Aéronautique : comment ST Composites surmonte la flambée des prix

Après la vague inflationniste, l'heure est à l'adaptation dans la filière aéronautique. Pour tenter de préserver au maximum sa trésorerie et sa compétitivité, la PME toulousaine ST Composites s'est lancée dans une course à l'innovation. Les détails.
ST Composites emploie une cinquantaine de personnes en périphérie de Toulouse, à Labège.
ST Composites emploie une cinquantaine de personnes en périphérie de Toulouse, à Labège. (Crédits : Rémi Benoit)

Dans les rangs de la filière aéronautique, le sujet de la trésorerie est devenu LA priorité. Selon un décideur économique toulousain de premier rang, deux entreprises sur trois de cette industrie sont en surchauffe sur le plan financier, et ce malgré un carnet de commandes assez plein. « C'est la grande préoccupation du moment, c'est un sujet très sensible », lance un autre, installé au sein du GIFAS. Le Groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales travaille d'ailleurs avec Bpifrance sur cette question du besoin en fonds de roulement (BFR).

« C'est un sujet de forte tension, lié en partie à la remontée des cadences et pourtant nous n'avons pas retrouvé celles d'avant la crise sanitaire. Les banques prêtent très difficilement, les PGE sont à rembourser et les prix des matières premières ont augmenté. Nous sommes face à un effet ciseaux », confirme Stéphane Trento, le PDG de ST Composites.

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Dans ce contexte, l'innovation est devenue le paramètre majeur pour la PME toulousaine afin de préserver sa compétitivité. Pour ce faire, l'entreprise spécialisée sur les matériaux composites et plus particulièrement les thermodurcissables agît sur les caractéristiques de ses produits.

Un important travail sur les résines

Le sous-traitant de rang 1, qui emploie 40 salariés sur son site de Labège (Haute-Garonne), a ainsi imaginé une nouvelle génération de résine capable d'atteindre la bonne température de cuisson plus rapidement. Tout sauf une anecdote pour un acteur industriel qui a vu sa facture d'électricité se multiplier par trois dernièrement.

« Nous étudions et nous utilisons déjà dans certains usages précis des résines de nouvelle génération pour réduire le temps de cuisson. Si nos résines actuelles doivent monter de 140 à 180 degrés, celles de nouvelle génération n'ont besoin d'atteindre que les 80 degrés. En réduisant les temps de cuisson, on diminue nos charges et la durée de nos cycles de production, cela s'inscrit donc aussi dans une démarche de gain de compétitivité », décrit le dirigeant.

Ces nouvelles résines sont pour le moment utilisées sur des éléments dédiés à l'aménagement intérieur des cabines, marché sur lequel est très présent ST Composites. Toujours dans cette logique de réduction des coûts, l'entreprise a revu ses procédés de production pour éliminer les consommables là où cela était possible. Typiquement, certaines étapes nécessitaient jusqu'à présent de grandes bâches plastiques, onéreuses pour l'entité toulousaine. Mais grâce à un développement interne, celles-ci ont été remplacées par des bâches réutilisables à partir d'un silicon particulier.

« Nous sommes engagés dans une chasse aux coûts futiles et aux surcoûts. Avec le recul, nous pouvons le dire, cela nous a permis de réaliser des économies loin d'être négligeables. Mais dans le même temps, nos fournisseurs ont aussi augmenté leur prix et nous ne pouvons pas tout répercuter sur nos clients », témoigne Stéphane Trento

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Diversification et internalisation

Toujours sur les résines, ST Composites a engagé un travail de R&D avec certains de ses fournisseurs sur le stockage de ses résines. Si aujourd'hui il est nécessaire de les stocker à -20 degrés, ce qui est très consommateur en énergie, la société toulousaine travaille pour mettre fin à ce stockage dans des températures négatives.

« L'avion vert, ce n'est pas qu'un avion qui vole grâce à de l'huile de friture, cela repose aussi sur des choix de matériaux dès sa construction », commente Stéphane Trento.

Dès lors, la PME, qui envisage 30 recrutements dans les 18 prochains mois, développe des matériaux composites biosourcés, après avoir internalisé récemment les étapes de l'usinage et de la peinture. La composition chimique laisse place à des matières respectueuses de l'environnement comme de la fibre de lin. Mais de nombreux blocages psychologiques restent encore à surmonter dans la filière pour voir ce matériau finir dans les avions. Aussi, cette innovation devra passer les nombreuses étapes de certification, gage de fiabilité de cette industrie.

L'entreprise, qui travaillait jusqu'à présent uniquement pour des noms comme Dassault, Safran, Mecachrome ou Airbus, s'est diversifiée vers d'autres secteurs grâce à ce matériau composite biosourcé comme celle du cycle avec la fabrication de cadres de vélo. Par ailleurs, elle produit aussi désormais la structure des drones du toulousain Diodon Technology. Après avoir connu un énorme trou d'air au moment de la crise sanitaire, ST Composites a vu son chiffre d'affaires gonfler de +80% en 2023 et vise les cinq millions d'euros en 2024.

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