Fusion des régions, la lutte d’influence gagne en intensité

Les nominations des personnalités "préfiguratrices" de la future grande région ont jeté un froid du côté de Montpellier. En effet, le préfet préfigurateur, la rectrice, les directeurs de Pôle Emploi, de l'ARS et de la Drac qui ont été nommés par le gouvernement sont tous Toulousains. Cela donne-t-il un signe sur un regroupement des services de l'État à Toulouse ? Damien Alary, président de Languedoc-Roussillon, et Philippe Saurel, le maire de Montpellier, ont déjà fait passé le message qu'ils n'ont pas l'intention de se laisser faire. Les relations entre les services administratifs des deux régions sont "tendues".
Philippe Saurel, Damien Alary et Martin Malvy le 4 mai à Montpellier

Le débat risque d'être animé ce lundi 18 mai à Toulouse : Damien Alary (président du Conseil régional de Languedoc-Roussillon), Martin Malvy (président du Conseil régional de Midi-Pyrénées), Philippe Saurel (maire de Montpellier) et Jean-Luc Moudenc (maire de Toulouse) se retrouvent tous à l'occasion des Premières rencontres de la nouvelle région organisées par La Tribune-Objectif News et Objectif Languedoc-Roussillon à Toulouse. Lors du premier volet de cet événement à Montpellier le 4 mai dernier, les Montpelliérains ont déjà haussé le ton face au déroulement de la fusion des régions. Entre temps, les opérations lobbying se sont poursuivies.

Des nominations... toulousaines

Le 22 avril dernier, le gouvernement a nommé comme promis un "préfet préfigurateur" de la future région afin de démarrer l'organisation des services de l'État sur ce territoire redessiné. L'enjeu : maintenir un État à la fois proche du citoyen et efficace, dans une région qui double de volume. Il a choisi Pascal Mailhos, le préfet de Midi-Pyrénées. Mais ce n'est pas tout. Concernant l'agence régionale de santé, c'est Monique Cavalier, directrice de l'ARS de Midi-Pyrénées qui a été désignée comme "préfiguratrice" aux côtés de Pascal Mailhos. Pour le rectorat, encore une Toulousaine : la rectrice Hélène Bernard. Idem pour Pôle emploi où Serge Lemaître (directeur de Pôle emploi Midi-Pyrénées) hérite du titre de "préfigurateur". Enfin, c'est également un Toulousain, Laurent Roturier, qui est aux manettes en ce qui concerne la Drac (culture).

Bien que le conseil des ministres ait alors pris soin de préciser que "la désignation de ces préfigurateurs ne prédétermine en aucune façon le choix de l'implantation du service", il semble que le mal soit fait en Languedoc-Roussillon. D'autant que le 27 avril dernier, Toulouse a été choisie comme chef-lieu, provisoire, de la future région.

Pour Damien Alary, pas question de se laisser faire sans rien dire :

"Je ne vois pas pourquoi on essaierait de recentrer tous les services de l'État à Toulouse. Je me battrai pour que l'hôtel de Région soit à Montpellier et que la gouvernance soit partagée entre Toulouse et Montpellier. C'est simple, on peut faire l'accord là-dessus avec Midi-Pyrénées", a-t-il déclaré le 4 mai dernier à Montpellier.

Pour Grégory Martin, responsable de la CFDT 31, "l'État a fait un mauvais choix en nommant tous les 'préfigurateurs' à Toulouse" :

"Symboliquement, il aurait dû faire moitié / moitié. L'État aurait dû faire preuve de plus de tact. Mais au fond, tout cela sera oublié dans 5 ans. La lutte d'influence qui s'engage maintenant est ponctuelle, médiatique, et intéresse uniquement le microcosme politique."

Lutte d'influence

Damien Alary, président du Conseil régional de Languedoc-Roussillon, est clair : il veut des garanties. "Il nous faut des preuves d'amour !" a-t-il lancé au préfet préfigurateur Pascal Mailhos le 4 mai dernier : "Dans mon assemblée, la quasi totalité des membres était contre la fusion avec Midi-Pyrénées. La loi a finalement été votée, je suis républicain, je ne reviendrai donc pas là-dessus, mais à condition que la fusion se fasse d'égal à égal et dans le respect mutuel." Du chantage ?

Pour Jean-Luc Moudenc, le maire de Toulouse, il faut calmer les esprits : "Après les nominations de l'État, on peut comprendre l'émotion de Damien Alary et Philippe Saurel. Mais il ne faut pas s'arrêter à ces nominations et faire le travail de répartition des directions régionales des services de l'État et du Conseil régional."

Et c'est justement à cela que s'attèle Damien Alary. Concrètement, il a revendiqué, le 11 mai, le statut de capitale agricole pour Montpellier au sein de la grande région.

"J'exige l'installation de la future Draaf et de la future Chambre régionale à Montpellier, pour en faire la capitale agricole de la nouvelle région. Il n'est pas question pour moi d'entraver l'union avec Midi-Pyrénées, mais nous ne la réussirons qu'à cette condition."

Le président du Conseil régional demande également la généralisation de la marque touristique Sud de France.

"La marque Sud-Ouest France (créée par les régions Aquitaine et Midi-Pyrénées, NDLR) pourra être gardée en tant que dénomination, mais la seule marque ombrelle de la nouvelle région devra être Sud de France", insiste-t-il.

Sur ce point, le président de Midi-Pyrénées Martin Malvy a réagi le jour même par communiqué de presse et s'y est dit favorable :

"Je pense que la marque 'Sud de France' devrait être reprise et couvrir l'ensemble du territoire", a-t-il déclaré le 11 mai à Toulouse.

Les deux présidents de région auraient déjà discuté ensemble plusieurs fois de ce point, et la déclaration de Martin Malvy peut-être interprétée comme une main tendue, un signe d'apaisement. Chez les proches de Damien Alary en tout cas, le message a été perçu favorablement. En revanche, Damien Alary n'aurait pas prévenu son homologue de son exigence concernant la Draaf et Martin Malvy n'a semble-t-il pas réagi.

Bataille politique

La lutte d'influence utilise aussi l'arme politique. Ainsi, après les nominations du gouvernement le 22 avril, la section héraultaise du Parti Socialiste a lancé un "appel de Montpellier" : il s'agit d'une pétition adressée à François Hollande, dans laquelle on peut lire : "Renforcer une aire métropolitaine au détriment de l'autre serait une erreur, préjudiciable en termes de développement dynamique et d'aménagement durable du territoire (...) Si la capitale devait être fixée à Toulouse, le siège de l'Hôtel de Région devra être à Montpellier pour préserver l'équilibre des centres de décision dans la grande Région." Le document en ligne a recueilli 1 604 signatures de citoyens et militants.

Le maire de Montpellier Philippe Saurel n'hésite pas, quant à lui, à utiliser les grands mots :

"Je propose une résistance politique. Car l'État a toujours derrière la tête une petite idée de notre disparition...", a-t-il dit le 4 mai.

Lors d'une conférence de presse données le 13 avril, cet habitué de la dissidence (il a été exclu du PS en janvier 2014 et se positionne régulièrement comme "l'anti-système") disait déjà : "Je ne suis pas naïf, il faut organiser la résistance de la République d'en bas, celle des citoyens, des maires, des intercommunalités, des conseillers départementaux."

Damien Alary quant à lui s'est entretenu directement, et en tête à tête, avec le préfet préfigurateur en marge de l'événement du 4 mai à Montpellier. Ses proches laissent entendre que "les coups médiatiques de Philippe Saurel" agaceraient passablement Damien Alary.

Certains observateurs pointent par ailleurs la "faible existence politique" de Philippe Saurel et Damien Alary : "le premier a été exclu du PS et le second a succédé au pied levé à Christian Bourquin (décédé le 26 août 2014, NDLR). Ils ont un cercle d'influence assez retreint, et subissent cette difficulté", glisse un observateur attentif.

Pour rappel, Martin Malvy est de son côté le président de région socialiste le "mieux élu" de France et préside le Conseil régional depuis 1998. Jean-Luc Moudenc, maire de Toulouse, a assis sa notoriété au niveau national après avoir remporté en 2014 la mairie au socialiste Pierre Cohen.

Des relations "tendues"

Selon plusieurs sources à Toulouse et Montpellier, les relations entre les services de Martin Malvy et Damien Alary seraient pour le moins "tendues", même si les deux hommes entre eux s'entendent bien. Selon plusieurs sources, les relations seraient même gelées et les contacts suspendus entre différentes administrations depuis les nominations de l'État le 22 avril dernier. Des sources internes évoquent de la "rétention d'information" de la part des services de Languedoc-Roussillon. Des responsables administratifs disent ouvertement que le retard ne pourra pas être comblé et qu'ils ne seront pas prêts pour décembre prochain (date officielle de la fusion, NDLR). Au service communication de Midi-Pyrénées, on assure pourtant qu' "il n'y a pas de gel des relations" et que les travaux de la "gouvernance de préfiguration" (mise en place en février dernier, NDLR) se poursuivent.

Mobilité : Faire confiance (ou pas) à l'État ?

Derrière la question - symbolique - de la future localisation des directions des services de l'État (Direccte, Draaf, Dreal, Drac, etc.) ou du futur Conseil régional, se pose un problème autrement plus compliqué : celui de la mobilité des agents de l'État et des agents territoriaux.

En visite à Toulouse le 16 avril dernier, la ministre de la Décentralisation et de la fonction publique Marylise Lebranchu a répété qu'il n'y aurait pas de mobilité forcée. Une promesse réitérée par le préfet préfigurateur Pascal Mailhos lors d'une réunion informelle avec les organisations syndicales le 6 mai dernier à Carcassonne.

"La CFDT a décidé de faire confiance à Marylise Lebranchu et à Pascal Mailhos, avec qui le dialogue est établi. S'ils trahissent cette confiance, ils entendront parler de nous", affirme Gregory Martin, ajoutant : "Pascal Mailhos a le sens du dialogue social, ce n'est pas le cas dans toutes les régions de France."

Un avis partagé par le maire de Toulouse Jean-Luc Moudenc : "Pascal Mailhos est compétent, on peut lui faire confiance. Il a un grand un sens de l'État mais il faudra aussi être efficace."

Une nouvelle rencontre autour du préfet préfigurateur est prévue le 11 juin à Carcassonne et les Rencontres de la nouvelle région, le 18 mai à Toulouse, seront suivies avec attention.

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