Avec Popafood, une entreprise du numérique s'apprête à lancer 12 dark kitchens à Toulouse

La société toulousaine DocDoKu, spécialiste des solutions numériques, se lance dans l'aventure des "dark kitchen", ces restaurants pensés pour les services de livraison à domicile. Elle ouvre pour cela une filiale baptisée Popafood. Actuellement en construction, un local situé au centre-ville de la Ville rose devrait accueillir douze cuisines différentes dès le mois de novembre, et misera particulièrement sur la vente à emporter, à la différence d'autres acteurs du même type.
Popafood, une nouvelle enseigne toulousaine, proposera douze cuisines fantômes, à Toulouse, en novembre 2021.
Popafood, une nouvelle enseigne toulousaine, proposera douze cuisines fantômes, à Toulouse, en novembre 2021. (Crédits : Rémi Benoit)

C'est un marché économique qui n'en est qu'à ses balbutiements. Les dark kitchens, ces cuisines fantômes pensées pour les services de livraison, s'apprêtent à envahir Toulouse. Alors que certains de ces acteurs de la restauration sans salle tournent déjà à plein régime, comme le Toulousain Foudie, la concurrence prépare ses armes.

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Parmi elles, la société DocDoKu, spécialiste des solutions digitales métiers, vient d'annoncer le lancement de sa filiale Popafood, qui devrait compter au lancement douze cuisines sous-louées à des restaurateurs désireux de s'essayer à la cuisine à la sauce numérique. L'idée a commencé à faire son bout de chemin dans la tête des dirigeants, Florent Garin et Eric Descargues, à la fin de l'année 2019.

"Nous surveillons depuis un moment les Américains, qui sont très en avance sur les dark kitchens. Nous regardions déjà un petit peu comment ça se passait. C'est le marché, porté par les habitudes des consommateurs qui ont changé avec la covid, qui nous a fait nous dire qu'il fallait mettre notre solution sur le marché maintenant. Nous pensons que ça va être un raz-de-marée", explique Eric Descargues, co-dirigeant de Popafood.

Le concept des dark kitchens revisité à la sauce Popafood

Le projet, d'une ampleur inédite dans l'histoire de DocDoKu, a nécessité un investissement d'1,5 à 2 millions d'euros pour lequel les fondateurs ont pu compter sur un soutien du CIC et de la BPI. La moitié de la somme a été utilisée pour les travaux de construction et l'achat du matériel nécessaire à l'équipement de douze boxs de cuisine, l'autre pour l'élaboration de la solution logicielle de l'entreprise. Car contrairement à la cuisine-appartement Holocène, Popafood compte créer son propre canal de vente, comprenez un local, une application et un site internet dédiés à la livraison, mais aussi et surtout à la vente à emporter. Et c'est bien là la particularité de l'entreprise.

À mi-chemin entre McDonald's et Foudie, le local de la filiale au logo jaune et vert souriant misera sur la vente de proximité, avec un emplacement au coeur du quartier des Chalets, qui sera équipé d'écrans numériques tactiles destinés aux consommateurs désireux de passer une commande. Et le projet semble séduire. Un mois après avoir commencé à chercher des restaurateurs désireux de collaborer avec eux, les deux entrepreneurs en ont déjà trouvé trois, alors que l'ouverture n'est prévue qu'au début du mois de novembre 2021.

"Nos premiers clients vont proposer des cuisines assez exotiques, même si nous n'avons pas spécialement cherché cela. Ce ne sera pas que des burgers et des pizzas. Nous trouvons cela plutôt sympa, car l'idée est d'avoir une offre différenciante", indique Florent Garin, co-dirigeant de Popafood.

Raison pour laquelle les exploitants n'accepteront pas plusieurs cuisines du même type au sein de leurs locaux.

Une offre commerciale en deçà des prix du marché

Ils ciblent d'ailleurs prioritairement les restaurateurs expérimentés et "les jeunes qui n'ont pas forcément les moyens de louer un local en plein centre-ville". Une fois la machine mise en route, ils disent vouloir essayer de convaincre les chaînes de restauration intermédiaires.

Pour tenir financièrement, il leur faudra sous-louer au moins six de leurs cuisines. Les boxs sont proposés à la location pour 100 euros HT / m2 et iront de 11 à 50 m2, sans compter les charges. Un site comme celui en préparation dans la Ville rose pourrait réaliser entre 2,5 et 3 millions d'euros de chiffre d'affaires annuel côté cuisines.

Ils comptent pour cela réaliser un tiers de leurs ventes à emporter, car celles-ci seront exemptées de la fameuse commission de 30% prélevée par les plateformes de type Uber Eats et Deliveroo pour toute commande réalisée sur ces services. D'ailleurs, les restaurateurs désireux d'investir les locaux de Popafood n'auront pas de frais supplémentaires pour les commandes réalisées sur les applications de ces mastodontes américains et anglais. Ils devront en revanche verser 2 % de leur chiffre d'affaires mensuel à la société toulousaine, et 8% par commande pour celles réalisées sur la plateforme maison de l'entreprise.

"Les restaurateurs doivent comprendre qu'il vaut mieux prendre le changement par la main avant qu'il ne les prenne par la gorge"

Des tarifs en deçà de ceux du marché, qui n'empêchent pas certains restaurateurs de faire la moue face au concept des cuisines fantômes.

"Ce n'est pas nous qui avons créé cette vague. Nous leur proposons de travailler entre acteurs français, pour construire une offre de qualité, à l'ombre des géants américains. Les restaurateurs doivent comprendre qu'il vaut mieux prendre le changement par la main avant qu'il ne les prenne par la gorge. La vague est incontournable. Ils ont plutôt intérêt à s'adapter. Ils doivent mettre un pied dans ce genre de distribution", estime Florent Garin, co-dirigeant de Popafood.

Raison pour laquelle l'entreprise, qui ne peut pas se passer des plateformes numériques leader du marché pour l'instant, permettra aux restaurateurs de choisir leurs canaux de livraison privilégiés. "C'est difficile aujourd'hui de dire à un restaurateur qu'on va passer à côté d'Uber Eats. Ils ne peuvent pas être dépendants d'un seul canal de distribution", explique Florent Garin, qui défend dans le même temps son offre maison, qu'il espère attractive grâce, entre autres, à un programme de fidélité et à des tarifs plus avantageux pour le consommateur final.

Le numérique, une compétence devenue indispensable

Pour agrémenter leur offre, les patrons toulousains comptent proposer sans surcoût aux restaurateurs un accès aux statistiques de vente, et ainsi créer du lien avec leur cœur de métier.

"Grâce aux données, nous allons anticiper les périodes de rush. C'est quelque chose de très complexe à faire, beaucoup de restaurateurs ont encore ce problème et jettent beaucoup à la poubelle à cause de cela. Donc cela permettra aussi d'anticiper les moments où ils auront besoin de personnel. Il faut faire du big data pour faire cela. Il faudra aussi essayer de corréler avec d'autres événements extérieurs, comme la météo et les événements sportifs. Nous leur donnerons l'accès à ces informations parce que cela valorise notre offre", détaille Florent Garin.

Les dirigeants s'engagent d'ailleurs à ne pas revendre ces données, et à ne les exploiter qu'à des fins commerciales qui leurs sont propres. Une décision qui ne semble pas si évidente que cela pour une entreprise du numérique qui n'a aucun domaine de compétences dans la restauration.

"Je pense que la restauration est aussi un domaine du digital. Le numérique devient la clé, même sur des secteurs traditionnels. Finalement, la compétence qui peut sembler principale aujourd'hui devient secondaire, ce qui ne veut pas dire qu'elle n'a pas d'importance. Dans notre cas, ce n'est pas nous qui allons remplacer les professionnels de la restauration. Simplement les métiers se numérisent, donc là où avant vous aviez une activité gérée par un seul intervenant, maintenant la chaîne d'approvisionnement se spécialise. Et les acteurs du digital assurent leur partie", réplique Florent Garin.

"C'est un monde un peu différent que ce que l'on connaissait jusqu'alors, notamment l'industrie, mais nous sommes des entrepreneurs, nous nous adaptons", complète Eric Descargues, co-dirigeant de Popafood.

Les fondateurs de Popafood usent donc de leurs compétences d'une autre manière. Parmi elles, la conception d'un connecteur entre les différents outils de comptabilité des restaurateurs, cela afin d'automatiser le processus. Aussi, ils s'affairent à la création d'un studio de photographie pour décharger le travail des restaurateurs. "Vous cuisinez, nous faisons le reste", lancent fièrement les dirigeants pour décrire leur concept. Si les 80 à 100 commandes par jour et par box qu'ils espèrent sont atteintes cet automne, Florent Garin et Eric Descargues devraient ouvrir sans difficulté de nouveaux locaux du même type à Montpellier et Bordeaux.

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Commentaire 1
à écrit le 22/06/2021 à 10:05
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Il faut savoir que cette implantation a lieu au sein du quartier des Chalets. De nombreux résidents sont fermement opposés à cette implantation à la vue des nombreuses nuisances que cela va engendrer. Une pétition a été lancée et recolte déjà un p...

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