Maison de la presse : le groupe NAP modernise ses magasins pour pallier la baisse des ventes de journaux

Le groupe toulousain NAP des maisons de la presse lance son Observatoire des commerces culturels de proximité pour mesurer les tendances de consommation et de distribution de presse au coeur des territoires. Il veut accompagner et éclairer les stratégies à adopter pour pérenniser et développer la présence des commerces culturels de proximité sur le territoire français. Le groupe NAP emploie 110 salariés et possède 1.200 magasins Maison de la presse sur le territoire, dont une quarantaine en Occitanie. Avec deux milliards d'euros de chiffre d'affaires en 2023, il ne baisse pas les bras pour faire remonter les ventes.
Magasin entièrement rénové par le groupe NAP
Magasin entièrement rénové par le groupe NAP (Crédits : DR)

LA TRIBUNE - Vous venez de créer l'observatoire des commerces culturels de proximité. Quelles sont vos premières analyses ?

ARNAUD AYROLLES - L'Observatoire est créé seulement depuis cette année, mais nous suivons nos magasins, 1.200 points de vente partout en France depuis plus longtemps. La presse a une tendance récessive depuis déjà 15 ans avec le digital. Nous savons que c'est un marché structurellement en baisse, mais ce qui nous importe, c'est d'endiguer la baisse au maximum. En regardant les performances de vente, nous nous sommes rendu compte que nous arrivions à baisser beaucoup moins que le marché. L'enseigne Maison de la presse, avec 1.200 magasins, fait 17 % du chiffre d'affaires de la presse en France sur les 12.000 à 15.000 marchands de journaux. Nous résistons beaucoup mieux que la tendance et a fortiori dans les magasins qui ont été modernisés. Depuis cinq ans, nous avons modernisé près de 400 magasins en les refaisant à neuf.

Avec la réforme de la loi Bichet, les marchands de presse peuvent désormais mieux piloter leur offre pour s'adapter à la demande de leurs clients. Le groupe NAP a ainsi finalisé en 2023 la mise en place d'outils d'aide à la décision au service des marchands de journaux et accompagne désormais chaque point de vente pour améliorer son chiffre d'affaires presse. Comment fonctionne-t-il ?

 En 2019, il y a une réforme de cette loi qui a autorisé les marchands à sélectionner certains titres. Les commerçants ont la main sur une partie de l'offre, il a fallu que la profession s'adapte et mette en place des outils pour gérer toute l'offre du point de vente. Nos outils d'intelligence artificielle sont connectés aux caisses de nos magasins et toutes les données de vente remontent en permanence.  Ce sont déjà des masses de données folles étant donné que chaque enseigne commercialise 3.500 titres de presse. Nous comparons les magasins entre eux. En analysant l'offre et les performances, nous mettons en place des actions correctives pour modifier l'offre pour qu'elle corresponde au public. Il y a des familles de presse qui continuent à bien se vendre, d'autres moins bien et nous essayons justement d'arbitrer entre les familles de presse et de coller au mieux aux attentes des clients. Nous avons des équipes dédiées à Paris, qui collaborent avec les commerçants. C'est comme cela que nous arrivons à être aussi plus performants, c'est-à-dire en choisissant les bons titres pour le bon magasin en fonction de la population donnée. A la campagne, en montagne, en zone urbaine ou dans les villes côtières, les achats sont différents. Il existe aussi des effets de saisonnalité.

Combien y a-t-il de points de vente à Toulouse ?

Nous avons une quarantaine de points de ventes sur le Grand Toulouse donc s. Ce chiffre est relativement stable, c'est-à-dire que nous avons 1.200 magasins au niveau national, bien sûr, nous enregistrons chaque année des ouvertures et des fermetures d'enseignes. Après globalement, la tendance, c'est qu'il y a de moins en moins de marchands de journaux en France, et ce, depuis 15 ans.

Vous avez créé également un concept appelé Convergence. Pouvez-vous nous le présenter et nous expliquer comment il atténue ce phénomène de baisse des ventes ?

Ce sont les nouveaux magasins Maisons de la presse. Ce sont de nouveaux concepts architecturaux. La presse et les livres, ce sont les marchés historiques que nous faisons converger avec d'autres métiers comme le jeu, la papeterie, la confiserie et le snacking. Tous ces métiers sont rassemblés en un seul même magasin mieux achalandé. Nous l'avons démarré en 2010, puis les premiers magasins pilotes ont été lancés en 2018 et aujourd'hui nous refaisons à peu près une centaine de magasins par an. C'est une architecture de magasin complètement rénové. Nous refaisons toute la façade en la rendant transparente avec des écrans digitaux en vitrine. À l'intérieur, c'est vraiment le parcours client, c'est-à-dire que tout le cheminement du consommateur dans le magasin est travaillé pour optimiser les ventes. C'est une somme de petites choses qui fait que nous arrivons à être plus performant sur les ventes de presse.

Comment financez-vous ces rénovations de magasin ?

Nous sommes un réseau d'indépendants. Chaque commerçant est propriétaire sous franchise. Nous accompagnons le commerçant donc c'est bien lui qui porte l'investissement. Nous finançons ces travaux avec des subventions sectorielles, donc liées au monde de la presse ou au monde du tabac. Quand nous arrivons à cumuler les deux, nous arrivons à avoir des projets qui sont financés entièrement, cela aide énormément.

 Pourquoi est-il important de mesurer cette distribution culturelle de proximité ?

En dehors du livre, nous avons également des activités historiques autour du jeu (la Française des jeux et le PMU) et de la vente de tabac. Mais ces métiers historiques de nos filières fléchissent en raison pour le tabac des achats frontaliers et du vapotage. Raison pour laquelle, nous faisons le grand pari avec nos commerçants de la diversification autour du jouet, de la papeterie, de la confiserie, du vapotage.. L'idée est de compenser la perte d'activité par des nouveaux marchés. C'est pour cela qu'il est important de mesurer toutes ces données. Ces nouvelles activités changent également légèrement la physionomie des magasins de certains marchands de journaux conventionnels ou tabac presse classique. Ils deviennent de véritables commerces culturels de proximité au sens large et pas uniquement un point de vente presse ou un simple bureau de tabac.

Le Groupe NAP s'est par ailleurs doté d'un outil d'analyse du TOP 100 des ventes de titres de presse pour mesurer dans le temps l'évolution des préférences de ses clients, quelles sont les habitudes de consommation des clients ?

À partir de l'analyse des ventes, nous observons différentes typologies d'habitudes parmi nos clients. Pour donner une mesure, un commerce de presse en moyenne en France, représente quasiment 400 encaissements par jour. L'acheteur de presse quotidienne est un acheteur fidèle qui vient tous les matins. Si vous êtes un bassin de population où il y a beaucoup d'écoles à proximité, forcément vous allez vendre plus de presse jeunesse.

La loi Darcos, promulguée le 30 décembre 2021, instaure un seuil minimum de frais de livraison de trois euros pour toute commande inférieure à 35 euros pour l'achat de livres en ligne. Quels sont les effets observés sur les ventes de livres ?

 C'était une demande des libraires à des commerçants indépendants. De grandes enseignes du web ont énormément pris de vente à tous les libraires. C'est pour cela que l'Etat a voulu le réglementer avec la loi Darcos pour qu'il y ait une concurrence loyale entre les acteurs du web et les acteurs physiques. Nous revoyons une clientèle en magasin que nous ne voyions plus et de la même manière via notre site e-commerce où nous proposons aux particuliers d'aller chercher leur livre sans frais de port dans le point de vente. Nous voyons l'effet de la loi sur les ventes en physique et c'est pour ça que la librairie a fortiori l'année dernière un marché qui a plutôt très bien résisté. Pendant le Covid, ça avait explosé parce que les gens avaient du temps donc lisaient. 2023 a été, une année, très correcte en librairie. Au moment des fêtes de Noël, nous l'avons vu même sur les commandes avec une collecte. Beaucoup ont commandé sur le site internet pour aller retirer des livres sans frais de port dans les magasins.

Une réflexion est par ailleurs lancée avec les pouvoirs publics sur la question d'une meilleure rémunération des marchands de presse. Qu'en attendez-vous ?

C'est géré par l'Arcep, l'autorité de régulation qui gère vraiment notre profession. La rémunération des marchands de journaux n'a pas bougé depuis 2011, donc 13 ans, mais les ventes ont forcément baissé en magasin. Le commerçant touche forcément moins. L'idée, c'est d'arriver à négocier avec toute la profession, des rémunérations qui soient plus adaptées et en phase avec la réalité des ventes réalisées aujourd'hui. C'est un dossier qui est ouvert depuis l'automne. Charge à nous maintenant de mener les négociations interprofessionnelles. Nous devrions avoir une première décision de l'Arcep qui devrait arriver d'ici deux mois. Le régulateur va donner le cadre des discussions et après nous discuterons avec les éditeurs de presse pour arriver à une meilleure rémunération.

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