Déremboursement de l'homéopathie : quel impact pour Boiron à Toulouse ?

Par Clothilde Doumenc  |   |  630  mots
Les laboratoires Boiron emploient 45 salariés à Toulouse (Crédits : Rémi Benoit)
La ministre de la santé Agnès Buzyn a tranché en faveur du déremboursement des produits homéopathiques le 9 juillet 2019. Alors que cette décision pourrait affecter plus de 1 300 emplois chez Boiron en France, Anne-Laure Weiner, directrice des laboratoires à Toulouse, craint elle aussi des répercussions pour ses employés et annonce 50% d'impact sur l'activité.

"Ce n'est pas une surprise, cela faisait déjà plusieurs mois que le dossier était en cours d'évaluation par la Haute autorité de santé", fait remarquer Anne-Laure Weiner. La directrice des laboratoires Boiron à Toulouse se dit "très en colère et choquée" par la décision de la ministre de la santé Agnès Buzyn de dérembourser les produits homéopathiques dès 2021. Et regrette la façon dont le gouvernement a annoncé son choix le 9 juillet 2019. "Nous l'avons appris par voie de presse, nous pensions pouvoir être informés avant les médias".

Cette décision du gouvernement arrive seulement quelques mois après la publication d'une tribune par Le Figaro le 19 mars 2019, dans laquelle 124 médecins ont classé l'homéopathie parmi les "fake médecines" et réclamaient le déremboursement des médicaments (la moitié des produits Boiron sont pris en charge par la Sécurité sociale). Une tribune suivie peu de temps après par un avis très négatif publié par la Haute autorité de santé (HAS).

15% d'activité en moins

Le leader mondial de l'homéopathie (617 millions d'euros de chiffre d'affaires en 2017) a installé son siège social près de Lyon. Mais le groupe dispose depuis 50 ans d'un centre de distribution à Toulouse qui délivre plus de 33 000 médicaments vers les pharmacies de neuf départements du Sud-Ouest.

Lire aussi : Homéopathie : reportage au coeur des Laboratoires Boiron à Toulouse

Les derniers événements ont eu des répercussions directes sur ce site.

"Aujourd'hui à Toulouse, nous sommes déjà entre -10 % et -15% d'activité par rapport à 2018. D'après les projections, nous nous préparons à 50% d'impact sur l'activité. Nous allons être obligés de revoir profondément la stratégie d'entreprise et son organisation. Il y a un délai de 18 mois avant la prise d'effet mais c'est très court pour opérer les transformations nécessaires et changer de modèle économique. Nous aimerions du temps supplémentaire", explique la directrice.

Les emplois menacés

De quoi menacer les emplois d'une partie de 45 salariés de Boiron dans la Ville rose, même s'il est encore "difficile de répondre avec précision sur l'impact à Toulouse", estime Anne-Laure Weiner.

"Notre activité est vraiment basée sur de la main d'oeuvre car nous préparons des commandes, et si j'ai deux fois moins de commandes, il me faudra deux fois moins de personnes... En tout cas, les emplois seront menacés à Toulouse comme ailleurs", déclare la gérante.

Selon cette dernière, plus de 1300 emplois sont en sursis chez les laboratoires Boiron en France.

 Un million de Français contre le déremboursement

Devant les locaux de Boiron à Toulouse, ont été placardés des affiches de la campagne "Mon homéo, mon choix" lancée par le laboratoire avec une dizaine d'autres acteurs du secteur. La pétition contre le déremboursement a recueilli 1,2 million de signatures 1 200 000 pro-homéopathie à avoir signé la pétition (soit presque autant que celle contre la loi Travail en 2016).

 "Parmi les professionnels de santé, un généraliste sur trois prescrit des médicaments homéopathiques ainsi que trois-quarts des sages femmes. Trois Français sur quatre en utilisent pour se soigner", plaide Anne Laure Weiner en insistant sur le fait que "l'homéopathie représente 0,3% des remboursements de la Sécurité Sociale et son déremboursement devrait entraîner une hausse de 1 à 10% de la TVA".

Du côté des politiques, 45 députés issus de divers bords (LR, UDI et indépendants, Libertés et territoires, PS, MoDem ainsi que LREM) ont signé le 21 juillet 2019 une tribune parue dans le Journal du dimanche en faveur du remboursement, désireux de le maintenir à 30 %. Parmi eux, la députée LREM de l'Aude Mireille Robert.