En construction, la plus grosse dark kitchen de Toulouse suscite des inquiétudes

Annoncée au début du mois de juin, l'ouverture de la plus grosse dark kitchen de Toulouse suscite déjà une polémique. Au sein du quartier des Chalets, des habitants ont lancé une pétition pour demander le retrait du projet Popafood. Les dirigeants de la société se disent étonnés du comportement des riverains. Reportage.
La plus grosse dark kitchen de Toulouse, qui ouvrira en novembre 2021, fait face à une vague de contestation d'une partie des habitants du quartier où elle souhaite s'implanter. Photographie d'illustration.
La plus grosse dark kitchen de Toulouse, qui ouvrira en novembre 2021, fait face à une vague de contestation d'une partie des habitants du quartier où elle souhaite s'implanter. Photographie d'illustration. (Crédits : Rémi Benoit)

"S'ils hébergent 12 cuisines, il auront le nombre de livreurs qui va avec. Ce n'est plus un restaurant, c'est une industrie !", exprime Hubert Lannes, 84 ans, un résident toulousain. Un témoignage partagé et validé par beaucoup d'autres.

Près de 180 signatures ont été recueillies sur une pétition demandant l'annulation de l'implantation de la plus grosse dark kitchen de Toulouse, qui comptera douze cuisines, surnommée Popafood. Pensée uniquement pour la livraison et la vente à emporter, celle-ci est en cours d'installation dans le quartier des Chalets. Hubert et sa femme Renée vivent ici, rue Alexandre Cabanel, depuis 1998. Depuis qu'ils ont appris que l'entreprise allait s'installer à quelques mètres de chez eux grâce à un prospectus déposé par les voisins dans leur boîte aux lettres, ils ne décolèrent pas.

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Des craintes sur les odeurs générées par les cuisines

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L'arrière du bâtiment, dont les travaux ont commencé, est au coeur d'un quartier résidentiel de Toulouse (Crédits : Rémi Benoit).

Leur crainte ? Des passages de livreurs à scooter incessants, des difficultés de stationnement induites par les salariés, et des odeurs de friture.

"Derrière la maison, nous avons un restaurant. À certains moments, nous sentons l'odeur remonter jusque dans la chambre", exprime Renée, stupéfaite de cette nouvelle. Hubert complète : "Alors 12 cuisines, rendez vous compte !".

Comme plusieurs habitants du quartier, ils s'inquiètent des odeurs générées par l'extracteur de fumée du futur établissement. Malgré des filtres anti-odeurs promis par les gérants, ils ne croient pas une seconde que cela puisse constituer une solution viable. "Toutes les chambres du quartier sont côté rue. Comment voulez-vous que nous ne sentions pas l'odeur ?", répètent-ils. Un autre couple de retraités, de l'Éducation nationale cette fois, partage leur avis.

"C'est une rue calme avec des petites maisons sans possibilité de repli à l'arrière. Donc toutes les pièces à vivre et les chambres sont face à l'établissement. C'est un vieux bâtiment avec seulement deux fenêtres à l'arrière", décrit la femme. Son mari, échauffé par cette situation, rappelle que "des pétitions ont déjà eu lieu par le passé pour un ancien restaurant. Ils ne vont tout même pas nous faire croire qu'ils vont tirer des cheminées sur 30 mètres de hauteur pour éviter que l'on renifle leurs odeurs. Il faut être sérieux."

Une discrétion des signataires de la pétition inexplicable

Pour eux, il n'est pas question de rencontrer les gérants du restaurant. "Nous savons comment les choses évoluent. Se rencontrer n'est pas une bonne solution, puisque par la suite ils feront quand même ce qu'ils veulent". Les concernant, c'est donc non-négociable : ils souhaitent le retrait pur et simple du projet, au profit d'un espace de co-working ou d'une salle de sport, projets réputés plus calmes.

Dans l'immeuble d'à côté, un autre retraité de 75 ans pense que le quartier va perdre sa tranquillité habituelle, déjà perturbée par le passé, par des restaurants qui se sont successivement installés dans ce même local de 400m2.

"Ils vont travailler sept jours sur sept, et le soir jusqu'à un heure du matin. Cela va faire un bruit insupportable dans toute la rue, c'est certain. On ne peut pas mettre 12 cuisines dans un bâtiment comme celui-là sans qu'il y ait des répercussions", lance-t-il.

Comme lui, dans le quartier, les plaignants sont peu nombreux à accepter de s'exprimer sans anonymat. D'autres refusent tout bonnement d'expliquer les raisons qui les ont poussés à signer la pétition sans la présence du voisin qui en est à l'origine. De son balcon, un homme reconnaît avoir signé la pétition : "Mais je préfère attendre son retour. Faites comme si vous ne m'aviez pas vu !", exprime-t-il, avant de rentrer chez lui discrètement.

Ce n'est pas le cas de Mathilde, qui exprime sans crainte ses difficultés à se rendre compte des conséquences que pourrait avoir l'installation de cette enseigne dans la rue. Son inquiétude est d'autant plus relative qu'elle prévoit de déménager à la rentrée, avant l'ouverture de l'établissement qui fait polémique.

"Je me demande comment cela va se passer au niveau des livraisons de la marchandise, si elles auront lieu la nuit. Cela risque aussi de nous impacter pour les places de parking, peu nombreuses. Je m'inquiète moins des livreurs, qui ne devraient pas être de ce côté de la rue. [...] Si tout le monde est assez intelligent pour ne pas faire n'importe quoi, je ne vois pas pourquoi cela poserait problème."

Tristan, 26 ans, habite dans une rue parallèle. Il dit ne pas en voir les conséquences pour l'instant : "En soit, cela apporte un peu de vie dans le quartier !", dit-il, pointant tout de même, lui aussi, une inquiétude liée aux places de stationnement.

"S'ils ont peur des livreurs, ils n'ont qu'à habiter à la campagne"

Contacté par La Tribune, Eric Descargues, co-porteur du projet de dark kitchen et directeur de l'entreprise DocDoKu, ne cache pas sa stupeur face au mécontentement de certains habitants et à la manière dont ils l'expriment.

"Personne ne nous a appelé. On ne nous a rien demandé. Nous avons été surpris. Nous récupérons un local de restaurant, nous ne faisons que l'utiliser. Il y a eu un kebab pas très bien fréquenté par le passé et un restaurant qui avait causé des nuisances, donc cela suscite des inquiétudes. Nous essayons de créer de la valeur, de l'emploi, nous préférerions plutôt que l'on parle de cela", dit-il, agacé.

Pour apaiser la situation, il a tenté de joindre Christine, une habitante du quartier mobilisée sur le sujet.

"Je lui ai dis que j'étais disponible ce vendredi pour en discuter. Je n'ai jamais eu de réponse. Puis, ils ont retiré leurs commentaires de la pétition parce qu'ils ont compris qu'on les avait trouvés. Donc qu'ils ne nous reprochent pas de ne pas avoir mis en place une consultation. Nous on est là, la balle est dans leur camp !", fait-il savoir, tout en s'étonnant de leurs revendications : "S'ils ont peur des livreurs, ils n'ont qu'à habiter à la campagne."

Par message, il lui a précisé les horaires de livraison des camions frigorifiques : ce sera entre 07h30 et 09h00. "C'est raisonnable, non ?" s'interroge le dirigeant, qui reproche aux détracteurs du projet de freiner l'accès à l'emploi. Pour ce qui est des odeurs, il ne peut que répéter ce qui a déjà été dit : des filtres équiperont l'extracteur de fumée pour qu'il n'en ressorte que de la vapeur d'eau, selon ses dires.

Contactée, la personne à l'origine de la pétition n'a pas répondu aux sollicitations de La Tribune. Selon La Dépêche du Midi, la mairie de Toulouse envisage de rencontrer les deux parties dans les semaines à venir, en vue d'apaiser les tensions actuelles avant l'ouverture de l'établissement.

L'ouverture est prévue en novembre

Annoncé par La Tribune, le lancement de cette dark kitchen, la plus grande de la Ville rose, devrait s'effectuer en novembre 2021.

À l'initiative d'une société du numérique, l'établissement a la particularité d'être pensé pour les plateformes numériques comme Uber Eats ou Deliveroo, mais également pour la vente à emporter, qui devrait constituer un tiers de ses ventes. À mi-chemin entre McDonald's et Foudie, le restaurant sans tables, ni chaises, pourrait réaliser entre 2,5 et 3 millions d'euros de chiffre d'affaires par an en cuisine.

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Pour prétendre à l'ouverture d'autres établissements à Montpellier et Bordeaux, les dirigeants espèrent comptabiliser entre 80 et 100 commandes par jour et par cuisine. Il leur faudra pour cela redonner le sourire au logo vert et jaune de l'enseigne... et aux habitants du quartier des Chalets.

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