L'essor des livraisons éthiques du Toulousain AppliColis

L’association AppliColis a conçu une plateforme destinée aux professionnels de la livraison à vélo, en zone urbaine. Son réseau, qui s’étend désormais sur l’ensemble du territoire métropolitain, est constitué d’une quarantaine de sociétés de transport écologique en cyclo-logistique qui emploient leurs coursiers en CDI. Un pari risqué qui s’est avéré gagnant. Ses cofondateurs, eux-mêmes propriétaires d’une société du même type (Les Coursiers Toulousains), se réjouissent de résultats records en 2020.
Exemple d'un vélo-cargo AppliColis qui circule dans le centre-ville de Toulouse.
Exemple d'un vélo-cargo AppliColis qui circule dans le centre-ville de Toulouse. (Crédits : AppliColis)

Lorsque La Tribune avait rencontré les cofondateurs de l'association AppliColis pour le lancement de la structure en août 2017 à Toulouse, ceux-ci affichaient pour ambition de garantir une livraison entre particuliers et commerçants qui soit écologique (à vélo) mais aussi économiquement plus juste pour les coursiers que ce qui est proposé par les plateformes comme Uber Eats, Deliveroo ou Stuart.

Florent Fournier et Vincent Monteil, les cofondateurs d'AppliColis, souhaitaient à l'époque rejoindre le réseau coopératif CoopCycle, dédié à la livraison de repas. Cela n'a finalement pas eu lieu pour des raisons techniques, mais aussi de business : le marché de la livraison de plats de restaurants était déjà saturé et deux sociétés venaient de mettre la clef sous la porte dans la Ville rose. Les dirigeants de l'association ont donc décidé de concentrer leur activité sur le transport de colis (petits commerçants et grandes surfaces alimentaires).

Des livreurs en CDI

Ils ont alors développé une plateforme professionnelle qu'ils ont confiée à des partenaires aux valeurs communes dans toute la France (des sociétés de livreurs qui embauchent en CDI) et leur ont fourni des contrats avec des enseignes nationales (Truffaut, Bricomarché, Carrément Fleurs...).

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Exemple de la solution complète AppliColis destinée aux professionnels. (Crédits photos : AppliColis, montage : M. Gardet)

C'est ainsi que s'est constitué le réseau AppliColis qui est aujourd'hui composé d'une quarantaine de sociétés de livraisons à vélo réparties sur l'ensemble du territoire métropolitain. Un succès dont les cofondateurs sont fiers puisque les acquis sociaux du salariat ont été mis de côté par des plateformes concurrentes comme Stuart.

"Tous les livreurs du réseau associatif sont salariés. C'est un modèle qui change tout pour eux. Premièrement, en ce qui concerne les avantages sociaux : ils ont une protection sociale, la mutuelle, l'accès au chômage et la sécurité de l'emploi et du revenu. Des fondamentaux qui avaient été perdus avec l'auto-entreprenariat. Ensuite, ils n'ont pas de pression particulière : les sociétés leurs demandent de rouler à une allure régulière. Ce que nous recherchons, c'est une régularité dans le travail, qu'ils soient aussi efficaces le matin que le soir", explique Florent Fournier, cofondateur d'AppliColis.

Des fondamentaux qu'ils appliquent également à leur propre société de livraison, Les coursiers toulousains, qui remplit les mêmes objectifs que les autres membres du réseau AppliColis. Là aussi, le succès est au rendez-vous, mais il est cette fois-ci économique. Pourtant, l'activité de l'entreprise était très faible au lancement selon Florent Fournier.

L'activité monte en flèche à Toulouse

Le temps où les cofondateurs et leurs 41 salariés (dont 26 livreurs) étaient hébergés au sein de Momentum, l'accélérateur du Lab'Oïkos à Toulouse, semble loin. Quelques mois après une interview accordée à La Tribune, ils avaient acquis leur propre local (boulevard d'Arcole), qu'ils viennent tout juste de quitter pour un nouveau, quatre fois plus grand, situé rue Daniel Casanova. Le pari de la pérennité des emplois est donc réussi.

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Les tenues des coursiers de la société Les Coursiers Toulousains sont estampillées AppliColis. (Crédits : AppliColis)

Mais les fondateurs, qui sont aussi d'anciens coursiers pour des plateformes de livraison de repas comme Take It Easy (depuis disparue), ne sont pas parvenus à monter la société coopérative dont ils rêvaient à l'époque, faute d'investisseurs ayant accepté de leur fournir les 100.000 euros dont ils avaient besoin.

"Aucune levée de fonds n'a été effectuée. L'année de notre lancement, deux plateformes de livraison s'étaient écroulées. Cela a fait peur aux investisseurs. D'autant que le modèle coopératif n'intéresse pas une partie d'entre eux, qui ne s'impliquent pas dans le social. Nous avons donc fonctionné exclusivement sur fonds propres et nous continuons de le faire. L'argent qu'on gagne, on l'investit. Nous n'avons donc pas énormément de ressources pour gérer une coopérative", affirme Florent Fournier, qui est aussi directeur des Coursiers Toulousains.

Mais peu importe car l'essentiel est ailleurs. La crise du Covid a boosté le nombre de livraisons enregistrées par la société toulousaine.

Une explosion des livraisons grâce à l'alimentaire

De 2.000 livraisons par mois comptabilisées en 2019, l'entreprise est passée à 10.000 en 2020. Une hausse qui peut s'expliquer par une jolie prise : ils livrent désormais les courses alimentaires des commandes réalisées par les clients de Carrefour sur le site de e-commerce du distributeur. Cette mission était jusqu'alors confiée à leur principal concurrent, Stuart, une entreprise du groupe La Poste.

Mais Florent Fournier affirme que d'autres facteurs expliquent cette hausse : les confinements à répétition ont contraint bon nombre de citoyens à se faire livrer leurs produits plutôt qu'à aller les récupérer dans les commerces. L'alimentaire représente désormais 80% de l'activité de livraison des Coursiers Toulousains. Le dirigeant dit enfin que c'est leur gestion de la livraison qui pousse certains commerçants à mettre la main au porte-monnaie pour faire appel au service, qui est en moyenne 30% plus cher que les autres.

"Nos concurrents, en faisant appel à des auto-entrepreneurs, vont proposer des tarifs plus agressifs puisqu'ils n'ont pas les mêmes contraintes sociales. Nous justifions notre surcoût par une amélioration de la qualité de livraison et des paramètres logistiques très exigeants. [...] Le client final n'a pas besoin de poser une demi-journée pour recevoir son colis. Mais cela va demander aux commerçants un effort financier qui va toucher à leur rentabilité, ce n'est donc pas toujours simple de les convaincre", raconte le dirigeant.

Car si l'enjeu écologique est de plus en plus important pour les commerçants, le prix reste un critère décisif, surtout en cette période de crise. L'entreprise mise donc tout sur son principal point de différenciation : une livraison le jour-même qui s'exécute sur des créneaux très précis, de 30 minutes à deux heures maximum.

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Un vélo de la société chargé d'une commande passée auprès d'un fleuriste. (Crédits : AppliColis)

Vincent Monteil et Florent Fournier comptent d'ailleurs ouvrir trois à quatre micro-dépôts dans le centre-ville de Toulouse au cours des deux prochaines années afin de faciliter le travail des livreurs et consolider cet avantage. Afin d'optimiser la livraison des 200.000 à 250.000 livraisons attendues en 2021, une expérimentation de transport multimodal (fluvial + cyclo-logisitique) sur le Canal du Midi est également prévue en juin 2021 en partenariat avec Les Alchimistes, Green Bureau et VNF.

Le chiffre d'affaires d'AppliColis / Les Coursiers Toulousains était de 590.000 euros en 2020 et devrait atteindre les 800.000 à 950.000 euros en 2021 selon les cofondateurs, ce qui représente donc le double des 410.000 euros enregistrés en 2019, avant la crise sanitaire. Les vélos-cargo n'ont pas fini de déambuler dans les rues de la Ville rose...

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