirez-vous de l'année 2009 ?

Le transport aérien ne va pas bien mais, pour Toulouse, l'année 2009 n'a pas été trop mauvaise. Nous avions prévu (après une hausse du trafic de 3 % en 2008) une progression du trafic passagers de 1,7 %. Sur les 10 premiers mois de l'année, nous sommes finalement en baisse de 1,6 %. Ce n'est pas bon mais ce n'est pas catastrophique.

Quelles sont les conséquences sur vos résultats ?

Pour nous, le revenu par passager est identique. La situation est plus inquiétante pour les compagnies aériennes qui sont face à une baisse importante de la recette moyenne par passager. Nous constatons cela dit une baisse de l'activité des produits extra aéronautiques, le commerce ou la location de voitures, qui sont des postes impactés par les plans d'économie mis en place par les entreprises. Les loueurs de voiture ont ainsi vu leur activité baisser de 10 %.

La baisse du trafic passagers est-elle générale ?

Elle est mondiale avec des chiffres très mauvais en début d'année mais qui ont tendance à s'améliorer depuis la fin de l'été, notamment en Asie. Au niveau européen, la baisse du trafic est de 8 %, en France de 6 %. Parmi les aéroports régionaux, Toulouse est celui qui a le moins souffert comparé à Bordeaux (-9 %), Nice (-5 %), Lyon (-3 %). Toulouse, qui ne souffre pas de la concurrence du TGV, bénéficie aussi de la vitalité économique de Midi-Pyrénées.

Quelles sont vos perspectives pour 2010 ?

Nous ne nous attendons pas à une reprise très marquée sur les 6 premiers mois de l'année. L'offre que nous proposons sur l'hiver 2009 (qui va jusqu'en mars prochain) est en baisse de 1,4 %. En revanche, sur la deuxième partie de l'année 2010 et grâce à l'ouverture du Hall D, nous espérons que nous proposerons de nouvelles liaisons et que nous pourrons repartir avec une offre à la hausse.

Quelles sont les caractéristiques du futur Hall D ?

Le centre de gravité de l'aéroport va changer. Le 4e terminal (40 000 m2) permettra quasiment de doubler la superficie actuelle qui est, avec les Hall A, B et C, de 60 000 m2. Le Hall D est construit pour accueillir 8 millions de passagers et même jusqu'à 10 millions de passagers moyennant quelques adaptations.



Les prévisions de trafic à l'origine du Hall D ne sont-elles pas trop ambitieuses ?

Avant la crise, nous prévoyons une progression annuelle moyenne de 3 % sur les cinq prochaines années. Nous maintenons ces prévisions même si elles risquent d'être un peu décalées dans le temps. D'ici 2015-2020, nous visons toujours 8 millions de passagers par an. A ce moment-là, le TGV arrivera et le trafic pourrait alors baisser pendant une période de 5-6 ans.



Avec la crise, les projets de l'aéroport de Toulouse ont-il été revus à la baisse ou modifiés ?

Non, la crise n'a rien changé à nos projets de développement. Le projet de Hall D était lancé et nous le terminons comme il était prévu. Il est bien évident que nous aurions préféré ouvrir le Hall D en période de forte progression du trafic passagers comme c'était le cas à la fin des années 90. Cela dit, positivons, la reprise sera là dans quelques mois je l'espère !



Le nouvel aéroport sera-t-il adapté à des compagnies qui sont de plus en plus low cost ?

Certaines compagnies low cost auraient bien aimé que nous leur offrions des services différenciés et des redevances plus basses. Ce ne sera pas le cas car nous avons lancé un projet d'aérogare classique ouverte à toutes les compagnies et avec une qualité de service de bon niveau. Ce n'est clairement pas une aérogare low cost qui ressemble à un quai de gare à peine protégé de la pluie et destinée à une clientèle « no-frills», à bas prix. Notre cœur de clientèle est business ou vacances et a des attentes qualitatives.



Tournez-vous le dos au low cost ?

Pas du tout, notre défi sera de développer des liaisons avec des compagnies low cost et des compagnies traditionnelles. On n'aura donc pas de compagnies comme Ryanair mais plutôt des compagnies comme easyJet, Jet4You ou Germanwings qui ont des tarifications intéressantes mais avec un service lié à de grandes plateformes.



Le low cost est-il important pour l'aéroport de Toulouse ?

En ce moment c'est clairement l'activité low cost qui tire le trafic, easyJet en tête. Nous fêtons d'ailleurs en cette fin d'année le millionième passager low cost de l'année.

Comment va fonctionner le nouvel aéroport ?

L'entrée principale se fera par le Hall D. Dans les satellites du Hall D, nous traiterons tous les vols internationaux et quelques vols Schengen. L'essentiel des vols européens se fera dans le Hall C et le trafic Navette vers Paris restera dans le Hall B.

Y aura-t-il une période de transition ?

Non, disons qu'il y aura une période d'essai qui va commencer dès janvier 2010. Tous les systèmes et installations (bagages, signalétiques, portes, etc.) vont être testés puis début mars, nous basculerons vers la nouvelle organisation. On peut dire que le Hall D sera complètement opérationnel en avril 2010.

Les accès à l'aéroport sont compliqués pour les passagers. Qu'avez-vous prévu ?

Fin janvier, début février, toute la signalétique routière et parking va être modifiée. Elle sera plus lisible et plus voyante afin que nos clients se repèrent mieux et plus facilement. La dénomination des parkings va également changer avec des Proxi Parc, des Eco Parcs et un nouveau nom sera donné également à l'actuel P0 qui est un parking Express.

Comment régler l'actuel problème de stationnement ?

Les parkings de proximité sont saturés assez rapidement. La construction du nouveau parking silo, en prolongement de l'actuel P3, va commencer fin 2009 - début 2010. La livraison est prévue à l'été 2011 avec 3 200 places qui s'ajouteront aux 3 500 actuelles disponibles dans les parkings P3 et P2. Nous retrouverons alors une véritable qualité de service.

Quand l'aéroport de Toulouse sera-t-il desservi par des transports en commun ?

L'aéroport sera desservi par le tramway en 2013. Tisséo a pris la décision à l'automne et l'enquête publique sera lancée en fin d'année ou début janvier 2010. La liaison sera directe entre Toulouse et l'aéroport. Le terminus se situera devant l'aérogare et les travaux seront l'occasion d'un réaménagement de l'esplanade centrale. Avec l'ensemble de ces travaux, on arrivera enfin à une infrastructure qui aurait dû exister il y a déjà bien longtemps !

Combien de personnes travaillent-elles à l'aéroport ?

Plus de 20 000 personnes au total autour de l'aéroport dont 4 000 personnes directement dans la zone d'activités aéroportuaires. Quant aux effectifs du gestionnaire de l'aéroport, ils s'établissent à 280 personnes.

Avec l'ouverture du Hall D, allez-vous recruter ?

En 2009, les embauches ont été gelées compte tenu de la crise et en 2010, une dizaine de postes vont être crées. Mais l'ouverture du Hall D va générer la création d'une centaine de nouveaux postes dans la nouvelle zone commerciale de 1 000 m2. Sans compter les 500 m2 supplémentaires liés au réaménagement du Hall C.

Quelles particularités aura la nouvelle galerie commerciale ?

Elle est conçue dans l'esprit d'une place de village avec des services et des boutiques classiques : une boutique produits régionaux, une autre souvenirs de Toulouse « Spirit of Toulouse », un Relay, et des boutiques beauté et bijoux. Quant à la restauration, elle est gérée par Eliance (groupe Elior) qui a refait tous les points de restauration de l'aérogare et qui vient d'inaugurer le 8e Ciel.

Qui gère cette galerie ?

La galerie est gérée essentiellement par Nuance Groupe, un groupe italo-suisse spécialisé dans les boutiques aéronautiques, qui s'installe pour la première fois sur un aéroport régional français. Les commerces louent les surfaces à l'aéroport ; nous percevons une redevance commerciale liée au chiffre d'affaires et qui varie selon les produits.

Êtes-vous soulagé de voir bientôt la fin des travaux ?

Le chantier du Hall D a été un chantier lourd, complexe et long puisqu'il a duré trois ans. La commission de sécurité est attendue fin décembre et ce sera une bonne nouvelle pour nous ainsi que pour la maîtrise d'œuvre portée par le cabinet toulousain Cardete et Huet.

Le Hall D sera-t-il l'occasion d'une grande opération de communication ?

L'inauguration aura lieu dans l'aérogare le 21 janvier avec 1 000 personnes invitées. Un week-end portes ouvertes aura lieu les 4 et 5 mars. Le 4, pour le personnel, le 5 pour le grand public qui aura la possibilité de se promener dans l'aéroport comme s'il embarquait ou débarquait. 15 000 personnes sont attendues et une campagne de communication nationale sera lancée.

Quelle est la stratégie de l'aéroport ?

Nous avons signé en mars 2009, avec l'État, un contrat de régulation économique sur cinq ans : 2009 - 2015. Nous sommes le seul aéroport de province à l'avoir fait. Nous avons des engagements d'investissements : 131,3 M€ répartis en 86,8 M€ d'investissements de capacité (Hall D et second parking en silo) et 44,5 M€ d'investissements de renouvellement. Nous avons aussi des engagements en matière de qualité de service et de tarification des redevances qui doivent être discutées chaque année avec les compagnies aériennes et l'État. Jusqu'à présent, nous avons réussi à avoir des évolutions de tarifs modestes puisque hors inflation, nous nous basons sur une progression de 1 % en 2008, 1 % en 2009 et 1,9 % les trois années suivantes.

L'aéroport a-t-il évolué depuis son changement de statut en 2007 ?

Nous étions un établissement de la Chambre de Commerce et d'Industrie et nous sommes devenus une société. Nous avons mené un chantier social très important et petit à petit les mentalités changent. Sur 280 employés, 180 sont sous contrat avec la société. L'objectif est que ces 100 personnes basculent dans le nouveau statut pour avoir une gestion homogène des statuts. Quant à l'actionnariat, il évoluera dans les prochaines années. L'État, actionnaire majoritaire, n'est pas destiné à le rester. D'ici trois à quatre ans, ce sera sans doute d'actualité.

En savoir plus :

L'aboutissement de 10 ans de travail pour Jean-Michel Vernhes ! Quand il prend la tête de l'Aéroport Toulouse-Blagnac en 1999, le projet de créer un nouveau terminal est déjà dans les cartons. L'aéroport est alors un établissement géré par la Chambre de Commerce et d'Industrie de Toulouse (CCIT) ; la décision de construire le Hall D est prise en 2004. Ancien responsable RH de l'Aviation Civile, Jean-Michel Vernhes est alors très impliqué dans la vie de la CCIT. Il est nommé directeur général des services en 2002, des fonctions qu'il ne quitte qu'en septembre 2009. Pendant plusieurs années, il prépare le changement de statut de l'aéroport finalisé le 23 mars 2007. Après plus de 50 ans d'administration par la CCI de Toulouse, l'Aéroport Toulouse-Blagnac, société de droit privé, obtient la concession pour gérer l'aéroport jusqu'en 2046. Jean-Michel Vernhes devient alors président du directoire de la société Aéroport-Toulouse-Blagnac. C'est aussi en 2007 que sont lancés les travaux du Hall D. « Un chantier lourd et complexe » reconnaît Jean-Michel Vernhes qui a suivi pas à pas l'évolution des travaux avec le cabinet d'architectes toulousains Cardete et Huet. Le 21 janvier prochain, jour de l'inauguration du Hall D, ce Tarnais d'origine, ancien élève du lycée Pierre de Fermat et de l'Enac, aura sans doute le sentiment d'un grand chantier enfin sur les rails.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.