Fintech : la Maif dénonce la communication et la stratégie de Morning

Par Sophie Arutunian  |   |  736  mots
Nicolas Siegler, directeur adjoint de la Maif
La Maif (actionnaire à 40 % de Morning) réagit au plan de communication d'envergure mené par la startup toulousaine depuis ce weekend. Nicolas Siegler, directeur général adjoint de la Maif, assure que la "néo-banque" ne peut s'en sortir qu'en faisant entrer un industriel à son capital. Il appelle Eric Charpentier à "prendre ses responsabilités de chef d'entreprise envers ses 50 salariés". Une réunion doit avoir lieu vendredi sous l'égide du commissaire au redressement productif. Interview.

Éric Charpentier, fondateur de Morning, affirme que le comportement de la Maif met en péril l'avenir de la société. Que lui répondez-vous ?
Je lui réponds que c'est très triste de lire cela. Il y a 18 mois, nous avons investi 4 millions d'euros dans le projet de Payname, avec enthousiasme. Entendre cela maintenant, c'est beaucoup de déception. La Maif n'est pas à l'origine des problèmes de Morning. C'est Morning qui est à l'origine des problèmes de Morning.

Quels sont les problèmes à l'origine de la situation actuelle selon vous ?
Nous avons une divergence de vue stratégique avec Éric Charpentier depuis avril 2016. Avec sa néo-banque, il a voulu axer sa stratégie vers le BtoC alors que nous pensons que le modèle économique de la société n'est valable qu'avec du BtoB. Dans la perspective d'une levée de fonds avant fin 2016, il fallait des résultats probants et nous l'avons dit à Éric Charpentier. Il ne nous a pas entendus. On voit bien aujourd'hui que la stratégie BtoC n'est pas génératrice de revenus car les clients ne souscrivent pas aux options payantes.

La Maif soutient-elle toujours Morning ?
La Maif soutient Morning, d'autant plus qu'elle cherche toujours un investisseur pour entrer au capital et sauver l'entreprise. Nous avons en effet conditionné notre futur soutien à l'entrée d'un industriel au capital. Nous ne voulons plus être le seul actionnaire de référence. Nous sommes un actionnaire de 1er tour, maintenant il faut qu'un industriel investisse pour créer des synergies et rendre le modèle économique viable.

Éric Charpentier ne veut pas qu'un industriel bancaire rentre à son capital car il ne veut pas être dépossédé de son innovation. Comprenez-vous cela ?
Oui, je comprends son point de vue, mais il faut avoir les moyens de son ambition. Malheureusement, Morning ne survivra pas autrement. La startup a besoin de s'appuyer sur un vrai projet industriel. Pas forcément celui d'une banque, il peut s'agir d'un acteur de la grande distribution par exemple. Le problème, c'est que plusieurs investisseurs étaient intéressés mais qu'avec la communication opérée par Éric Charpentier ces derniers jours, ils ne risquent pas de s'engager. Ce serait bien qu'Éric Charpentier mène une communication qui aille en faveur de la survie de son entreprise et non pas l'inverse.

C'est un choix difficile pour lui : remettre son innovation dans les mains d'un autre ou mettre la clé sous la porte...
C'est de la responsabilité du chef d'entreprise de se poser les bonnes questions : il peut agir selon sa vision idéaliste ou bien assurer l'avenir de 50 salariés et 70 000 clients. Il faut qu'il accepte d'en passer par là.

Pour lui, les délais sont intenables, que répondez-vous?
Je confirme ! Mais cela fait 6 mois que nous lui disons de trouver un nouvel investisseur.

Le projet de Morning était de rentrer en bourse en mars prochain, souteniez-vous ce projet ?
En soi, rentrer en bourse n'est pas une mauvaise idée, mais ce n'était pas le moment et cela n'aurait pas réglé les problèmes de la société. Il manquait environ 4 millions d'euros à Morning pour faire une bonne entrée en bourse. Il faut régler les problèmes dans l'ordre.

Êtes-vous encore en contact avec Éric Charpentier ?
Non, Éric Charpentier ne donne plus de nouvelles aux actionnaires depuis un mois. La Maif ainsi que les autres actionnaires, notamment La Dépêche du Midi, Wiseed et l'investisseur Denys Chalumeau, ont demandé des informations et davantage de transparence sur les intentions d'Éric Charpentier. Il ne nous a pas répondu.

Il estime que la Maif bloque la situation en ne soutenant pas Morning, tout en restant au capital.
Je crois qu'Éric Charpentier ne comprend pas bien ce qu'il se passe. Nous pourrions sortir du capital, mais il faudrait le revendre, or, pour le moment, il n'y a personne. Comme je l'ai dit, plusieurs banquiers étaient intéressés mais après les propos tenus par Éric Charpentier, ils ne souhaitent pas donner suite.

Il y aura une réunion vendredi 16 décembre sous l'égide du commissaire du Redressement productif, pourquoi faire ?
Les actionnaires seront réunis ainsi qu'Éric Charpentier, mais aussi la Banque de France et d'autres institutionnels. Le but est de "faire le point sur la situation de l'entreprise" selon l'invitation de la préfecture.