Municipales : Maurice en pôle position face à Moudenc, à Toulouse

Par Pierrick Merlet  |   |  1789  mots
D'après le sondage exclusif La Tribune-Europe 1, Antoine Maurice arrive devant Jean-Luc Moudenc au second tour des élections municipales à Toulouse, d'une courte tête. (Crédits : Rémi Benoit)
Selon un sondage exclusif de l’institut BVA pour La Tribune et Europe 1, le candidat écologiste Antoine Maurice serait élu maire de la quatrième ville de France, face au sortant Jean-Luc Moudenc, le 28 juin. Mais la crise sanitaire a totalement changé les préoccupations des électeurs de Toulouse, qui s’inquiètent surtout de la crise économique et sociale à venir. Un domaine dans lequel le candidat de la liste "Aimer Toulouse" est jugé nettement plus crédible que son adversaire d’"Archipel Citoyen". Le symbole que tout est encore possible. Analyse.

"C'est bien plus que des élections municipales qui vont se jouer le 28 juin prochain", ne cesse de répéter le maire sortant de Toulouse, Jean-Luc Moudenc. "Ce sera un choix majeur et crucial sur le devenir de notre ville et de ses habitants", confirme son adversaire écologiste Antoine Maurice. Les deux hommes, à la vision diamétralement opposée, sont les deux candidats qui s'affrontent pour désigner celui qui sera, dans deux semaines, le prochain occupant du Capitole.

Et malgré leurs appels à la mobilisation, les électeurs ne semblent pas presser de se rendre aux urnes à l'occasion du second tour des élections municipales. Selon un sondage exclusif de l'institut BVA pour La Tribune et Europe 1, la participation dans la Ville rose serait de seulement 48% dimanche 28 juin, bien loin des 57,66% du deuxième tour de 2014, mais mieux que les 36,66% de taux de participation du 15 mars dernier, en pleine crise sanitaire.

Si 16% des sondés déclarent qu'ils pourraient voter blanc, nul ou ne se prononcent pas, sur laquelle des deux listes va se porter le choix des autres électeurs ? D'après ce sondage exclusif La Tribune-Europe 1, Antoine Maurice récolterait 51% des suffrages. Le candidat EELV - soutenu notamment par La France Insoumise, le Parti socialiste et le Parti communiste - devancerait ainsi le maire sortant Jean-Luc Moudenc, qui se voit attribuer quant à lui 49% des voix, malgré le soutien du parti Les Républicains, La République en Marche, Agir et l'UDI.

À Toulouse, les électeurs certains d'aller voter sont sûrs de leur choix.

Seulement, tout peut encore basculer, dans un sens comme dans l'autre. Si l'échantillon est composé de 804 Toulousains inscrits sur les listes électorales, l'écart entre les deux candidats pour diriger la 4ème ville de France se trouve dans la marge d'erreur. Ainsi, comment va réagir la majorité silencieuse ? La Ville rose va-t-elle connaître un sursaut de ses électeurs ? Pour départager l'écologiste et celui qui a pour modèle Dominique Baudis, les abstentionnistes auront un rôle crucial à jouer et ils se présentent comme le principal réservoir de voix pour les deux prétendants à l'écharpe. D'après l'enquête de l'institut BVA pour La Tribune et Europe 1, neuf électeurs sur dix, pour ceux qui sont certain d'aller voter, ont déjà une idée définitive du nom qu'ils glisseront dans l'enveloppe.

Deux générations (d'habitants) qui s'affrontent

Mais qui sont-ils ? Alors que lundi 15 juin s'ouvre officiellement la campagne électorale pour le second tour des élections municipales, au-delà de deux candidats, ce sont aussi deux tranches de la population qui se font face. Le sondage BVA, pour La Tribune et Europe 1, révèle que 69% des moins de 35 ans voteront pour la liste "Archipel Citoyen" et son candidat Antoine Maurice, tout comme 64% des Toulousains de 35 à 49 ans. Face à eux, 55% des habitants de 50 à 64 ans s'apprêtent à déposer un bulletin de la liste "Aimer Toulouse" de Jean-Luc Moudenc dans l'urne le 28 juin. Plus tranchant encore, pas moins de 78% des 65 ans et plus feront le même choix.

Si sur le plan générationnel, la frontière est dure, en revanche du côté politique, celle-ci est bien plus perméable. Sans surprise, Jean-Luc Moudenc va bénéficier, selon le sondage exclusif BVA pour La Tribune et Europe 1, de 100 % des voix des électeurs ayant une proximité partisane avec Les Républicains et 91% pour ceux proches de La République En Marche. Dans le camp d'en face, il est difficile de se vanter d'une même situation. Le candidat écologiste Antoine Maurice séduit l'électorat du parti de Jean-Luc Mélenchon (LFI - 97%), mais son propre électorat, à savoir celui d'Europe Écologie Les Verts, est en proie aux doutes. "Seulement" 90% de celui-ci voterait pour son candidat le 28 juin, contre 10% pour Jean-Luc Moudenc. Même constat pour l'électorat socialiste, pour lequel 83% de ses voix se dirigent vers Antoine Maurice, contre 17% pour le maire sortant.

L'électorat socialiste ne soutient pas à l'unanimité "son" candidat Antoine Maurice.

Plusieurs aspects peuvent expliquer cette légère fuite de l'électorat du chef de file d'Archipel Citoyen. Tout d'abord, sa vision de "l'écologie heureuse" pour Toulouse, tout en menant "une rupture tranquille", est peut-être perçue comme trop radicale face à un adversaire qui a eu quelques résultats sur cet aspect, entre 2014 et 2020. Par ailleurs, il est certainement difficile pour une partie de l'électorat socialiste de voter pour un candidat soutenu par La France Insoumise, tant les relations entre les deux partis sont compliquées. Dernière explication, et non des moindres, le retrait de la candidate socialiste Nadia Pellefigue (soutenu notamment par le PS) au profil très économique. Pourtant qualifiée au second tour des élections municipales à Toulouse, avec plus de 18% des voix au premier, la vice-présidente du Conseil régional d'Occitanie en charge notamment du Développement économique et de l'Innovation a préféré se retirer tout en permettant la fusion des deux listes de gauche. En l'échange de son alliance, l'élue régionale demandait la présidence de la Métropole (instance de toutes les décisions majeures au niveau local) et le soutien au projet de LGV Bordeaux-Toulouse, pour lequel Antoine Maurice est contre, au contraire de Jean-Luc Moudenc.

Lire aussi : Municipales : les raisons du retrait de Nadia Pellefigue à Toulouse

La Covid-19 a changé les attentes des électeurs

Nadia Pellefigue n'a rien obtenu de cela et a donc laissé la possibilité aux deux listes de fusionner, non sans difficulté, donnant l'image de pratiques politiques anciennes pour une liste qui promet "un renouveau démocratique". Une chance pour elle, l'attention des Toulousains est orientée ailleurs. Après de deux mois de confinement pour lutter contre la propagation d'un virus, les habitants de la 4ème ville de France sont inquiets des conséquences de la Covid-19 sur leur quotidien. D'après le sondage exclusif BVA pour La Tribune et Europe 1, 67% des Toulousains pensent que "la Covid-19 aura des conséquences qui vont bouleverser durablement votre quotidien dans la métropole".

Lire aussi : Municipales : comment la gauche a obtenu laborieusement son union à Toulouse

De fait, leurs attentes concernant le prochain mandat (2020-2026) sont totalement modifiées. Dans un précédent sondage de La Tribune sur les élections municipales à Toulouse en mai 2019, ses habitants avaient placé en tête de leurs préoccupations les transports publics, la protection de l'environnement et les conditions de circulation et de stationnement dans la ville. Désormais, la campagne va prendre une tournure économique non négligeable face aux inquiétudes engendrées par la crise sanitaire, comme le démontre l'enquête de l'institut BVA.

Ainsi, 72% des sondés placent en tête de ces inquiétudes la crainte d'une "crise économique pour les entreprises de la métropole" et au global, ils sont 44% à l'évoquer. Si c'est un sentiment analysé sur l'ensemble du territoire français, la monoculture économique autour de l'industrie aéronautique dans la région toulousaine amplifie ce sentiment d'insécurité économique face au tour d'air rencontré par la filière, amené à durer. Derrière, l'autre grande inquiétude des électeurs toulousains reste par effet de ruissellement la crise sociale qui pourrait se manifester, à l'image du dossier Derichebourg Aeronautics et ses centaines d'emplois menacées chez ce sous-traitant aéronautique de rang 1. Alors, l'environnement, la fiscalité et les mobilités, semblent relégués en arrière-plan des préoccupations premières des habitants de la Ville rose.

Lire aussi : Derichebourg Aeronautics : le PSE écarté, sauf si...

Les principales inquiétudes des Toulousains après la crise sanitaire.

L'expérience de Jean-Luc Moudenc, un avantage ?

Avec cette nouvelle donne, lequel des deux candidats, entre Antoine Maurice et Jean-Luc Moudenc, dispose du meilleur profil pour éteindre ces craintes par des réponses politiques et répondre à ces attentes ? D'après le sondage exclusif BVA pour La Tribune et Europe 1, Jean-Luc Moudenc semble avoir des avantages à mettre en avant. Sa grande expérience d'élu local, de député et de président de l'association d'élus France Urbaine lui accorde nettement une plus grande légitimité sur les dossiers majeurs de demain, face à un candidat écologiste, élu d'opposition depuis 2015 et ancien adjoint au maire sous le mandat précédent, qui souffre certainement d'un déficit de notoriété. "Quand le navire tangue, vous avez besoin d'un capitaine aguerri avec de l'expérience et non pas d'amateurs" avait d'ailleurs déclaré il y a peu Jean-Luc Moudenc en évoquant Antoine Maurice.

Un point sur lequel va certainement appuyer davantage le maire sortant durant les 15 jours de campagne électorale à venir pour ces élections municipales et c'est un pari qui semble déjà gagnant. Pour 45% des sondés, Jean-Luc Moudenc est "le candidat le plus en mesure de protéger la ville face à la crise économique et au chômage", contre 28% à la faveur d'Antoine Maurice, tandis que 13% ne choisissent ni l'un ni l'autre. Néanmoins, ces derniers jours, le candidat d'Archipel Citoyen est bien plus offensif qu'à son habitude sur le terrain économique afin de tenter de convaincre l'écosystème toulousain des bienfaits de son projet politique, face à un candidat qui promet un plan de soutien à l'économie par "des grands travaux". Le déséquilibre de crédibilité est identique quand les sondés sont interrogés sur celui qui serait le plus approprié pour protéger Toulouse face au "déséquilibre budgétaire", dans une période de baisse des recettes pour les collectivités qui se profile. À contrario, Antoine Maurice est jugé plus à même de protéger Toulouse de "la crise écologique et au risque climatique", tout comme à propos de "la fracture sociale" ou l'écart est très faible entre les deux candidats.

"Néanmoins, sur cette question, c'est un grand classique d'observer une prime au maire sortant du fait notamment de son expérience. Le maire sortant bénéficie en effet d'un peu plus de crédit que son challenger. Enfin, par rapport au sondage réalisé par BVA il y a un an qui démontrait qu'Antoine Maurice était totalement méconnu du grand public, à plus de 90% des sondés", tient à nuancer Adélaïde Zulkicarpasic, la directrice de BVA Opinion.

Hormis sur la question environnementale, Jean-Luc Moudenc bénéficie d'une meilleure crédibilité que son adversaire écologiste.

Désormais, Antoine Maurice dispose d'une quinzaine de jours devant lui pour endosser pleinement le costume de maire, tandis que Jean-Luc Moudenc a devant lui le même laps de temps pour ne pas le perdre. Le débat d'entre-deux tours, organisé par La Tribune dans quelques heures, s'annonce plus que jamais décisif.

Lire aussi : Municipales : les moments clés à retenir du Grand Débat Éco à Toulouse