LGV Toulouse-Bordeaux : crispation totale sur son financement

La venue du Premier ministre à Toulouse samedi a été éclaboussée par le sujet de la LGV Toulouse-Bordeaux. Agacé par un accord de financement sur une ligne à grande vitesse de Nice à Marseille entre l'État et les collectivités quelques jours plus tôt, Jean-Luc Moudenc, le maire de Toulouse, a piqué publiquement Jean Castex sur le sujet. Dénonçant "une injustice territoriale" face aux multiples demandes d'accord similaire pour la ligne du sud-ouest (non abouties), Carole Delga s'est aussi mêlée à l'échange. Récit d'un week-end sous tension autour de cette infrastructure ferroviaire.
Jean-Luc Moudenc, Jean Castex et Carole Delga étaient réunis, samedi 24 avril, sur le chantier du futur téléphérique urbain de Toulouse.
Jean-Luc Moudenc, Jean Castex et Carole Delga étaient réunis, samedi 24 avril, sur le chantier du futur téléphérique urbain de Toulouse. (Crédits : Pierrick Merlet)

Il pensait repartir les poches vidées, finalement c'est bien tout le contraire qui est arrivé... Malgré le contexte sécuritaire moins de 24 heures après l'attaque de Rambouillet, Jean Castex tenait à venir à Toulouse, samedi 24 avril, dans la matinée. Pour justifier le maintien de ce déplacement, l'importance devait être au rendez-vous pour celui qui se présente comme le "Premier ministre des territoires" et c'était le cas. Le chef du gouvernement a annoncé lors de sa visite le déblocage de 200 millions d'euros, avec France Relance, pour le chantier de la troisième ligne de métro à Toulouse attendue en 2028.

Lire aussi : Troisième ligne de métro à Toulouse : pourquoi Tisséo a retenu Alstom pour le matériel roulant

Au moment des prises de paroles des élus locaux et du visiteur, en clôture, comme c'est la norme pour ce genre d'événement, rien ne s'est passé comme prévu (aux yeux de Matignon tout du moins). Aux côtés de Carole Delga, la présidente socialiste du conseil régional d'Occitanie, c'est Jean-Luc Moudenc, maire de Toulouse et président de la Métropole, qui a ouvert le bal des discours. Aux remerciements à l'égard de la subvention, s'est succédé un humour sarcastique de l'élu local.

L'accord du sud-est, l'élément déclencheur

"C'est assez extraordinaire ce qui se passe en Côte d'Azur", lance Jean-Luc Moudenc. Le point commun qui relie le Sud à Toulouse ? La ligne à grande vitesse (LGV), vieux serpent de mer depuis des dizaines d'années, aussi bien Occitanie qui attend deux lignes (Toulouse-Bordeaux et Perpignan-Montpellier), que la région Paca qui souhaite un prolongement de la LGV entre Marseille et Nice.

Ce dernier projet a connu un véritable coup d'accélérateur ces derniers jours et c'est ce qui agace le maire de la quatrième ville de France. À l'issue d'une concertation de plusieurs semaines, l'État et les collectivités se sont entendus pour un financement à parts égales sur ce projet (40% chaque partie, soit 1.383 milliard d'euros chacun), avec en plus un financement européen de 20% espéré. Un co-financement dans une société de projet dédié, soit ce que demande Toulouse Métropole et la Région Occitanie pour l'axe Toulouse-Bordeaux.

"Les choses n'avancent pas sur la LGV Toulouse-Bordeaux, aussi bien sur la mise en place de la société de projet que sur le fléchage clair des recettes fiscales de cette même société. Je vous demande donc un coup d'accélérateur monsieur le Premier ministre et ce coup d'accélérateur que je demande est assez réaliste au regard de ce qui vient de se décider pour l'axe Marseille-Nice alors qu'il n'a même pas été déclaré d'utilité publique, contrairement au nôtre", a exprimé Jean-Luc Moudenc.

Devant plusieurs dizaines d'élus locaux, tout cela face à la presse, ces déclarations sont loin d'être passées inaperçues. D'ailleurs, du côté du Capitole, on ne cache pas que ce coup de communication est destiné à "faire secouer les services des cabinets ministériels en charge du sujet". Conscient de la crispation des élus locaux acteurs du dossier, Jean Castex a tenté d'apaiser la situation à sa prise de parole.

"J'ai bien noté que les avancées du sud-est vont servir d'aiguillon pour les projets du sud-ouest... C'est irrévocable. Nous avons ce projet (la LGV Toulouse-Bordeaux, ndlr) sur la table et nous y travaillons, mais il faut prioriser l'interurbain pour les transports du quotidien et la consolidation de notre réseau ferré existant. Il ne faut pas perdre de vue cette priorité. Mais j'ai conscience que ce projet favorise le désenclavement des territoires concernés et leur développement économique", a répondu Jean-Castex.

Une réunion interministérielle récente malgré tout

Favoriser les transports du quotidien est un argument gouvernemental qui ne tient plus sur la place toulousaine quand on justifie le retard accumulé sur cette LGV Toulouse-Bordeaux. Et pour cause, ce chantier permettrait la création d'un RER toulousain et l'éloignement du risque de saturation de la portion Toulouse-Agen, très emprunté par la population active. Un contexte qui fait que Carole Delga estime être la victime d'"une France à deux vitesses" et va même jusqu'à évoquer "une injustice territoriale" face à l'accord sudiste. Quelques heures après le retour à Paris du Premier ministre avec ses poches pleines de critiques sur la gestion du dossier, la candidate à sa réélection en juin prochain n'a pu cacher sa colère dans un communiqué.

Lire aussi : Régionales : Qui est Carole Delga, celle qui veut prendre part au débat en 2022 ?

"Je demande au président de la République un engagement ferme sur le même pourcentage de participation de l'État pour les deux LGV en Occitanie, d'autant que celles-ci sont largement plus avancées que Marseille-Nice", a-t-elle demandé et ce, "dans les meilleurs délais".

Après que chacun ait pris la parole unilatéralement dans ce dossier épineux, les deux élus locaux se sont associés 24 heures après, dimanche 25 avril, dans un nouveau communiqué (commun cette fois), preuve de leur agacement respectif à l'égard du gouvernement.

"Nous demandons que ltat garantisse l'équité territoriale : le Grand Projet ferroviaire du Sud-Ouest ne doit être ni impacté dans ses délais par le projet LNPCA (Marseille-Nice, ndlr) ni moins bien financé que celui-ci (...) Ce serait incompréhensible !", ont-ils notamment exprimé ensemble, rappelant aussi que les collectivités ont participé au financement du tronçon de LGV Tours-Bordeaux avec la garantie de l'État qu'elle se prolongerait jusqu'à Toulouse.

Malgré cette crispation, une réunion interministérielle avec les collectivités locales s'est pourtant tenue à la mi-avril. "Elle s'est suivie d'autres réunions de travail. Donc, le processus a bien été enclenché alors que jusque-là il patinait. Maintenant, il faut aller un petit peu plus vite", justifie à La Tribune Jean-Luc Moudenc. Un positionnement qui s'explique par le fait que la loi LOM (loi d'orientation des mobilités) permet la création cette société de projet dédié jusqu'au milieu de l'année 2022

Pour l'alimenter, deux pistes se dégagent, à savoir "une taxe spéciale sur les bureaux" comme ce qui se fait en Île-De-France pour financer son Grand Paris Express et une nouvelle répartition de la TICPE (taxe sur l'essence). Cette fiscalité spécifique doit ainsi permettre de financer les deux tiers de l'emprunt pour un projet évalué à près de neuf milliards d'euros. Le tiers restant devra être partagé entre les collectivités territoriales intéressées et l'État, en tout cas c'est ce qui est espéré en Occitanie.

Lire aussi : LGV Toulouse-Bordeaux : l'État débloque 28 millions d'euros, pour quoi faire ?

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 14
à écrit le 28/04/2021 à 8:38
Signaler
4h10 pour rejoindre Paris c’est tout à fait suffisant en améliorant le nord de Toulouse et le sud de Bordeaux et quelques rénovation par ci par là on gagne 20 mn de plus ce qui peut faire 3h45 ce qui est déjà très bien alors dépenser 10 milliards pou...

à écrit le 27/04/2021 à 12:01
Signaler
Sur les 222 MILLIARDS du plan de relance Italien (dont 191 octroyés par l'Europe) , l'un des 6 thèmes qui intègre les transports propres et durables verra près de 31,4 MILLIARDS qui seront fléchés vers la rénovation des lignes régionales et des ligne...

à écrit le 27/04/2021 à 8:10
Signaler
Je comprends la préférence pour le Marseille-Nice, tout comme pour le Montpellier-Perpignan. Ce sont 2 tronçons a vocation européenne avec respectivement des clients potentiels italiens et espagnols sur des axes de circulation importants. La ligne Bo...

à écrit le 26/04/2021 à 19:26
Signaler
les verts/rouges sont contre les avions, contre la vitesse, contre la destruction des terres agricoles, contre les voitures. Deux solutions - Il faut ouvrir une ligne Paris Toulouse en dirigeable. - prendre une péniche à Toulouse jusqu" a Bordea...

à écrit le 26/04/2021 à 17:51
Signaler
Quel intérêt d'une ligne TGV entre Bdx etTls, si des gares à l'extérieur des villes entre les deux sont aménagées(Agen, Montauban), si aucune autre gare n'est desservie. Quels bénéfices pour les voyageurs, l'intermodalité et les TER ? Quel gain de te...

à écrit le 26/04/2021 à 17:36
Signaler
en cas de crispation, telephonez a un copain du gouvernement, il vous debloquera plein de millions payes par personne au niveau de l'etat, dans un grand cadre de relance sociale ( avant elections); un peu comme certains tram a 200 millions..............

le 04/05/2021 à 19:19
Signaler
Le choix de mr Rousset pour le TGV Bordeaux Toulouse représente 240 km de distance environ, l'autre projet toujours en attente en Nouvelle Aquitaine entre Limoges et Poitiers est sur une distance de 130 km. Cela représente tout au moins le double...

à écrit le 26/04/2021 à 15:50
Signaler
Les toulousains n'ont pas besoin d'aller à Bordeaux, et les bordelais n'ont pas besoin d'aller à Toulouse. Ou alors, qu'ils y aillent en voiture. Ces lignes ne seront jamais rentables, et tout le monde le sait

le 26/04/2021 à 16:01
Signaler
Et que pensez-vous de ceci : Les marseillais n'ont pas besoin d'aller à Nice, et les niçois n'ont pas besoin d'aller à Marseille. Ou alors, qu'ils y aillent en voiture. Ces lignes ne seront jamais rentables, et tout le monde le sait. Avec des gens ...

le 26/04/2021 à 18:08
Signaler
En fait, vous n'avez rien compris. La LGV Toulouse - Bordeaux permet en fait de relier plus rapidement Toulouse à Paris vu qu'il y a déjà un TGV Bdx Paris. Toulouse est la seule grande métropole à ne pas avoir de ligne TGV avec Paris ....

à écrit le 26/04/2021 à 14:43
Signaler
Combien de milliers d'ha de terres arables à haut niveau hydrique (normal c'est la ou c'est le plus plat et des milliers d'années de culture) seront détruites pour construire le train des riches. Et est-ce que des grandes villes comme Bordeaux ou To...

le 26/04/2021 à 16:42
Signaler
Les riches se déplacent plutôt en voiture et un train à une emprise de terrain mains important qu'une autoroute.

le 26/04/2021 à 17:33
Signaler
@ mr Charette, Ben je pensais comme vous avant, passionné de trains, de la famille SNCF, j'ai pas pu, diplôme trop récent, je suis resté à un ballast de quoi 8m c'est largement suffisant, ben j'ai tout eu faux en suivant la ligne lgv le Mans Rennes,...

à écrit le 26/04/2021 à 8:27
Signaler
Ouais mais Castex lui il a pas demandé à être premier ministre hein ! Il l'a pas vu arriver le truc...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.