La fintech Morning reprise par la banque Edel et la Maif, le PDG écarté

Par Sophie Arutunian (Toulouse) et Delphine Cuny (Paris)  |   |  734  mots
Éric Charpentier, fondateur de Morning, a été écarté de la startup qui voulait "réveiller la banque".
Changement de contrôle au sein de la startup Morning. Selon nos informations, la "néo-banque" toulousaine, en difficulté depuis le mois de décembre 2016, est reprise par Edel, une banque appartenant au groupe E.Leclerc, et la Maif. Le fondateur de la Fintech, Éric Charpentier, s'en va.

Après deux mois mouvementés, la startup toulousaine Morning, qui voulait "réveiller la banque", a trouvé un repreneur : ce sera une banque, mais pas comme les autres, puisque c'est Edel, filiale de l'enseigne de distribution E. Leclerc, qui en prend le contrôle. La Maif, qui détenait 38 % du capital, reste actionnaire. Le fondateur et PDG, Éric Charpentier, quitte l'entreprise.

"Il fallait faire entrer au capital un industriel qui puisse apporter à Morning des revenus en exploitant sa solution technologique et en lui donnant les moyens de déployer celle-ci auprès d'autres entreprises, nous confie Nicolas Siegler, le directeur général adjoint de la Maif. Le projet réorienté sur le BtoB nous a paru assez intéressant pour décider de rester."

Le futur actionnaire majoritaire, la banque Edel, implantée à Labège près de Toulouse, confirme l'information mais ne souhaite pas s'exprimer avant que la nouvelle ne soit rendue officielle. C'est un dirigeant d'Edel, qui assurera la direction de l'ex-Payname. Pour rappel, deux autres candidats avaient déposé une offre de reprise : une autre startup de la fintech, Treezor, établissement de monnaie électronique agréé proposant des solutions de paiement, et la société Mutualize, propriétaire de la marque France-Soir et du système de paiement CardsOff.

Morning était à court de liquidités. Le régulateur financier, l'ACPR, avait suspendu son agrément le 1er décembre, parce qu'elle avait ponctionné 500.000 euros sur son compte de cantonnement. L'urgence était d'opérer un versement en compte courant pour payer les salaires de janvier aux 49 salariés de Morning. Un nouveau business plan va être défini d'ici à la fin mars.

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Éric Charpentier "out"

Ce changement de contrôle devrait se traduire par des réductions d'emplois. La priorité ne sera plus donnée au modèle de "néo-banque" pour le grand public (environ 75.000 clients actuellement).

"Morning va continuer avec un nouveau projet construit avec Edel en s'appuyant sur les actifs de néo-banque mais avec une nouvelle priorité sur le BtoB pour trouver un chemin vers la rentabilité. Cela ne veut pas dire qu'on arrête tout le reste, mais on focalise les ressources et le développement sur les solutions pour les entreprises", explique Nicolas Siegler.

Selon une source proche, d'autres acteurs, notamment dans l'univers de la distribution, seraient intéressés par une solution sous marque blanche dans le but de lancer une activité de "banquier virtuel", sur le même modèle que les opérateurs mobiles virtuels (MVNO) dans la téléphonie.

Un départ est confirmé : celui d'Éric Charpentier, le fondateur de la société, qui a été écarté de l'entreprise. Contacté, il confirme l'information mais ne souhaite pas s'exprimer. En décembre, son bras de fer avec la Maif au sujet de la stratégie de la société avait été fortement médiatisé. Le chef d'entreprise, à la communication volontiers provocatrice, avait réussi à fédérer autour de lui, à la faveur d'une communication importante sur les réseaux sociaux, ses salariés mais aussi plusieurs chefs d'entreprises et élus régionaux. Il souhaitait maintenir l'indépendance de Morning et ne pas se rapprocher d'un groupe bancaire. Il a cependant été rattrapé par la réalité économique.

La Maif, représentée par Nicolas Siegler, était en désaccord avec le changement de stratégie, de cagnotte en ligne à néo-banque grand public, et avait dénoncé la communication d'Éric Charpentier. L'assureur mutualiste plaidait pour le rapprochement avec un groupe industriel.

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Quel avenir?

Les employés de Morning joints ce jour ne souhaitaient pas non plus s'exprimer sur la situation, qu'il s'agisse du service communication ou des délégués du personnel. "Nous ne savons pas ce qu'il va se passer pour nous", glisse tout juste une salariée. Difficile encore de savoir ce que va devenir le Toaster, le bâtiment neuf inauguré en 2016 et qui héberge les locaux de Morning à la campagne. La question du siège fait partie des sujets à traiter, reconnaît la Maif."Il paraît que le repreneur ne souhaite pas garder les poules ni les moutons", sourit un voisin.

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