Wiseed : "le gouvernement reconnaît la place du crowdfunding dans l'économie" (Stéphanie Savel)

La plateforme toulousaine de crowdfunding Wiseed vient de fêter ses 10 ans d'activité cette année. Initialement spécialisée dans les startups, elle s’est diversifiée dans différents secteurs. Stéphanie Savel, présidente de Wiseed fait le point sur les nombreux développements de la plateforme.
Stéphanie Savel, présidente de Wiseed.
Stéphanie Savel, présidente de Wiseed. (Crédits : DR)

Depuis mai 2008, la plateforme toulousaine de crowdfunding Wiseed permet aux particuliers de financer et d'investir directement dans des entreprises des secteurs de l'immobilier et du logement, de l'environnement et de l'énergie, de la santé et de l'alimentation et enfin du numérique. Les investissements, d'un montant minimum de 100 euros, peuvent prendre la forme de capital et ainsi faire des investisseurs des actionnaires des entreprises, d'obligations qui permettent de prêter à une entreprise et de percevoir des intérêts annuels ou à l'échéance de l'emprunt et enfin de titres participatifs (qui n'octroient pas de parts dans le capital).

"Les entreprises que les particuliers peuvent financer sur notre plateforme vont de la jeune entreprise innovante ou startup, à des sociétés plus mûres comme des PME, voire des projets portés par des ETI ou des grandes entreprises", explique Stéphanie Savel, présidente de Wiseed.

Près de 330 projets et entreprises financés en 10 ans

Après dix années d'existence, la société a financé près 330 projets et entreprises pour un montant cumulé de 124 millions d'euros. Elle possède une communauté de près de 110 000 membres inscrits sur la plateforme. Parmi eux 30 000 membres actifs qui investissent et ou notent régulièrement les projets et 12 000 personnes qui "ont déjà investi au moins une fois dans les vingt derniers mois".

"En moyenne, un investisseur sur Wiseed investit sur six projets", précise Stéphanie Savel.

Par exemple, sur la région toulousaine, Wiseed a contribué au financement de MyFeelBack une startup éditrice d'une solution d'enrichissement de la connaissance client en 2011, Naïo Technologies spécialiste de la robotique agricole en 2014 et très récemment, en mai 2018, de la société coopérative spécialisée dans les métiers de la télécommunication et de l'énergie, Scopelec.

"Nous avons également financé des entreprises et des projets en dehors de la région Occitanie qui fonctionnent bien. C'est le cas de Pumpart basée dans la région parisienne et spécialisée dans les tubes airless. Ce dispositif permet une restitution de près 98 % d'un dentifrice ou d'une crème de beauté par exemple sans déformer le tube. Pumpart vient d'ailleurs de signer un accord industriel et commercial avec le géant mondial de la chimie, Dow"

Si la société existe depuis 2008, 90 % des entreprises et projets financés l'ont été à partir de 2014.

"Après la création, nous n'avions pas de réglementation, pas de statut et nous étions quasiment les seuls sur le marché. À partir de 2014, la loi française sur le crowdfunding a créé le marché et permis à Wiseed d'augmenter son activité", justifie la présidente de la plateforme.

Une entrée en bourse ?

Après ce pic de croissance, son co-fondateur Thierry Merquiol ambitionnait une entrée en bourse sur Euronext dès 2015. Ce souhait ne s'est pas concrétisé.

 "L'idée que nous avions était de permettre, via une introduction en bourse, à plein de particuliers de financer Wiseed pour pousser le modèle jusqu'au bout. Nous avons laissé tombé puisque lorsqu'une entreprise s'introduit en bourse, seul 20% de son capital peut être financé par le public, tout le reste est apporté par des fonds d'investissement. C'était donc très loin de notre projet initial", raconte Stéphanie Savel.

Wiseed est aujourd'hui financée grâce à des levées de fonds. Depuis sa création plusieurs tours de tables ont permis de rassembler la somme de 5 millions d'euros au total. La dernière levée de fonds date de 2017 est un d'un montant qui avoisine le million d'euros.

Lire aussi : Crowdfunding : Wiseed prépare son entrée en bourse pour 2017

Des frais pour les investisseurs

La société trouve tout de même d'autres moyens de faire du chiffre d'affaires. En effet, depuis fin mai 2018, elle a mis à jour sa politique de frais investisseurs. Jusqu'à présent, le modèle économique de Wiseed reposait à 90% sur une facturation de frais aux porteurs de projets. Désormais, elle fait payer également les investisseurs.

"Il nous paraissait sain de commencer à faire évoluer ce modèle pour facturer aux investisseurs les services que nous leur rendons, notamment le travail de sélection qui leur permet d'investir dans des projets adaptés à leur profil et de suivre leur portefeuille. D'autres plateformes de financement participatif le font mais ne le disent pas. Nous, nous avons décidé de le faire de façon transparente"

Cette nouvelle politique de frais investisseurs est dorénavant mise en place pour tous les projets d'investissement mis en ligne depuis le 21 mai 2018.

La loi Pacte qui encourage le secteur

La plateforme risque de connaître d'autres changements dans les mois à venir. En effet, la loi plan d'action pour la croissance et la transformation des entreprises (Pacte), présentée au Conseil des ministres le 18 juin dernier par Bruno Le Maire (ministre des Finances), et qui a pour but d'encourager le développement des TPE PME et booster l'innovation, compte parmi ses nombreuses mesures deux textes liés au marché du financement participatif. La première prévoit de relever le plafond maximum qu'une plateforme de financement participatif peut rassembler pour un projet sur une période de 12 mois de 2,5 millions d'euros à 8 millions d'euros.

"Cela donne un signal extrêmement positif à l'ensemble de l'écosystème sur le fait que le gouvernement reconnaît que le crowdfunding a une vraie place dans le financement de l'économie. C'est un peu symbolique mais cela compte quand même."

La seconde mesure concerne l'élargissement du PEA-PME. Voté en 2014 dans le carde de la Loi de Finances, il permet aux Français de se constituer et de gérer un portefeuille d'actions, tout en bénéficiant d'une exonération d'impôt sur les dividendes et les plus-values. Jusqu'à présent, un particulier ne pouvait inclure dans son PEA-PME que ses actions acquises. Dorénavant, il pourra également bénéficier d'un régime fiscal avantageux lorsqu'il investira dans des entreprises sous forme d'obligations ou de titres participatifs.

"Cela nous ouvre des opportunités. Par exemple, les dispositifs d'imputation fiscale peuvent être adaptés aux profils des investisseurs qui viennent sur nos plateformes. Les mesures auxquelles je pense feraient disparaitre l'imputation fiscale et permettraient plutôt d'amorcer le risque de pertes à la sortie. Elles seraient plus adaptées aux montants investis par les particuliers sur les plateformes et plus vertueuses en matière d'apprentissage du risque de perte", projette Stéphanie Savel.

Leader du marché

Sur ce marché du financement participatif en pleine maturation, Wiseed reste en pole position.

"Sur le financement crowdfunding auprès des particuliers, Wiseed est numéro 1 en France. Certaines plateformes qui se revendiquent du crowdfunding lèvent des fonds et financent leurs projets essentiellement avec des fonds institutionnels."

La société dont le siège social est toujours installé dans la Ville rose s'est implantée au fil des années à Paris en Rhône-Alpes et à Bordeaux. Sur l'ensemble de ses bureaux, elle emploie 26 personnes. Elle espère pour 2018 une augmentation de 20% de son activité.

"Ce ne sont pas les chiffres de croissance que l'on connaît habituellement, ils sont généralement de l'ordre de 40% à 50%. Mais au fond, ces chiffres de croissance qui deviennent plus raisonnables sont le signe d'un marché plus mûr", révèle l'ancienne présidente d'un réseau parisien de business angels.

Un déploiement en Europe pourrait être envisagé

Après avoir réalisé un chiffres d'affaires "autour de 4 millions d'euros" en 2017, Wiseed vise une progression régulière de ses revenus de l'ordre "de 20% par an".

Pour y arriver, Wiseed compte se diversifier. Depuis 2017, elle propose à ses membres de financer des société de projets de production d'énergies renouvelables.

Même si elle est plutôt discrète sur une possible extension à l'étranger de Wiseed, la présidente Stéphanie Savel confie tout de même que la plateforme pourrait se déployer sans difficultés en Europe .

"Nous avons un statut de société européenne transportable qui nous permet de déployer notre activité dans des pays européens sans agréments supplémentaires. Nous regardons des pays dans lesquels il y a à la fois un vivier de projets sur lesquels le financement participatif a du sens et des comportements d'investisseurs et de particuliers qui sont propices à ces modes de financement", conclut-elle.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.