Diplomatie économique : les ambassadeurs en région vont-ils disparaître ?

L'initiative a-t-elle fait flop ? En mars 2013, dans le cadre de sa diplomatie économique, Laurent Fabius, le ministre des Affaires étrangères, avait nommé six ambassadeurs dans onze régions pour relier le monde diplomatique au monde économique régional. Deux ans plus tard, le dispositif ne compte plus que trois diplomates, dont un en Midi-Pyrénées. Bilan.
Pierre Ménat, ambassadeur en Midi-Pyrénées.

Le 6 février 2013, Laurent Fabius, le ministre socialiste des Affaires étrangères invite les représentants de 18 régions pour échanger sur la mise en place du dispositif "ambassadeurs pour les Régions". L'objectif : mettre des diplomates à disposition des présidents des conseils régionaux pour "renforcer le lien entre l'offre productive de nos territoires et le réseau diplomatique français".

L'initiative est attrayante. Un mois plus tard, six ambassadeurs sont nommés dans onze régions, dont Midi-Pyrénées. Deux ans plus tard, ils ne sont plus que trois diplomates à prêter leurs services aux collectivités régionales de Champagne-Ardennes, Lorraine, Haute-Normandie, Limousin et Midi-Pyrénées. Le dispositif est-il en voie d'extinction ?

Une mission floue

Trois mois après le lancement de leur mission, les diplomates devaient "soumettre un plan d'action déclinant concrètement les objectifs poursuivis et les échéances qui sont fixées". Une évaluation régulière entre le ministère et le Conseil régional était prévue pour mesurer la création de valeur du dispositif.

Ainsi, en mai 2013, Henry Zipper de Fabiani, ancien ambassadeur en Bosnie-Herzégovine et au Tadjikistan, nommé en Midi-Pyrénées et en Aquitaine, expliquait à Challenges qu'il "cherchait à identifier les entreprises actives à l'étranger pour les utiliser comme locomotives". Une ambition que le président socialiste de Midi-Pyrénées s'était alors empressé de recadrer :

"Il avait imaginé qu'il irait directement d'entreprises en entreprises. Je lui ai expliqué que cela ne se passait pas comme ça, affirme Martin Malvy. Les entreprises savent déjà qui appeler à la Région pour trouver un accompagnement. On en aide 300 chaque année pour aller à l'étranger."

Pierre Ménat, qui a remplacé Henry Zipper de Fabiani en Midi-Pyrénées depuis janvier 2015, confirme les directives régionales : "Martin Malvy m'a dit de ne pas refaire ce qui était déjà fait ici par les services de Madeeli et les pôles de compétitivité. La difficulté est donc de trouver une complémentarité entre les services régionaux et ministériels comme France Business et notre action."

Mettre de l'huile dans les rouages

Pour éviter les doublons, les ambassadeurs, qui se voyaient en VRP du Quai d'Orsay auprès des entreprises, se muent en facilitateurs pour les conseils régionaux.

"Quand on a engagé l'amorce d'une coopération avec l'Inde et le Cambodge, il nous a aidé à faciliter les rencontres avec les ambassades de ces deux pays, indique Martin Malvy. Un membre du corps diplomatique peut aussi faciliter les choses avec le corps diplomatique français du pays concerné."

De fait, Pierre Ménat, qui partage son temps entre Paris et la région toulousaine où il a par ailleurs des attaches personnelles, a intégré la chaîne de pilotage pour la coopération régionale. Il était présent en mai dernier lorsqu'une délégation chinoise est venue de la province du Sichuan. Et bien évidemment lors du sommet économique franco-chinois à Toulouse, où on l'a vu discuter entre autres avec Anne-Marie Idrac, la présidente du conseil de surveillance de l'aéroport Toulouse-Blagnac, lors de la soirée d'inauguration du forum.

Son rôle exact : "mettre de l'huile dans les rouages". Grâce à son réseau et à sa connaissance du monde diplomatique, il facilite certaines procédures.

"Lorsque nous avons voulu mettre en place un VIE (Volontariat international en entreprise, NDLR) à Chengdu, il a accompagné le dossier à Paris. Cela aurait été plus difficile sans lui, se satisfait le président de Région. C'est ce rôle qui, dès le départ, m'a paru digne d'intérêt."

Pour autant, Pierre Ménat n'a pas coupé le contact avec les entreprises. "Lorsqu'une entreprise a un problème de réglementation douanière, nous demandons à l'ambassadeur de regarder à Bercy, aux services des douanes, si le problème est réel et comment on peut le régler", expose Martin Malvy.

Outre ce travail d'information, Pierre Ménat, qui fut en poste en Roumanie, en Pologne, en Tunisie, puis aux Pays-Bas, peut faire jouer son réseau. "Dernièrement, une société productrice de gélatine avait un souci avec une mairie au Canada, raconte-t-il. Via notre consul là-bas, nous avons fixé un rendez-vous avec le maire pour régler l'affaire."

Un dispositif utile mais pas déterminant

Utilisé ponctuellement pour "relier les cultures diplomatiques et régionales", "deux mondes qui ne se connaissent pas et s'ignorent", selon Pierre Ménat, le dispositif semble plutôt utile aux régions qui l'ont adopté.

"J'en fais un bilan positif à la condition de ne pas vouloir demander à cette personne davantage que ce qu'elle peut faire, estime Martin Malvy. Si certains présidents de régions ont estimé que la proposition était d'avoir quelqu'un à disposition pour faire un travail de permanent régional, ils se sont trompés d'objectif."

Les futures régions bénéficieront-elles des services et de l'expérience de ces diplomates blanchis sous le harnois ? Rien n'est moins sûr, comme l'indique une source diplomatique au ministère :

"Nous sommes satisfaits du dispositif, indique une source diplomatique au ministère. Les ambassadeurs sont un "atout" supplémentaire pour les régions.

Toutefois, dans un contexte politique marqué par les discussions parlementaires sur la loi Notre (Nouvelle organisation territoriale de la république), qui définira les compétences des régions et les échéances régionales de décembre prochain, le dispositif n'a pas pu être reproduit aussi largement que souhaité. Il devra être adapté de nouveau, le moment venu."

"Je ne sais pas si je vais poursuivre mes fonctions, l'année prochaine, confirme Pierre Ménat. Le dispositif était expérimental. Il pourrait s'arrêter en fin d'année."

Du point de vue du Conseil régional de Midi-Pyrénées, on est prêt à poursuivre l'expérience.

"Si on me consulte, je dirai que c'est un dispositif intéressant, mais pas déterminant, conclut pour sa part Martin Malvy. Ce n'est pas comme ça que nous allons multiplier par deux le commerce extérieur de Midi-Pyrénées. Mais à chaque fois qu'on peut améliorer un petit peu les choses, on gagne. Si beaucoup gagne un petit peu, cela fait beaucoup à l'arrivée."

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