Dominique Pon se définit lui-même comme "un passionné de numérique en santé". Le directeur de la Clinique Pasteur à Toulouse n'est pas adepte de la langue de bois et se dit d'emblée lassé par "le bordel incroyable" de la santé numérique en France.
"Il existe des logiciels différents partout qui ne communiquent pas entre eux. C'est la jungle, la France est un tiers-monde numérique en matière de santé. Beaucoup fantasment sur l'intelligence artificielle mais aujourd'hui il n'est pas possible de communiquer numériquement un compte-rendu d'hospitalisation à un autre praticien ou de partager de manière digitale une prescription entre un médecin et un pharmacien. Nous sommes restés à l'ère du papier", regrette le dirigeant.
Celui qui privilégie "l'action" aux "lamentations", a décidé d'accepter la proposition faite par la ministre de la Santé Agnès Buzyn de piloter le volet numérique du plan gouvernemental Ma Santé 2022. Ce programme prévoit de consacrer 500 millions d'euros à la transformation numérique des hôpitaux.
Identifiant unique et bouquet d'applications
À l'occasion de la Mêlée numérique, Dominique Pon a présenté mardi 1er octobre les grandes ambitions de ce programme.
"L'idée est de repenser les bases d'une santé numérique. À compter du 1er janvier 2022, chaque Français aura à la naissance un identifiant numérique de santé (appelé identifiant national de santé, INS) qui sera utilisé par tous les professionnels de santé et qui pourra aussi être l'identifiant de référence pour les applications de santé. Les citoyens auront aussi accès à un store d'applications de santé labellisées par le gouvernement.
De même, chaque professionnel de santé, y compris les professions médico-sociales, aura un identifiant unique et pourra être retrouvé dans un annuaire national. Les professionnels auront aussi accès à une messagerie sécurisée et au même store d'applications de santé pour remplir les informations concernant leurs patients", décrit l'expert.
Autre ambition : dématérialiser la carte Vitale et créer un outil de prescription en ligne pour que les patients aient leurs ordonnances sur smartphone.
Quels garde-fous sur les données ?
Alors que des acteurs privés comme Doctolib (qui revendique 75 000 professionnels et 1 400 établissements partenaires) prennent de plus en plus de terrain, Dominique Pon veut créer des synergies avec cet écosystème de startups.
"J'ai discuté il y a quelques jours avec le fondateur de Doctolib. Son site compte autant d'utilisateurs que le compte Ameli (site de l'assurance maladie, ndlr). L'entrepreneur veut être un pionnier sur les nouveaux services que nous allons proposer et notamment le store d'applications. Lui aussi pense que nous avons besoin d'un cadre national pour la santé numérique", glisse-t-il.
Reste à savoir quels seront les garde-fous imposés aux startups qui vont faire transiter les données de santé des Français. Le directeur de la Clinique Pasteur plaide pour un lab santé qui permettrait aux jeunes sociétés d'expérimenter leur technologie à partir de données anonymisées. Il convient aussi qu'il est nécessaire de renforcer la sécurité autour de ces données.
Un volet éthique est également prévu dans le plan gouvernemental. Encore récemment, la startup Happytal, conciergerie pour les hôpitaux, a été épinglée dans la presse. Mi-août, Le Monde expliquait que derrière un certain nombre de services aux patients (livraison de courses ou de journaux, massages...), le modèle économique de la startup reposait surtout sur la facturation de chambres individuelles avec parfois des pratiques de démarchage agressives ciblant des personnes âgées.
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