Gérard Bapt : "Les Laboratoires Servier ont la responsabilité première dans le drame du Mediator"

Gérard Bapt, député de la 2e circonscription de Haute-Garonne et maire de Saint-Jean, près de Toulouse, a été nommé en janvier président de la mission d'information parlementaire sur le Mediator. Il fait le point sur cette crise sanitaire qui met en cause en première ligne les Laboratoires Servier. Les laboratoires Servier sont-ils coupables ?

Gérard Bapt, député de la 2e circonscription de Haute-Garonne et maire de Saint-Jean, près de Toulouse, a été nommé en janvier président de la mission d'information parlementaire sur le Mediator. Il fait le point sur cette crise sanitaire qui met en cause en première ligne les Laboratoires Servier.

Les laboratoires Servier sont-ils coupables ?
Oui, ils sont coupables d'avoir dissimulé la véritable nature de leur molécule, le benfluorex, au fil des années, de manière très prolongée. Ceci dit, la notion juridique de culpabilité est décidée par les tribunaux et je n'ai pas cette qualité-là. Mais pour ma part, je pense qu'ils ont la responsabilité première de ce drame.

Comment va se dérouler le travail de la commission d'enquête ?
La commission a commencé ses travaux en auditionnant d'abord les lanceurs d'alerte, le docteur Frachon, le docteur Le Gal du CHU de Brest, et le docteur Michelet, récente thésarde en doctorat en pharmacie de Rennes. Nous allons cette semaine auditionner l'IGAS, l'Inspection générale des affaires sociales, notamment les inspecteurs qui ont mené cette enquête. Ensuite viendra le tour du ministre actuel qui a souhaité être entendu très tôt, et puis les différents protagonistes de cette malheureuse crise sanitaire, les agences et les responsables administratifs. Nous terminerons par les lanceurs d'alerte qui ont des propositions à faire, et enfin l'ensemble des ministres qui étaient en charge des affaires sociales et de la santé depuis 1974.

Entendrez-vous Jacques Servier, PDG des laboratoires Servier ?
Nous demanderons à l'entendre, mais il n'est pas, bien entendu, obligé de venir. Il va, dans tous les cas, être entendu dès le 11 février par la justice.

Vous dénoncez des conflits d'intérêt au sein du secteur de la santé, qu'en est-il exactement ?
Ne trouvez-vous pas choquant que le directeur de l'agence européenne du médicament quitte ses fonctions et rentre instantanément dans un grand cabinet international de consultants qui travaille pour la grande industrie pharmaceutique ? Un mélange des genres que nous avions déjà connu avec un certain nombre de responsables de cabinets ministériels, notamment avec Mme Bachelot et M. Mattei. C'est un grave problème au point de vue déontologique et ça fait peser beaucoup de doutes sur l'objectivité des mesures qui ont été prises lorsque ces personnes étaient en fonction.

En tant que cardiologue, avez-vous été témoin de ces conflits d'intérêt ?
A titre personnel non. Je dénonce néanmoins la façon dont la Société française de cardiologie et la Société européenne de cardiologie sont pénétrées par l'industrie et notamment par les laboratoires Servier. Leurs publications, leurs colloques sont sponsorisés par Servier. Leurs responsables travaillent sur des études pour ce même laboratoire. Ce n'est pas sain. Quand on dirige une société savante, ce doit être un lieu d'exemplarité en ce qui concerne les règles d'éthique.

Quelles solutions préconisez-vous ?
Les pistes et les solutions, on les connaît. Le problème, c'est la volonté politique pour les mettre en œuvre. La précédente ministre de la Santé, Mme Bachelot, avait toujours été sourde aux propositions, sous forme d'amendements, faites à l'Assemblée nationale ou au Sénat. Il me semble que le ministre actuel de la Santé soit dans un autre état d'esprit. C'est au Parlement de profiter que des pistes de réforme importante semblent être ouvertes.

Et plus concrètement ?
La principale question à régler est celle des conflits d'intérêts et de la présence de l'industrie à toutes les étapes, non seulement de la chaîne du médicament mais aussi de la formation des médecins, en commençant par les étudiants. La seconde piste, c'est l'amélioration du fonctionnement des agences, dans le sens de plus de réactivité, notamment à l'alerte. La troisième piste consiste en plus de démocratie sanitaire. C'est-à-dire plus de transparence. Et enfin la quatrième piste serait de reconsidérer l'enseignement de la pharmacologie et de la pharmacovigilance. Introduire dans la formation initiale et dans la formation continue des éléments importants qui démontrent l'importance de la surveillance du médicament. 50 000 hospitalisations tous les ans sont dues à des accidents iatrogéniques, c'est-à-dire en relation avec un médicament ou une association de plusieurs médicaments.

D'autres médicaments sont-ils dans le cas du Mediator ?
Il est bien clair que tous les médicaments présentent des risques. Le comprimé d'aspirine lui-même risque de vous déclencher une hémorragie intestinale. Le problème, c'est la balance bénéfices - risques.

Quelle est la prochaine étape dans cette affaire du Mediator ?
L'actualité immédiate, c'est la prochaine comparution devant la Chambre correctionnelle du laboratoire Servier pour cause de tromperie ayant mis en danger la vie d'autrui. Cela permettrait que le laboratoire Servier ne se dissimule pas derrière la responsabilité des agences sanitaires par exemple. Autre actualité, sociale celle-là : faire en sorte que les victimes, notamment les plus modestes, qui ont pu être plongées dans la plus grande gêne sociale du fait d'un décès, puissent être indemnisées sans attendre que la justice tranche. Les laboratoires Servier ayant l'habitude de faire traîner les choses, ce pourrait devenir un véritable parcours du combattant pour elles.

Marie Grivot

En photo : Gérard Bapt, président de la mission d'information parlementaire sur le Mediator (© DR)

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