Baisse d'activité dans l'ingénierie aéronautique, pourquoi les entreprises concernées restent muettes

Ce n'est pas un secret, avec la fin des programmes de développement de l'A350, une forte baisse d'activité est à prévoir dans l'ingénierie, notamment à Toulouse. Dans sa dernière note de conjoncture, le cluster Digital Place évoque "une baisse de charge forte en 2014 et 2015". Luc Marta de Andrade, délégué régional du Syntec numérique, parle - avec précaution - de 5.000 à 7.000 emplois menacés. Pourtant, les patrons des entreprises concernées restent silencieux. Explications.
© photo Rémi Benoit

"Les sociétés de services qui ont été fortement impliquées dans les grands programmes avions d'Airbus vont connaître une baisse de charge forte en 2014 et 2015." Dans sa dernière note de conjoncture, le cluster du numérique en Midi-Pyrénées Digital Place est clair, l'activité d'ingénierie aéronautique est menacée depuis la fin des programmes A350 sur lesquels ont travaillé de nombreuses sociétés régionales. "Même si ces entreprises étaient informées de cette baisse, il leur sera très difficile de gérer les ingénieurs (plusieurs milliers) en sous-charge, la mobilité géographique étant un sujet très compliqué", ajoute le cluster.

Ce n'est pas Luc Marta de Andrade qui va dédramatiser ces propos. Le délégué régional du Syntec numérique (principal syndicat de la profession) estime que 5.000 à 7.000 emplois pourraient être touchés. Des chiffres à affiner selon lui, mais qui représentent quand même 20 % des salariés du secteur en Midi-Pyrénées. "Tout le monde est touché, les éditeurs de logiciels, les SS2i ou les conseils en technologies, qui interviennent de la conception de l'avion jusqu'à sa fabrication." Seraient donc concernées, entre autres, les sociétés S2i, Eurogiciel, Altran, etc. Des sociétés dont les dirigeants ne souhaitent pas s'exprimer.

Des entreprises aux intérêts divergents

"Airbus fait partie des clients d'Eurogiciel. Il est délicat pour Daniel Benchimol de s'exprimer avec sa casquette de chef d'entreprise", explique-t-on au service presse du cluster Digital Place, présidé par le patron de la société d'ingénierie aéronautique. "On ne souhaite pas s'exprimer pour le moment", répond-on également chez Altran et S2i. Si l'omerta règne sur le sujet, c'est non seulement parce que ces entreprises ne veulent pas se fâcher avec leur client Airbus, mais aussi parce que leurs intérêts sont divergents. "Il est difficile de trouver une position commune", reconnaît Luc Marta de Andrade, alors que le Syntec Numérique vient de lancer une commission de réflexion sur le sujet.

Et la problématique est plus complexe qu'il n'y paraît. "Airbus est entré dans une logique de massification visant à limiter son nombre de sous-traitants de rang 1. Il y aura les gagnants, ceux qui vont rester sous-traitants de rang 1, et les perdants, qui vont passer en rang 2 et perdre en rentabilité", explique Luc Marta de Andrade, justifiant ainsi la difficile discussion qu'il tente d'établir entre les différents acteurs du secteur. "Ceux qui se sentent menacés disent 'il faut faire quelque chose'. Les autres ne veulent rien changer", résume-t-il. Même l'État, représenté dans ce dossier par Gérard Soula (chef de la cellule aérospatiale à la Direccte Midi-Pyrénées), ne souhaite pas s'exprimer avant une réunion sur le sujet qui se tiendra en janvier.

On ne pouvait pas prévoir ?

"Le risque, c'est de perdre des compétences", regrette le délégué régional du Syntec numérique. Une crainte confirmée dans la note de conjoncture de Digital Place qui indique qu' "il aurait été plus stratégique de mettre en place une CPECT (Gestion prévisionnelle des emplois et compétences)", c'est-à-dire une gestion préventive des ressources humaines qui doit permettre d'éviter les restructurations brutales.

Alors, les entreprises concernées ne pouvaient-elles pas tout simplement prévoir cette baisse d'activité ? "Si. Cette diminution d'activité est logique, répond Luc Marta de Andrade, qui évoque une destruction-créatrice. La fabrication des avions va créer des emplois dans d'autres secteurs. Il faut établir un dialogue avec Airbus et essayer de faire venir en Midi-Pyrénées d'autres entreprises pour utiliser les compétences disponibles", notamment dans les domaines de l'énergie, des systèmes embarqués ou de l'agriculture.

Chez Airbus enfin, aucune information ne filtre non plus. "Nous souhaitons que les arguments soient conjointement définis et arrêtés avant de communiquer sur le sujet", indique le service presse. Les langues pourraient se délier rapidement, une communication du Syntec Numérique est attendue dans la semaine.

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