Toulouse et Foix testent mardi les jurys populaires au tribunal correctionnel

Contestée, la réforme du système judiciaire prévoit la présence de jurés populaires dans les tribunaux correctionnels. Toulouse et Foix testeront mardi 3 janvier à 14h ce nouveau dispositif. Odile Barral, juge à Albi et le Bâtonnier de Toulouse livrent leur ressenti.
Les deux premières audiences correctionnelles en présence de jurys populaires auront lieu mardi à Toulouse et Foix

Le premier test grandeur nature aura lieu demain pour les jurés citoyens, appelés à siéger dans les tribunaux correctionnels. Ce nouveau dispositif, basé sur la réforme du système judiciaire entrée en vigueur au 1er janvier 2012 et réservé pour l'heure aux cours d'assises, sera testé jusqu'en juin : s'il est jugé concluant, il sera étendu aux autres tribunaux correctionnels français. Concrètement, deux citoyens assesseurs siègeront auprès de trois magistrats professionnels et seront amenés à se prononcer sur des délits graves d'atteintes aux personnes.

À Toulouse, 65 personnes ont été tirées au sort à partir des listes électorales pour devenir des "citoyens assesseurs" et ont suivi une journée de formation théorique. "C'est beaucoup trop peu, estime Odile Barral, juge à Albi et secrétaire nationale du syndicat de la magistrature. Les audiences en correctionnelle sont très techniques, avec des problèmes de procédure... Ce n'est pas suffisant pour être à l'aise et pour tout comprendre. Cela montre qu'on ne respecte pas les gens à qui on va demander de juger."

L'idée, lancée par Nicolas Sarkozy en septembre 2010, a en effet soulevé de nombreuses protestations dans les rangs des magistrats. Pour Odile Barral, le problème ne vient pas de l'implication des citoyens dans le jugement des affaires mais de la "démagogie qui veut que les citoyens seront plus sévères. Encore faut-il prouver que la justice est laxiste alors qu'il n'y a jamais eu autant de monde en prison".

Elle évoque également les difficultés de mise en application d'une telle loi. "Dans la pratique, nous ne comprenons pas pourquoi cette réforme intervient alors que le système judiciaire n'arrive pas à remplir sa mission. Le jugement des affaires ne pourront que prendre plus de temps. Il faudra au moins doubler le temps des audiences. Soit les délais seront plus longs, soit il faudra plus de magistrats pour ces audiences au détriment d'autres services, avance-t-elle. Ou alors, il faut accepter que l'on juge moins d'affaires ce qui va à l'encontre de la logique productiviste que l'on demande à la justice."

Une préoccupation partagée par le Bâtonnier de Toulouse Pascal Saint-Geniest. "On sait les contraintes budgétaires de l'État en général et de la justice en particulier. Dans l'ordre des priorités, je ne pense pas que ce soit la plus urgente, confie-t-il. Je ne suis pas enthousiaste mais pas totalement contre. L'autre réserve que j'émets, c'est que cette loi a été décidée dans l'émotion d'un faits divers horrible, l'affaire Laëtitia. Selon moi, ce n'est pas dans l'émotion que l'on change la loi."

Mais Me Pascal Saint-Geniest trouve cependant un bon côté possible à cette loi. "Je pense que nos concitoyens devraient ainsi mieux comprendre la difficulté de juger et la responsabilité que cela implique. Juger, c'est peser le pour et le contre entre une sévérité excessive et une indulgence qui le serait tout autant. Ceux qui participeront à l'expérience pourront voir que juger n'est pas facile".

Paul Périé

Photo © Rémi Benoit

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