Serban Iclanzan, patron de presse et élu, portrait d'un ambitieux

Atypique, intrigant, clivant. Serban Iclanzan, 40 ans, est tout jeune en politique, et l'un des rares élus de droite du nouveau Conseil départemental de Haute-Garonne. Vu par certains comme "la relève" de la droite locale, cet ancien légionnaire né en Roumanie s'est aussi taillé une réputation d'homme rigide, peu apte au consensus, voire conservateur. Patron de l'hebdomadaire juridique La Gazette du Midi, son parcours professionnel, militaire et politique est étonnant. Portrait.
Serban Iclanzan dans son bureau de La Gazette du Midi

"Pourquoi voulez-vous faire mon portrait ?"

Le directeur de la publication de La Gazette du Midi reçoit dans son bureau, allées Jean-Jaurès, à Toulouse. Quand il pose la question, il a l'air de déjà connaître la réponse, et pour cause. À 40 ans, Serban Iclanzan a déjà vécu plusieurs vies : né en Roumanie, passé par l'Algérie, ancien légionnaire, patron de presse, père de quatre enfants, il est également élu Les Républicains (ex-UMP) au Conseil départemental de Haute-Garonne. Son parcours étonne. Il en a fait un atout.

"Entrer en France par la grande porte"

Serban Iclanzan a vu le jour à Timisoara, à la frontière de l'ex-Yougoslavie. Fils unique, c'est en suivant ses parents universitaires en Algérie qu'il apprend le français. Adolescent et jeune adulte, il fait ses études à Toulouse, et déjà se passionne pour les questions de défense nationale, un sujet dont il est aujourd'hui spécialiste. De là à passer par la Légion Étrangère pour obtenir la nationalité française... il fallait y penser. Mais surtout, il fallait le faire ! Nous sommes en 2000, le Roumain de 25 ans a un DEA de sciences politiques en poche (filière "Relations internationales et Défense"). Entre la thèse qui l'attend et les terrains de combat, le jeune homme fait un choix radical.

C'est ainsi qu'entre 2000 et 2005, Serban Iclanzan sert l'Armée de terre française en Côte d'Ivoire, à Djibouti ou encore au Kosovo.

"Je voulais entrer en France par la grande porte. Mes années dans la légion sont les plus belles années de ma vie", avoue-t-il sans rougir.

Son goût de la discipline, de la loyauté et son intérêt pour le monde militaire ne sont aujourd'hui plus des handicaps. Au contraire, ses proches saluent son sens de la rigueur. "Pourtant, quand j'ai quitté l'armée en 2005 pour retourner au monde civil, la ligne 'légionnaire' de mon CV me faisait rater des opportunités. Les employeurs se demandaient si j'étais vraiment stable, si j'avais des casseroles." "Il a gardé de sa période dans l'armée un côté un peu rigide", plaisante son ami en politique Arnaud Lafon (maire Modem de Castanet).

Aujourd'hui réserviste, Serban Iclanzan est resté très proche du milieu militaire, dans lequel il a noué ses plus fidèles amitiés. Il a d'ailleurs collaboré longtemps avec les services de l'ordre et de la justice en tant qu'interprète et traducteur (en roumain) près de la Cour d'appel de Toulouse. C'est l'une des étapes insolites de son parcours. Serban Iclanzan a assisté à plus de 600 interventions : gardes à vue, interceptions téléphoniques, audiences, etc. Pour l'anecdote, c'est en travaillant avec la police sur des écoutes téléphoniques concernant une affaire de stupéfiants qu'il met au jour presque par hasard la première affaire de "clonage de cartes de crédit" organisée par des Roumains en France.

"La Gazette du Midi est avant tout une entreprise"

En sortant de l'armée, le jeune Serban Iclanzan ne se contente pas de ses collaborations avec la police. Au bout d'un an de recherche d'emploi infructueuse, il décroche finalement un poste de chargé d'affaires à La Gazette du Midi, journal hebdomadaire dédié à l'actualité juridique et qui publie les annonces légales et judiciaires.

À la suite d'un changement de direction, de nombreux départs dans l'entreprise, et par la volonté de l'actionnaire du journal Michel Guyomard, Serban Iclanzan est propulsé directeur de la publication, en 2011. "Ça décoiffe", sourit-il. Déjà proche du milieu judiciaire, il n'a aucun mal à se faire connaître et accepter des professions du droit et du chiffre. L'ancien bâtonnier de Toulouse Frédéric Douchez dit de lui qu'il est "très investi", et qu'il "donne un relais formidable à la profession d'avocat". Parmi ses amis professionnels : l'avocat et ancien bâtonnier Pascal Saint-Geniest ou encore Nicole Calvinhac, ancienne présidente de l'Ordre des experts-comptables.

En ce qui concerne ses relations avec la rédaction de La Gazette du Midi, Serban Iclanzan assure qu'il pratique un management "très humain, laissant une grande liberté à la rédaction". "Il m'arrive même de découvrir ce qu'il y a dans le journal une fois qu'il est publié !", s'amuse-t-il. Chez les journalistes, en revanche, pas de commentaire. Personne ne souhaite s'exprimer sur le sujet.

Même s'il assure que "La Gazette du Midi est avant tout une entreprise", le directeur de la publication s'est tout de même retrouvé confronté à un cas de conscience en 2014. Cette année-là, il décide de se lancer dans la course aux municipales de Ramonville, sous l'étiquette UMP. Patron de presse et tête de liste aux municipales... il faut bien réfléchir, se dit-il. Mais pas trop longtemps. Comme à chaque fois qu'une opportunité se présente, Serban Iclanzan la saisit.

serban iclanzan

"Jean-Michel Baylet ? Rien à voir"

Être à la tête d'un média tout en étant candidat à des élections ? Qu'on ne vienne pas taquiner Serban Iclanzan avec le cas similaire de Jean-Michel Baylet (président du PRG et patron de La Dépêche du Midi) : "ça n'a rien à voir !", se défend-il.

"Dans La Gazette du Midi, nous n'écrivons rien sur la politique, ce qui me préserve du conflit d'intérêt. D'ailleurs, je trouve que La Dépêche a depuis longtemps franchi les limites. Moi, je n'interviens pas dans le comité de rédaction. Je fais tout pour que les salariés de La Gazette, de surcroit les journalistes, ne se sentent pas engagés par ma carrière politique. Je n'entraîne pas le journal dans mon sillage. La politique est un choix tout à fait personnel".

Premiers pas en politique

Les bruits de couloirs soufflent que c'est la femme de Serban Iclanzan, Mathilde Iclanzan (responsable financière Europe de l'Ouest et Afrique pour le groupe Alstom Grid), qui l'a poussé à faire carrière en politique. En 2014, elle est elle-même numéro deux sur la liste UMP / UDI / Modem pour les municipales à Ramonville, menée par l'UDI Patrice Brot. Serban Iclanzan est alors sollicité pour "filer un coup de main". "Il a un vrai talent d'éloquence", lui reconnaît Patrice Brot.

Et puis, c'est le schisme. Sur fond de désaccords politiques ("il trouvait notre projet trop mou, pas assez à droite", se souvient Patrice Brot), Serban Iclanzan décide de proposer sa propre candidature face à celui qu'il était venu soutenir. Son épouse le suit, ainsi que plusieurs membres de la liste de Patrice Brot. Finalement, à l'issue du scrutin, les deux listes perdront face au PS Christophe Lubac.

Mais Serban Iclanzan (qui accède quand même au second tour), se fait remarquer. Aujourd'hui, selon plusieurs politiques de droite, il incarne "la relève". "Il ne lâche rien. Il est serviable mais pas servile", dit de lui le Modem Arnaud Lafon. Celui qui fait ses premiers pas en politique veut incarner une droite "généreuse, mais qui ne tolère pas les abus" et s'étonne de voir qu' "en France, on s'accroche beaucoup à des principes qui ont expirés, alors que le monde autour change".

Est-il de la droite Sarkozy, ou plutôt Juppé ?

"Aujourd'hui, personne n'incarne vraiment mon positionnement. Je suis un libéral à la Alain Madelin", répond Serban Iclanzan.

Polémique autour des Départementales

Un positionnement qui n'est pas sans déplaire à l'UMP locale. Début 2015, Laurence Arribagé, première secrétaire de l'UMP 31, vient chercher Serban Iclanzan pour mener la campagne des cantonales sur le canton de Ramonville. Il bénéficie d'un soutien de poids : celui du maire de Toulouse, qui se déplace plusieurs fois sur le canton pour faire campagne avec son poulain.

"C'est une nouvelle génération d'élus que je pousse. Serban a des qualités de stabilité, d'organisation, de solidité, décrit aujourd'hui Jean-Luc Moudenc. Je me suis investi davantage avec lui qu'avec les autres, car il me succède sur ce canton."

Et ça marche. Serban Iclanzan fait partie des 6 conseillers départementaux de droite de la nouvelle assemblée départementale. Élu avec un "score Pastis : 51 voix d'écart", face à Christophe Lubac, cette victoire fait aujourd'hui l'objet d'un recours devant le tribunal administratif. En effet, le candidat PS estime que Serban Iclanzan a fait paraître pendant la campagne un tract mensonger au sujet du PLB et de la privatisation de l'aéroport.

"Il donne une mauvaise image de la politique. Il est opportuniste, conservateur et individualiste", commente Patrice Brot, qui n'a pas digéré la "trahison" de 2014.

Pour sa part Christophe Lubac se montre moins volubile :

"Je constate simplement que depuis qu'il est élu au Département, Serban Iclanzan n'est pas venu se présenter à la Mairie de Ramonville, ce qui aurait été la moindre des politesses."

Récemment, Serban Iclanzan a qualifié sur Facebook Christophe Lubac de "suffisant", l'interpellant ainsi : "Vous ne répondez pas à mes demandes quand je vous propose de nous rencontrer, ni quand je vous le demande par courrier, et encore moins quand je le formule en vous serrant la main et en vous regardant dans les yeux."

Ambiance.

Lanceur d'alerte

Au sein de l'assemblée départementale, Serban Iclanzan a conscience du peu de pouvoir dont il dispose. "Avec si peu d'élus, nous avons davantage un rôle de lanceur d'alertes, estime-t-il. Nous faisons du porte à porte pour aller parler à la majorité, attirer son attention." Mais une fois lancé, Serban Iclanzan a prouvé qu'il est du genre à aller loin.

"Oui, j'ai des ambitions. Comme dit Jean-Luc Moudenc, 'celui qui ne réfléchit pas à son prochain mandat n'a rien compris à la politique'. Mais je n'ai pas besoin de la politique pour vivre. J'ai peur du jour où je entêterai bêtement par orgueil d'obtenir un mandat !"

En acteur éclairé du monde journalistique, Serban Iclanzan fournit lui-même sur un plateau la conclusion de son portrait : "Il faut savoir avant tout que mon plus beau mandat, ce sont mes quatre enfants." Il assume le cliché, comme tout le reste.

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