Toulouse va-t-elle devenir la Silicon Valley des objets connectés ?

Par Béatrice Girard  |   |  1030  mots
(Crédits : Rémi Benoît)
Grâce à un écosystème de 1 500 startups, des laboratoires, des logements et l'implantation de grands groupes, Toulouse veut devenir la référence mondiale des objets connectés. Rêve ou réalité ? Ludovic Le Moan, PDG de Sigfox, y croit : avec l'Iot Valley, il espère créer à Labège un immense campus dédié aux entreprises du secteur.

"Il n'y aura pas, en France, la place pour 36 projets sur l'internet des objets", a toujours dit Ludovic Le Moan. Attaché à Labège, commune de la banlieue toulousaine dans laquelle il a installé le siège mondial de son entreprise, puis le premier bâtiment de l'IoT Valley (et son accélérateur le Connected camp), le chef d'entreprise a impulsé en quelques années une dynamique inédite autour de l'internet des objets.

Sa stratégie sur le sujet est claire, il veut aller très vite pour créer dans le Sud-Ouest un écosystème de grands comptes, startups, laboratoires, organismes de formations, logements... et faire de Toulouse la référence mondiale ou au moins européenne de l'Internet des objets. Au printemps dernier, il annonce alors la construction d'un campus de 8 hectares et table sur l'installation sur place de 1 500 startups.

Happé depuis par le développement fulgurant de Sigfox à l'international, Ludovic Le Moan a cédé en juillet dernier la présidence de l'association l'IoT Valley à Hervé Schlosser. Un board de chefs d'entreprises (la plupart dirigeants de startups dans le secteur des objets connectés) s'attache désormais à faire émerger ce projet. "Ludovic Le Moan continue d'apporter une vision et nous restons garants de "l'esprit IoT", un projet collaboratif monté par des entrepreneurs pour des entrepreneurs", décrit Hervé Schlosser.

Attirer de grands groupes internationaux

Cet écosystème dédié à l'innovation dans le domaine de l'internet des objets verra le jour grâce à des partenariats entre startups et grands groupes, un modèle inédit à ce jour dans un accélérateur.

"Avec un modèle économique basé à 80 % sur le financement privé et 20 % seulement sur le public, nous donnons à l'IoT une vraie dimension business. Nous sommes ravis d'avoir la puissance publique à nos côtés, mais on ne quémande pas, précise Pierre-Olivier Bessol, le vice-président de l'IoT. Ce positionnement nous différencie totalement des incubateurs publics et notamment de la Cité des objets connectés à Angers, qui fait plutôt du coworking."

À ce jour, l'IoT Valley reçoit 170 000 € de subventions publiques annuelles de la part de la communauté de communes du Sicoval, de la région Occitanie et de French Tech. Le Sicoval, propriétaire des terrains, s'interroge aujourd'hui sur l'opportunité de consacrer le projet urbain aux seuls objets connectés.

5 000 personnes sur place en 2020

Si l'association affiche déjà quelques groupes privés prestigieux parmi ses partenaires et des startups prometteuses dans ses pipelines, elle ne compte pas s'arrêter là. Son objectif ? Convaincre d'ici à deux ans de grands groupes internationaux d'installer tout ou partie de leurs services à Toulouse. "Nous recevons déjà des appels entrants réguliers de grands groupes intéressés notamment par notre projet immobilier et le top management de certaines grandes boîtes défile ici pour découvrir ce qu'est l'IoT Valley", confie Hervé Schlosser.

Après les partenaires historiques SNCF ou AG2R La Mondiale, les membres de l'IoT Valley évoquent des groupes comme Samsung (déjà partenaire), qui aura "vocation à installer des services ou des morceaux de services ici", ou Intel, partenaire également, mais dont la fermeture annoncée du site de R&D à Toulouse pourrait changer la donne.

Ce projet d'écosystème qui prévoit de s'étendre sur 100 000 m2 pourrait réserver 20 000 à 25 000 m2 pour les grands groupes qui chercheraient à s'étendre.

"Notre plus grande fierté serait de créer des emplois ici et nous tablons sur 5 000 personnes installées sur place en 2020", avance même Hervé Schlosser.

Les acteurs toulousains comptent pour cela sur les nombreuses applications possibles de l'internet des objets dans les secteurs de l'énergie, de la sécurité, des transports, du bâtiment... et précisent : "Nous ne sommes fermés à aucun secteur".

Toulouse veut devenir le pays de l'IoT

Pour réussir le pari de devenir le numéro 1 mondial de l'internet des objets, l'IoT Valley devra impérativement être visible depuis l'étranger. Un premier pas sera franchi début 2017. "À cette date, 50 % des startups hébergées à Toulouse seront européennes", évalue Bertran Ruiz, le business developer qui dispose d'une équipe dédiée au sourcing international des startups.

Selon lui, "la France est déjà identifiée comme un pays de l'IoT avec de gros potentiels, même si Barcelone, Londres ou Venise commencent aussi à s'y mettre". Un exemple ? "La startup française Skylights, passée par l'accélérateur le plus connu des États-Unis et déjà implantée en Californie à Palo Alto, a préféré choisir Toulouse à Paris pour son implantation française", raconte David Keribin, président de CityMeo et membre du board.

Pour arriver à attirer de nouvelles pépites sur place, encore faut-il être en mesure d'organiser leur vie, en leur proposant notamment des solutions d'hébergement et des services... Sur ce point, seul le nouveau campus pourra changer la donne, mais aucun calendrier concernant sa livraison n'a encore été annoncé. En attendant, l'IoT Valley pousse les murs et préempte des locaux vides pour accueillir ses nouveaux membres. Elle rassemble désormais 600 personnes réparties sur 10 000 m2 et compte depuis la rentrée une école du numérique : l'école Simplon, installée avec le soutien financier de la région Occitanie.

Les chiffres clés de l'IoT Valley

- 16 partenaires grands comptes en septembre 2016 qui investissent entre 30 000 et 100 000 € pour un an renouvelable (AG2R La Mondiale, BNP Paribas, CGI, EBV électronique, Engie, GA, Intel, Microsoft, OVH, PTC, Samsung, Setec, Sigfox, Sncf, TNP).
- 9 startups accélérées depuis février 2016 et 6 millions d'euros fonds levés. Plus de 35 startups accélérées depuis les débuts de l'IoT Valley.
- 60 mentors entrepreneurs ou salariés de différentes entreprises de l'IoT.
- 500 000 € investis fin 2016 dans l'IoT Valley par des partenaires privés (80 %) et publics (20 %).
- 10 000 m2 C'est la surface qu'occupe à ce jour l'écosystème de l'IoT à Labège. Il rassemble 600 personnes dans des entreprises et une école du numérique.
- 100 000 m2 C'est la taille annoncée de la future Iot Valley, qui prévoit de s'étendre dans un campus à construire à Labège. Il rassemblera des grands groupes, 1 500 startups et 5 000 personnes en 2020.