Deux Toulousaines décryptent dans un livre intelligence artificielle et neurosciences

Alexia Audevart et Magaly Alonzo, deux expertes toulousaines des données, publient en cette rentrée l'ouvrage "Apprendre demain, quand intelligence artificielle et neurosciences révolutionnent l'apprentissage" aux éditions Dunod. Entretien.
Alexia Audevart et Magaly Alonzo, deux expertes toulousaines des données, décryptent les mécanismes scientifiques derrière l'intelligence artificielle et les neurosciences.
Alexia Audevart et Magaly Alonzo, deux expertes toulousaines des données, décryptent les mécanismes scientifiques derrière l'intelligence artificielle et les neurosciences. (Crédits : DR)

Intelligence artificielle et neurosciences... Ces thèmes sont depuis quelques années sur toutes les lèvres. En début d'année, le Toulousain Luc Julia, cocréateur de l'assistant vocal Siri pour Apple, publiait "L'intelligence artificielle n'existe pas". En cette rentrée littéraire, deux expertes des données dans la Ville rose ont décidé de s'attaquer au sujet de manière originale avec leur l'ouvrage intitulé "Apprendre demain, quand intelligence artificielle et neurosciences révolutionnent l'apprentissage" (éditions Dunod).

"Beaucoup d'ouvrages traitent de chaque discipline mais jamais d'un point de vue scientifique. Notre livre s'adresse à toute personne qui a envie de connaître ces deux disciplines sous cet angle scientifique", explique Alexia Audevart.

Fondatrice de la société Datactik, l'experte en machine learning a co-écrit cet ouvrage avec Magaly Alonzo, data scientist en entreprise et titulaire d'un master en neurosciences.

IA symbolique et connexionniste

Au cours du livre, elles reviennent sur le fonctionnement des deux grands mouvements d'intelligence artificielle, symbolique et connexionniste.

"L'intelligence artificielle symbolique consiste à automatiser l'expertise humaine dans une machine en utilisant des techniques fondées sur un raisonnement formel. L'implémentation la plus reconnue de cette approche est le système expert qui est composé de deux parties : une base de connaissances et un moteur d'inférence", explique l'ouvrage.

La machine va recevoir une base initiale de règles. En prenant l'exemple de l'organisation d'une famille, cela donne "Théo est le frère de Lucas", "Magali est la maman de Théo". Si l'on ajoute la règle "Si X est frère de Y, alors la maman de X est aussi celle de Y", la machine sera capable de déduire que Magali est aussi la maman de Lucas.

Mais relèvent les auteurs, l'IA symbolique n'est pas exempte de tout reproche :

"Les deux inconvénients de cette approche sont toutefois une modélisation de la connaissance en grande partie manuelle et son manque de flexibilité : le système a ainsi une capacité très limitée à réagir, dès lors qu'un événement ou une situation n'ont pas été prévus".

L'autre grande approche est l'IA connexionniste, plus connue via les réseaux de neurones et le deep learning ou le terme apprentissage profond.

"Cette approche utilise le principe de biomimétisme des neurones biologiques et se fonde sur des méthodes d'apprentissage empiriques basées sur l'observation (données) et des méthodes statistiques. Par opposition à l'approche symbolique, très formelle et donc facilement interprétable, documentable et prouvable, l'approche connexionniste est empirique et probabiliste. L'explicabilité des algorithmes peut se révéler difficile. Le deep learning est ainsi souvent assimilé à une boîte noire", résume les auteures.

Pour cette raison, certains chercheurs planchent sur une IA hybride, combinant les deux approches pour l'intégrer dans des systèmes critiques comme l'avion et la voiture, où l'explicabilité des algorithmes s'avère vitale. Ce sera tout l'enjeu de l'institut d'intelligence artificielle en construction à Toulouse.

Lire aussi : Intelligence artificielle : le projet toulousain mise sur la mobilité

Copier la nature pour améliorer l'intelligence artificielle

D'après Alexia Audevart et Magaly Alonzo, le développement de l'intelligence artificielle dans les années à venir sera intimement lié aux avancées des neurosciences, et réciproquement.

"Dans le deep learning, nous créons des réseaux de neurones bioinspirés à partir des neurones humains. On obtient des unités de calcul reliées entre elles qui relaient de l'information", avance Alexia Audevart.

Mais pour copier les réseaux de neurones de l'homme, des chercheurs en neurosciences s'appuient sur les maths.

"La neuroscience computationnelle consiste à faire des modèles mathématiques à partir de la biologie en cherchant à comprendre dans un cerveau comment les neurones communiquent entre eux. Des processus biochimiques des neurones ont été en partie modélisés grâce à des mathématiques, ces fonctions servent d'inspiration pour les neurones artificiels. Si l'on comprend mieux le fonctionnement de nos neurones, on pourra créer des modèles d'intelligence artificielle de meilleure qualité, des robots plus performants, détaille Magaly Alonzo.

Inversement, les progrès des neurosciences vont nous permettre de mieux connaître notre cerveau. Cela pourra favoriser la prévention de maladies neurodégénératives comme Alzheimer, de mieux soigner la démence sénile ou de réparer des liaisons cérébrales défaillantes".

Réparer notre cerveau grâce à des modèles mathématiques et améliorer les robots en copiant notre cerveau ? La perspective peut sembler effrayante. Pour autant, la data scientist rappelle que "les premiers mathématiciens grecs et arabes se sont inspirés de la nature pour trouver le nombre d'or et d'autres règles fondamentales".

Des technologies encore loin d'égaler l'intelligence humaine

Néanmoins, même si les progrès des neurosciences et de l'intelligence artificielle sont fulgurants, ces disciplines sont encore loin d'égaler l'intelligence humaine.

"L'intelligence artificielle est aujourd'hui dite faible car elle va être spécialisée dans une seule tâche qu'elle va réaliser beaucoup mieux qu'un humain mais elle ne va pas pouvoir faire plusieurs tâches, autrement dit généraliser ses apprentissages contrairement à un humain", fait remarquer Alexia Audevart.

Magaly Alonzo complète : "Une intelligence artificielle si on veut lui apprendre à détecter un ballon, il va falloir lui montrer des milliers de ballons pour qu'elle soit capable d'en extraire le concept. Un enfant en voyant une balle va tout de suite comprendre et saura reconnaître à l'avenir un ballon quelle que soit sa taille ou sa couleur".

Pour les auteures, il manque à l'IA trois choses pour égaler l'homme : les émotions, le sens commun et la conscience d'elle-même.

"Si vous regardez la vidéo de Will Smith tentant de draguer le robot humanoïde Sophia, vous voyez que les émotions véhiculées ne sont pas du tout naturelles. Il s'agit de règles qui disent à la machine rit dans telle situation. C'est impressionnant mais le système qui fait rire Sophia n'est pas très éloigné de celui qui fait pleurer les poupons qu'on offre aux enfants. Mais la machine n'a pas conscience de ses émotions".

Reste à savoir si les scientifiques parviendront dans les années à venir à franchir ces obstacles pour calquer au plus près l'humain.

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