Dans le Lot, Emmanuel Macron secoué par les maires sur la fracture territoriale

Par Florine Galéron  |   |  1220  mots
Emmanuel Macron face aux maires d'Occitanie vendredi 18 janvier. (Crédits : Ludovic Marin/Pool via REUTERS)
Pour la deuxième étape du Grand débat national, organisée à Souillac dans le Lot, le président de de la République a été interpellé par des dizaines de maires de petites communes sur les conséquences de l'aggravation de la fracture territoriale en Occitanie. Face à ces doléances, Emmanuel Macron s'est dit prêt à rouvrir le débat sur la loi NOTRe et notamment sur la répartition de la dotation globale de fonctionnement des communes. Il a aussi confirmé son souhait d'une fusion entre Toulouse Métropole et le Département de Haute-Garonne.

"J'ai dû contourner trois barrages de police et couper à travers bois pour arriver jusqu'ici, lance Franck, venu de Brive pour interpeller le président de la République. On ne veut pas communiquer uniquement avec des papiers et des stylos (via les cahiers doléance des mairies, NDLR). Emmanuel Macron a dit qu'il voulait aller à la rencontre des Français et bien nous sommes là. Au lieu d'inviter 800 maires, il aurait dû faire venir 800 habitants à débattre avec lui".

Franck, habitant de Brive, reproche à Emmanuel Macron de ne pas aller au contact des Français./ (Crédits : Florine Galéron).

Ils sont une centaine comme lui ce vendredi 18 janvier au matin dans le centre-ville de Souillac (Lot) à faire entendre quelques "Macron démission", tentant d'approcher au plus près du Palais des Congrès, où s'est tenu dans l'après-midi la deuxième étape du grand débat national. Dès la sortie d'autoroute, les premiers barrages de police sont en place. Une ville bouclée, tout comme la veille pour ses voeux aux armées depuis la base militaire de Francazal.

Seuls 600 maires issus des 13 départements de l'Occitanie sont invités à débattre avec le chef de l'État. Pour cette deuxième session du grand débat national, Emmanuel Macron a fait le choix de Souillac, la petite commune du Lot où il y avait tenu un meeting en février 2017. Au cœur de la campagne présidentielle, En Marche y avait fêté son 200 000e adhérent.

Dès 14 heures, les élus invités commencent à s'installer dans la salleBeaucoup d'entre eux viennent de petites communes. À l'image de Martine Rodrigues, maire d'une commune de 460 habitants dans le Lot, et installée au 2e rang.

"La retour de l'ISF, l'augmentation des bas salaires et la baisse de la CSG pour les bas revenus figurent parmi les premières doléances inscrites par habitants dans le cahier mis à disposition en mairie", observe-t-elle.

Beaucoup de maires de petites communes ont été invités pour le Grand débat national./ (Crédits : Florine Galéron).

Des maires "dépossédés" de leur pouvoir et de leurs ressources

Peu après 15h30, Emmanuel Macron fend la marée de maires qui se sont levés pour l'accueillir. Passées les amabilités et un discours introductif du président de la République pointant "la fracture territoriale, écologique et démocratique", les échanges démarrent sans langue de bois. Christian Venries, maire de Saint-Cirgues (Lot) annonce d'emblée qu'il ne veut être "ni l'organisateur, ni le Monsieur Loyal" du grand débat national :

"Il faut que les responsables de la situation actuelle viennent dans nos territoires. Avant de pondre des lois depuis vos bureaux parisiens, venez discuter avec les habitants plutôt que d'imposer des lois sans en mesurer les effets dévastateurs".

Avant d'ajouter que depuis la loi NOTRe, "les mairies sont devenues des coquilles vides au profit d'intercommunalités XXL. Il n'y a plus que neuf communes dans le Lot en mesure de refaire des cartes d'identité, les habitants doivent faire parfois 27 km pour aller faire ce type de démarche". Applaudissements dans la salle. D'autres élus plus tard soulignent à leur tour le sentiment d'être "dépossédés" à la fois de leur pouvoir local et de leurs ressources avec la baisse de la dotation globale de fonctionnement (DGF) des communes.

De nombreux maires ont déploré la baisse de la DGF (Ludovic Marin/Pool via REUTERS).

"Ce n'est pas l'emploi qui manque mais comment on y accède"

En prenant le micro, les édiles n'hésitent pas à citer des exemples concrets de la fracture territoriale telle qu'elle est vécue en zone rurale. Tantôt c'est un demi-poste de professeur supprimé parce qu'il manquait deux élèves, tantôt ce sont des maires démunis face aux problèmes de mobilité de leurs concitoyens.

"Ce n'est pas l'emploi qui manque mais comment on y accède", pointe Aurélie Corbineau, maire de Verdun-sur-Garonne (Tarn-et-Garonne), rappelant par la même occasion que, d'après l'Insee, 18% des Français n'ont pas de véhicule personnel.

La qualité des réseaux téléphoniques reste encore un frein au développement économique de certains villages. Cyril Delpech, maire-adjoint de Caudebronde (Aude) cite l'exemple de sa commune classée en zone grise, où les portables captent de manière sporadique et où la mauvaise qualité des lignes de téléphonie fixe a nui au dispositif d'alerte lors des dramatiques inondations qu'a connues le département à l'automne dernier.

"Il faudrait demander par décret aux quatre opérateurs d'améliorer la couverture en zone grise comme vous êtes en train de le financer pour les zones blanches", plaide-t-il.

Après trois heures d'écoute des doléances des maires, Emmanuel Macron a salué un "échange sans filtre important" avant de revenir sur les différentes thématiques abordées. Le président de la République n'a pas manqué de souligner que "la loi NOTRe n'a pas été votée sous cette mandature", mais se dit "pas contre rouvrir le débat sur la DGF qui favorise les métropoles au détriment des territoires en perte de population", tout en lançant deux heures plus tard qu'il ne veut pas remettre à plat cette loi. Sur la couverture téléphonique, le chef de l'État a indiqué qu'il fallait "remettre la pression sur les opérateurs" pour les zones intermédiaires.Plus tard, il a estimé que :

"Ce n'est pas le retour de l'ISF ou l'instauration du RIC (référendum d'initiative citoyenne) qui règlera le problème du chômage de masse dans notre pays mais des réformes courageuses".

"La clé est de ne pas opposer les territoires"

Lors de la deuxième salve de questions, Emmanuel Macron a également été interpellé sur la fusion métropole/département, un sujet très sensible à Toulouse.

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Emmanuel Macron a confirmé sa volonté d'une fusion Métropole/Département (Crédit : Ludovic Marin/POOL via Reuters).

Le chef de l'État a confirmé qu'il souhaite ce rapprochement sur le modèle du Grand Lyon "s'il est porté localement" mais "aucune décision ne sera prise sans avoir vu les présidents des conseillers départementaux". Le leader de la Haute-Garonne Georges Méric était présent dans la salle mais en simple spectateur. En préambule du débat, le président de la République avait indiqué qu'il n'échangerait pas au cours de la soirée avec les édiles départementaux et qu'"un déjeuner de travail spécifique sur leurs compétences" serait organisé sous peu.

Pour lui, "la clé est de ne pas opposer les territoires", avant d'illustrer avec l'exemple toulousain : "La métropole irrigue le territoire jusqu'à Figeac qui bénéficie de cet effet d'entraînement".

Peu après 22h, après plus de 6h30 de débat, Emmanuel Macron pose le micro sous une standing ovation avant de reprendre la route. Dans le centre-ville de Souillac, quelques habitants sont postés sur le bord de la route ou à la fenêtre de leur maison, avec un mince espoir d'un signe du président.