L'étude qui démontre comment l'aéronautique tire vers le bas l'économie d'Occitanie

Face à la baisse d'activité et du chiffre d'affaires enregistré en Occitanie, les entreprises diminuent très fortement leurs investissements, tout en épargnant pour le moment les salariés. C'est l'un des enseignements à retenir d'une nouvelle enquête de la Banque de France qui a interrogé 1 500 dirigeants de la région. Néanmoins, cette étude révèle comme l'économie de l'Occitanie souffre inévitablement du rôle prépondérant de l'aéronautique dans son écosystème. Analyse.
L'économie d'Occitanie paie le poids de la filière aéronautique selon une étude de la Banque de France.
L'économie d'Occitanie paie le poids de la filière aéronautique selon une étude de la Banque de France. (Crédits : Rémi Benoit)

"La Covid-19 va-t-elle faire payer à Toulouse sa dépendance à l'aéronautique ?". Telle était la question d'une enquête de la rédaction de La Tribune au début de la crise sanitaire. Cinq mois plus tard, la réponse à cette question est oui, et la déflagration Covid-19 se fait même ressentir dans tout l'écosystème de la région Occitanie. C'est en tout cas l'enseignement à retenir d'une enquête de la Banque de France, à laquelle ont participé 1 500 entreprises occitanes, qui représentent 40 milliards d'euros de chiffre d'affaires et 186 000 salariés.

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Pendant que l'industrie et les services, au niveau national, retrouvent un niveau d'activité à 89% de la normale voire 97% pour le bâtiment au mois de septembre, les statistiques sont moins optimistes pour l'Occitanie. Selon la Banque de France et à même date, le bâtiment est proche de la tendance nationale avec 95%. Mais l'activité des services n'est quant à elle repartie qu'à 83% de son niveau d'avant-crise, sans parler des 81% dans l'industrie.

"L'Occitanie fait partie des régions les plus touchées sur le plan économique. Son industrie, fortement dédiée à l'aéronautique, est à un palier autour de 80% depuis plusieurs mois en raison de la baisse des cadences de production des avions notamment. Hors aéronautique, la photo est légèrement plus favorable. Cependant, l'industrie entraîne avec elle aussi l'activité des services", relève Stéphane Latouche, le directeur régional de la Banque de France.

D'après l'étude, l'ensemble de la filière industrielle table désormais sur un chiffre d'affaires en chute de -20,3% au cours de l'année 2020, selon les retours des dirigeants, contre une prévision à +2,6% en début d'année, bien avant que le monde entier ne se retrouve confiné. Plus dans le détail, si l'industrie agroalimentaire se porte le mieux avec une baisse d'activité de seulement -1,8% sur cette année 2020 à titre d'exemple, dans son ensemble l'industrie hors aéronautique ne connaîtra une baisse d'activité "que" de - 8% sur ces 12 mois, à contrario de l'industrie aéronautique avec sans surprise -34,2% (contre une prévision de +4% en début d'année).

"94% des entreprises de l'aéronautique nous annoncent une baisse de leur chiffre d'affaires sur 2020", ajoute Pascal Robert, le responsable du pôle études à la Banque de France en Occitanie.

L'investissement comme variable d'ajustement

Si, après un rattrapage lors du déconfinement, la filière BTP d'Occitanie prévoit de son côté une baisse de son chiffre d'affaires en 2020 de -9,6%, le secteur des services marchands est dans l'obligation de faire le même constat face à son indépendance envers le domaine aéronautique. Hors celui-ci, les services ont une conjoncture identique (-8,3%)  à l'industrie hors aéro pour leur activité et tous deux suivent sans contestation possible la trajectoire enregistrée au niveau national. Une preuve que l'Occitanie paye sa dépendance à la production d'aéronefs.

Mais au global, les services marchands s'attendent à un choc à la baisse sur leur chiffre d'affaires (-11,3% contre initialement +5,6% en 2020). Malgré une saison estivale meilleure qu'espérée, l'hébergement marchand annonce une dégringolade de -41,4%. "Ce fort recul est entraîné par l'arrêt quasi total du tourisme d'affaires selon les retours des professionnels", ajoute Pascal Robert. Sauvée par les besoins liés au télétravail, la filière informatique stagne après avoir prévu initialement une croissance d'activité en 2020. Mais l'ingénierie, à l'image de la réorganisation des effectifs fraîchement annoncée chez Altran à Toulouse, paie les pots cassés de cette crise sans précédent (-11,3% de baisse d'activité en 2020 par rapport à une croissance initiale prévue de 6,6%).

"Devant de telles prévisions, la principale variable d'ajustement des dirigeants est l'investissement, avec l'intérim et les contrats courts. Celle des effectifs permanents est peu utilisée pour le moment", annonce Stéphane Latouche.

Après un cycle d'investissements lourds ces dernières années, aussi bien dans l'industrie, les services et le BTP, l'année 2020 devait être une période d'accalmie face notamment aux échéances électorales. Une accalmie qui se transforme en repli. L'industrie, qui pèse pour 75% des investissements dans la région (dont 55% de leur poids est lié à l'industrie aéronautique) annonce à la Banque de France une baisse des investissements de 49% en 2020, contre -4 en janvier. À elle seule, l'aéronautique, qui prévoyait des investissements en hausse de 1% cette année, s'attend désormais à moins... 73%.

"Ces chiffres ne prennent pas en compte les effets éventuels des plans de relance sectoriels. Par ailleurs, c'est plutôt l'investissement de production qui est victime de cette situation, au contraire de la R&D qui semble préservée. Néanmoins, les chiffres sont sans appel. L'industrie a investi 1,5 milliard d'euros en 2019 dans toute l'Occitanie, dont 800 millions via l'aéronautique. Cette fois-ci, les industriels annoncent 763 millions d'euros d'investissement en 2020 dont seulement 220 pour l'aéronautique. Ce sont des chiffres vraiment inquiétants", interpelle Pascal Robert.

Des entreprises sous perfusion, proches de se noyer ?

Si l'investissement en prend une claque, la Banque de France assure, d'après le retour des centaines de dirigeants d'Occitanie, que les effectifs permanents (CDI) ne subissent que partiellement cette crise sanitaire qui mute en une crise économique. Environ -4% pour l'industrie, stagnation pour les services et -6,6 pour le BTP, telles sont les baisses des effectifs salariés attendues en Occitanie en 2020 et qui sont contenues au regard des chutes d'activité.

"Plusieurs PSE importants dans la région sont en cours de négociations en interne et surveillés par les services de la Direccte. Ce sont des processus longs et leurs effets sur l'emploi ne se feront ressentir qu'en 2021", met tout de même en garde Pascal Robert.

En effet, selon la Direccte, plus d'une vingtaine de PSE rien qu'en Haute-Garonne sont en négociation et concernent des milliers d'emplois. De plus, si les défaillances d'entreprises dans la région sont en baisse de -30% à fin juillet c'est notamment grâce aux nombreux dispositifs de reports d'échéances cotisations sociales et fiscales, sans parler des PGE. Seulement, les premiers remboursements vont intervenir en début d'année 2021 et à partir de cette période, la variable des effectifs pourrait être davantage activée en cas de difficultés de trésorerie.

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