À Toulouse, la centrale EDF du Bazacle offre une vue imprenable sur la Garonne. Depuis l'ouvrage hydroélectrique, impossible de ne pas remarquer le niveau d'eau extrêmement faible du fleuve. Une caméra installée sur le toit de la centrale permet de suivre en temps réel son débit. Après deux mois caniculaires, la Garonne a atteint ces dernières semaines son seuil le plus bas depuis 60 ans en été. "Le débit est descendu jusqu'à 30 m3 par seconde. Et pourtant, nous avons injecté depuis début juillet jusqu'à 40% de l'eau présente dans la Garonne", relève Jean-Michel Fabre, vice-président du conseil départemental de la Haute-Garonne en charge de la transition écologique.
La moitié des réserves d'eau potable déjà utilisées
Dès le 9 juillet, le Syndicat Mixte d'études et d'aménagement de la Garonne (SMEAG) a commencé à puiser dans les réserves d'eau potable issues des lacs hydroélectriques gérés par EDF dans les Pyrénées.
"25 millions de mètres cubes d'eau ont été mobilisés sur le seul mois de juillet, soit le double de ce qui n'a jamais été utilisé, pointe l'élu. La priorité était de préserver les usages, sans quoi les rendements agricoles auraient été nettement réduits. Certaines cultures étaient plus avancées que d'habitude en raison de la sécheresse et ont eu besoin d'eau plus tôt. Les activités industrielles auraient également été très impactées par des restrictions d'eau."
Mais à partir du mois d'août, la sécheresse s'éternisant, les autorités ont voulu conserver des réserves d'eau potable pour tenir jusqu'à l'automne. D'où le début de restrictions (pas d'arrosage du potager la journée ni de remplissage des piscines). Malgré ces mesures, 39 millions de m3 de réserves d'eau ont été utilisés depuis le début de l'été, soit plus de la moitié du stock disponible.
De quoi donner aux Toulousains un aperçu de la pénurie d'eau qui est à craindre dans les décennies à venir en raison du réchauffement climatique. Une étude prospective réalisée par l'Agence de l'eau Adour-Garonne entre 2011 et 2013 avait révélé qu'en l'absence de mesures fortes d'adaptation et de préservation des ressources naturelles, les débits naturels d'étiage seront en moyenne réduits de moitié pour le bassin de la Garonne à l'horizon 2050.
"Avec l'accélération du réchauffement climatique, nous pouvons craindre ce scénario dès 2035 voire 2032 au lieu de 2050. Il y a urgence à accélérer dès maintenant sur cette problématique et le Département veut être chef de file sur ce sujet", indique Georges Méric, le président du conseil départemental.
"Pas de baguette magique"
La Haute-Garonne n'a pas attendu la sécheresse de cette année pour se doter d'un plan pour se préparer à faire face au réchauffement climatique et à la multiplication des épisodes de sécheresse. Baptisé Garon'amont, le programme est doté d'un budget de plus de 15 millions d'euros entre 2020 et 2025 autour de 32 actions. "Il n'existe pas de baguette magique mais un patchwork de solutions à mobiliser. Cela passe par la sobriété et les économies d'eau, la possibilité de créer rapidement de nouvelles réserves d'eau potable ou encore la recharge des nappes phréatiques pendant l'hiver", fait valoir l'élu.
En été, 80% de l'eau potable est utilisée par l'agriculture
La Haute-Garonne a également initié un programme d'accompagnement des exploitants agricoles vers des pratiques plus économes. Le département compte 400 exploitations dotées de systèmes d'irrigation et 3.300 utilisant les eaux pluviales. À elle seule, l'agriculture prélève 80% de l'eau potable disponible sur le bassin de la Garonne sur les mois de juillet et d'août, au moment où la ressource vient le plus à manquer (mais uniquement 10% de l'eau potable sur l'ensemble de l'année).
Parmi les pistes envisagées pour réduire la voilure : la couverture de sols pour favoriser le stockage de l'eau, l'adoption de pratiques de rotation des cultures ou de nouvelles espèces ou encore le recours à une irrigation sous pilotage technique à l'aide de capteurs. "Les sondes nous permettent de prédire la consommation d'eau sur les cultures. Mais encore une fois, la technologie n'est qu'une solution parmi d'autres à mobiliser", conclut Jean-Michel Fabre.
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