Ligne à grande vitesse Bordeaux-Toulouse : la commission d'enquête émet un avis défavorable sur le projet

Par Jean-Philippe Dejean avec Florine Galéron et Alexandre Léoty  |   |  935  mots
Les travaux pour le prolongement de la LGV devaient commencer en 2017. (Crédits : RFF / Christophe Recoura)
Les projets de liaisons à grande vitesse Bordeaux-Toulouse et Bordeaux-Dax portés par le Grand projet ferroviaire du Sud Ouest (GPSO) s'attirent un avis défavorable de la commission chargée de l'enquête publique. Signe que ce dossier à 9,4 milliards d'euros, qui patine déjà depuis plusieurs années, risque de s'enliser pour de bon.

Déjà fragilisé par un tour de table financier incomplet et de fortes oppositions, non seulement au Pays basque mais également en Lot-et-Garonne, le Grand projet ferroviaire du Sud Ouest (GPSO), qui prévoit laconstruction de deux lignes à grande vitesse entre Bordeaux et Toulouse, et Bordeaux Dax, dans la perspective de la liaison avec l'Espagne, vient de prendre un nouveau mauvais coup sur la tête avec l'avis défavorable que vient de rendre la commission chargée de l'enquête publique. Dans un communiqué qui vient de nous parvenir, la préfecture d'Aquitaine précise que l'enquête publique, qui s'est déroulée du 14 octobre 2014 au 8 décembre, a finalement émis « un avis défavorable sur le projet de déclaration d'utilité publique des travaux des lignes nouvelles Bordeaux Toulouse et Bordeaux Dax ». Le préfet explique que, conformément au code de l'Environnement, il va diffuser ce rapport « à l'ensemble des communes où s'est déroulée l'enquête, en leur demandant de le tenir à la disposition du public pendant un an ».

Jusqu'à 2016

Dans le même temps, le préfet va adresser copie du rapport et des conclusions au maître d'ouvrage (SNCF -Réseau). Ce dernier devra ensuite formuler ses propres observations sur le rapport de la commission d'enquête.

« Après recueil de l'ensemble de ces éléments, le préfet transmettra au ministre chargé des transports le rapport de la commission d'enquête, ainsi que les observations du porteur de projet. Il y adjoindra un rapport présentant le déroulement de l'enquête publique, son analyse des conclusions de la commission d'enquête, et son avis sur le projet » détaille la préfecture.

Le gouvernement dispose d'un délai de 18 mois après la clôture de l'enquête publique, soit jusqu'au 18 juin 2016, pour se prononcer, après avis du Conseil d'Etat, sur la déclaration d'utilité publique du projet ».

L'État en première ligne

Rappelons que la commission chargée de cette enquête publique préalable à la déclaration d'utilité publique était présidée par Daniel Maguerez et qu'elle comptait 21 commissaires enquêteurs nommés par le tribunal administratif de Bordeaux, dont des retraités (gendarmerie, police nationale, etc.) et trois actifs (agriculture, conseil). Cette commission d'enquête devait également enquêter sur la mise en compatibilité des documents d'urbanisme dans les 71 communes d'Aquitaine concernées par le premier volet du GPSO : Bordeaux -Toulouse, qui doit être mis en service en 2024, la jonction avec Dax étant planifiée pour 2027. Les commissaires enquêteurs se sont rendus dans 115 lieux différents et ont tenu pas moins de 239 permanences d'information. Plombé par des divergences de vue entre certaines des 50 collectivités appelées à cofinancer cet énorme chantier à parité avec l'Etat, le GPSO se voit aujourd'hui opposé un avis défavorable dont on ne connaît pas encore le détail et qui va pousser le gouvernement à faire un nouvel effort sur le plan politique, mais peut-être aussi financier, ce dont il aurait sans doute volontiers fait l'économie.

Les réactions à Toulouse

Alain Rousset, président du Conseil régional d'Aquitaine, Martin Malvy, président du Conseil régional de Midi-Pyrénées, Alain Juppé, président de Bordeaux Métropole, et Jean-Luc Moudenc, président de Toulouse Métropole ont réagi conjointement pour regretter cette décision :

"Le grand Sud-Ouest de la France est sous-équipé au niveau ferroviaire depuis des décennies alors que des régions voisines comme Rhône-Alpes sont bien mieux dotées. Seules de nouvelles lignes vers le Sud permettront de répondre aux besoins croissants de mobilité de nos territoires".

"Ce n'est pas une surprise, la majorité des membres de la commission sont contre le projet, estime pour sa part Jean-Louis Chauzy, président du Conseil économique, social et environnemental régional (Ceser). Mais 2% de la population ne peut pas remettre en cause des décisions validées par l'ensemble des grandes collectivités."

Jean-Louis Chauzy ajoute: "l'État s'est engagé à financer ce projet". Il précise qu'un colloque sur les modalités financières des grandes infrastructures dont la ligne à grande vitesse sera organisé courant février 2016.

De son côté, le ministre des Transports Alain Vidalies a appelé à ne pas tirer de conclusions hâtives :

"Le maître d'ouvrage, SNCF Réseau, dispose désormais d'un délai de quatre mois pour répondre à ces conclusions. C'est à ce moment là seulement que l'Etat sera saisi de l'intégralité des conclusions et de cette réponse. Le gouvernement sera appelé à prendre sa décision dans un délai de dix-huit mois, après avis du Conseil d'Etat. Le respect de cette procédure impose aujourd'hui l'absence de toute conclusion prématurée tirée de l'avis de la commission d'enquête publique."

C'est "une bonne nouvelle" estime en revanche le député européen José Bové qui a réagi sur son compte Twitter.

Guillaume Cros, le président du groupe Europe Ecologie - Les Verts au conseil régional de Midi-Pyrénées se réjouit également de cette "bonne nouvelle":

"Enfin, on nous écoute ! Cela vient confirmer ce que nous disons depuis le début. La LGV est une véritable aberration. Maintenant, des décisions politiques doivent être prises pour que soit aménagé l'existant, en préservant les trains du quotidien. Car oui, il faut que le TGV arrive à Toulouse. Mais arrêtons de fantasmer sur une LGV".