Cartoucherie : où en est le grand projet de tiers-lieu ?

Créer un lieu qui mêle à la fois travail, culture, détente, gastronomie, mixité sociale et transition écologique… Tel est le pari tenté par six entrepreneurs, qui ont investi les anciennes usines Giat, à la Cartoucherie pour un projet de tiers-lieu qui sera lancé en février 2020. En attendant les travaux, les halles toulousaines ont accueilli le week-end dernier un premier événement artistique pour se faire connaître des habitants.
Les Halles de la Cartoucherie vont accueillir un tiers-lieu inédit à Toulouse, dont l'ouverture est prévue en février 2020.

À l'origine de ce projet très ambitieux, un coup de foudre... pour un bâtiment inoccupé depuis 15 ans. Celui des anciennes usines Giat, une cartoucherie où ont travaillé jusqu'à 3000 personnes lorsque l'activité était en plein essor, il y a un siècle. Ces deux halles à l'abandon, Sylvain Barfety, chef d'orchestre du projet mené par le collectif Cosmopolis, souhaite en faire un lieu inédit à Toulouse.

 " J'ai parcouru l'Europe et le monde pour accompagner des projets de tiers-lieu. Et je me suis toujours dit :  le jour où je trouve l'endroit idéal, j'y vais ! En l'occurrence, la Cartoucherie y ressemble beaucoup ", assure l'entrepreneur, qui a notamment participé à la création du tiers-lieu Darwin, à Bordeaux.

Un tiers-lieu ? "C'est un espace qui n'est ni vraiment un lieu de travail, ni vraiment un lieu de détente, ni vraiment un chez soi. La mixité des usages est très importante. C'est un lieu qui est porteur d'une utopie. Notre utopie à nous, c'est la transition écologique, au sens large ", explique Sylvain Barfety.

Lire aussi : Sylvain Barfety, l'autre façon de construire la ville

Cartoucherie Barfety

Sylvain Barfety, chef d'orchestre du projet (Crédit : Rémi Benoit).

26 millions d'euros investis, ouverture en 2020

Pour mener à bien ce projet, six associés (Azalay Invest - la société de Sylvain Barfety, The Roof Toulouse et UCPA, Sur La Route, TM CO , Palanca-Allô Bernard et Gotham/Immo Retail) ont apporté 20% de fonds propres, soit environ 6 millions d'euros. Ce groupement d'investisseurs est composé d'entrepreneurs emblématiques, comme Gilles Jumaire (ancien patron de Bleu Citron) qui coordonnera la partie culturelle et artistique du projet.

Le reste est financé à hauteur de 10% par des subventions de l'Union Européenne (au titre de la création d'un bâtiment exemplaire en terme d'écologie) et surtout à 70% par des banques, dont l'une d'entre-elles est le Crédit Coopératif. Le coût total de l'investissement est estimé à 26 millions d'euros, et l'ouverture est prévue pour février 2020.

Pour réhabiliter les deux halles (une grande halle de 7600m2 et une petite de 1200m2), la jeune agence d'architecture toulousaine Oeco a été choisie et sera associée à une architecte bordelaise, Chloé Bodart (agence Construire).

Cosmopolis

Le collectif Cosmopolis, porteur du projet du tiers-lieux de la cartoucherie (Crédit : Cosmopolis).

Un lieu aux  activités multiples

 À l'issue du chantier, un espace de près de 15 000 m2 permettra d'accueillir de nombreux pôles d'activité et notamment une halle gastronomique de quelque 3000m2 avec une quinzaine de restaurants.

"On s'inspire du Time Out Market de Lisbonne. Il y aura une cuisine centrale et nous allons créer un incubateur pour aider de nouveaux chefs à s'installer. On s'interdit d'implanter des franchises, les restaurants seront portés par des Toulousains", détaille Sylvain Barfety.

Les halles de la Cartoucherie accueilleront également un centre d'art, une école de danse, un espace petite enfance, une crèche, une jungle urbaine, un espace sportif avec un mur d'escalade et une salle de spectacles pouvant accueillir jusqu'à 800 personnes. "Ce sera une salle complémentaire de l'offre existante, destinée à la musique mais aussi au théâtre et à la danse", ajoute l'entrepreneur.

On trouvera aussi dans ce futur espace un cinéma d'arts et d'essais, le Studio Condorcet, une brasserie artisanale, l'Atelier des Chefs ou encore un cinéma éphémère. Le tiers-lieu mettra à disposition des bureaux de coworking sur 2800m2, "pas forcément destinés aux startups" et des salles de réunions. Et ce n'est pas tout : un pôle bien-être sera installé, avec hammam ou encore séances de yoga. L'idée d'une implantation de la cinémathèque ou encore la création d'une auberge de jeunesse a été abandonnée.

 "Berlinification" du lieu

 Ce tiers-lieu, s'il n'ouvrira que dans deux ans et demi, a pourtant déjà accueilli son premier événement le week-end du 16 et 17 décembre. Concerts, ateliers, conférences ou encore marché de producteurs ont animé la grande halle pendant trois jours.

"Plutôt que de laisser la grande halle inoccupée pendant les travaux, on souhaite mettre en place ce que j'appelle une 'berlinification de l'espace', en le mettant à disposition d'initiatives artistiques, culturelles. Ce premier événement, on le voulait le plus éclectique possible. Il a permis de donner le "la" à notre projet, de nous ancrer dans le territoire et nous faire connaître des habitants. 3 400 personnes sont venues !", se réjouit Sylvain Barfety, qui assure que "trois événements culturels majeurs" auront lieu durant l'année 2018.

Danse à la Cartoucherie

Un premier événement a eu lieu du 14 au 17 décembre 2017 (Crédit : Adrien Montiel).

Il reste une question pour le moment sans réponse : ce tiers-lieu inédit à Toulouse, va-t-il réussir à trouver son public alors qu'il se situe dans un quartier éloigné du centre-ville ? Sylvain Barfety en est convaincu :

"Ce qui est aujourd'hui considéré comme du périurbain sera demain le centre de Toulouse ! Je n'ai aucune inquiétude sur le fait qu'il s'agit du bon emplacement. Mais il va falloir changer les habitudes. On n'est qu'à quinze minutes du centre-ville. Si le site s'était trouvé en plein coeur de Toulouse, les promoteurs auraient saisi l'occasion et notre  projet aurait perdu de son authenticité", estime-t-il.

Avant d'ajouter : "J'ai la moitié de mon espace de 2800m2 de coworking, qui est déjà loué, alors que les plans ne sont même pas finis ! Le projet n'est pas entièrement dessiné que nous avons déjà pré-commercialisé près de 80% des espaces" (dont une grande partie par les porteurs de projets, ndlr).

 La Cartoucherie, pas comme Darwin

Autre pari, celui de la mixité sociale. Et pour le réussir, Sylvain Barfety a une idée que l'on peut résumer ainsi : ne pas faire comme à Bordeaux.

"Darwin, au niveau transition écologique, c'est exceptionnel et j'en suis très fier mais c'est devenu à un moment donné un rendez-vous de bobos et de hipsters avec des vélos vintage à 3000 euros et à un ticket moyen de restaurant à midi de 25 euros. On est dans la 'boboïsation' totale, et pour moi c'est une défaillance de ce projet. C'est une des raisons pour lesquelles j'en suis parti. La mixité, ce n'est pas quelque chose qui se décrète, ça s'organise au niveau de la programmation culturelle, de la tarification et même au niveau architectural. C'est une volonté extrêmement forte de notre dispositif ici à Toulouse".

Les travaux du grand projet de tiers-lieux à la Cartoucherie de Toulouse devraient débuter en janvier 2019.

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