"La robotique sera au cœur de l'usine de demain"

Présents au salon Siane 2017, qui se tient cette semaine au parc des expositions de Toulouse, Laurent Latorse, fondateur d'Airod Technologies et Jérémie Pedros, chef d'entreprise d'Actemium Toulouse robotique & automation, tous les deux respectivement président et vice-président de Robotics Place, décryptent pour La Tribune la mutation des processus de production.
Laurent Latorse et Jérémie Pedros, au Siane 2017.

La robotisation des usines est-elle inéluctable ?

Laurent Latorse : Oui, parce que la France est un pays "high-cost", avec des charges importantes du côté de la masse salariale, et qui a décidé de positionner l'humain au centre de se politique robotique. Les ouvriers vont laisser place à des robots sur tous les postes générateurs de troubles musculo-squelettiques, les TMS.  Mais ce n'est pas un remplacement de personnel : il s'agit d'optimiser des fonctions répétitives, rébarbatives. Les opérateurs seront replacés dans postes à plus forte valeur ajoutée.

 Jérémie Pedros : La robotique de masse, celle qui a remplacé le travail humain par de la robotique, a déjà eu lieu dans notre pays. Ces grandes phases de robotisation ont touché des domaines comme l'automobile. Cela s'est fait parfois de façon dramatique, au détriment de l'emploi. À cette période, l'usine rêvée, fantasmée par les industriels, c'était l'usine sans hommes. Ce schéma est mort. Aujourd'hui nous défendons l'idée d'utiliser la robotique pour remettre l'homme au centre de sa valeur ajoutée. Des savoir-faire, la capacité de décision ou encore d'adaptation ne seront en effet jamais remplaçables.

 Quel en est l'intérêt ?

J.P. : Il s'agit de garder notre industrie, voire même de réussir à la relocaliser sur nos territoires.  La robotique offre des gains de productivité, de réactivité, de flexibilité, etc. Cette performance retrouvée doit permettre de capter de nouveaux marchés et d'être plus compétitifs sur des marchés mondiaux. C'est une arme pour tenter de conserver nos modèles sociaux et environnementaux face à des pays low-cost.

 Est-ce la fin de la main-d'œuvre peu qualifiée ?

J.P. : Évidemment, il n'est pas question de faire de l'angélisme. Le robot économise une part de la main-d'œuvre. Mais on parle d'une main-d'œuvre qui est déjà aujourd'hui  déjà délocalisée dans des pays low-cost. La robotisation doit entraîner une élévation, une augmentation du niveau de qualification de la main-d'œuvre dans l'industrie.

 L.L. : Cette problématique doit être envisagée en parallèle de la question de la formation continue pour que la main-d'œuvre aujourd'hui peu qualifiée monte en compétence et apprenne à réparer un robot, ou se servir d'un robot. Des nouveaux métiers vont se créer. La main-d'œuvre non-qualifiée pourra y trouver une place en se formant.

 Quelle place pour la robotique collaborative dans cette perspective ?

 J.P. : On est au début d'une nouvelle histoire de la robotique, que l'on appelle aujourd'hui la robotique collaborative ou la cobotique. Il s'agit de recréer une interaction entre les systèmes robotisés et l'opérateur. C'est une nouvelle mutation. De nouveaux robots qui permettent de travailler à côté ou avec l'homme existent, c'est une première étape. Il y en a d'autres à franchir. Comme la capacité qu'auront nos clients et le marché à détecter les usages de la cobotique. Il y a beaucoup d'outils, beaucoup d'opportunités, mais encore peu d'usages.

 L. L. : En effet, on est dans une pré-phase où nos clients testent ces solutions de robotique collaborative. Il ne faut pas se tromper : la cobotique ce n'est pas que des robots. C'est prendre l'ensemble du processus de fabrication et étudier comment interagir entre l'élément robotique et l'homme. On ne peut pas avoir que des robots collaboratifs que l'on va assembler comme un puzzle et croire que cela marcher. Il faut prendre touts le processus de fabrication en compte. Cela passe par des réunions avec les opérateurs, qui vont faire remonter des problèmes sur les processus, discuter avec le management, pour placer les robots  à la bonne place, etc.

 Q : Une sécurité totale est-elle envisageable ?

L. L. : Elle existe déjà. Toutes les machines en service dans les usines sont sans danger pour les opérateurs. Jamais un robot en phase de mise au point sera mis dans un espace collaboratif dans une usine. Toutes sortes de sécurités existent aujourd'hui pour garantir le risque zéro.

La Région Occitanie est-elle bien positionnée sur le marché de la robotique ?

L. L. : En 2013, l'Europe a décidé de mettre la robotique au cœur de sa stratégie économique, cela a été suivie par la France, puis par la Région, qui a décrété que robotique et drone devaient être des thématiques de développement prioritaires. Oui, les collectivités et l'État poussent notre filière en avant. À très court terme, peu de secteurs sont concernés par la cobotique, mais demain, la ville du futur et l'usine du futur seront des thématique majeures de la robotique industrielle.

J. P. : L'activité future de nos pépites de robotisation aura du sens si on arrive à s'exporter. La stratégie de nos entreprises est tournée vers cela. Car le robot va devenir commun... Ce qui nous différenciera sera notre capacité à intégrer les robots dans des procédés spécifiques, et notre expertise sur leur utilisation. Pas leur construction.

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