Un revenu universel d'existence, pour quoi faire ?

Docteur en sciences politiques et maire socialiste d'Ambilly (Haute-Savoie), Guillaume Mathelier était de passage à Toulouse cet été pour présenter le revenu universel d'existence. Quel montant ? Quel objectif ? Interview sur un thème qui pourrait devenir central dans la campagne présidentielle qui s'annonce.
Guillaume Mathelier, élu socialiste et spécialiste du revenu universel.

Pourquoi un revenu universel d'existence ?

Nous naissons tous libres et égaux en droits. Dès le départ, il faut réunir au maximum les conditions socio-économiques pour permettre d'assumer ces droits.

Certains disent que l'on ne touche des salaires que lorsqu'on travaille. C'est faux, les revenus ne viennent pas uniquement du travail. Le revenu du capital n'est pas un revenu du travail, par exemple. Je pense qu'on a trop intériorisé le pêché originel : la femme enfantera dans la douleur et l'homme gagnera son pain à la sueur de son front. Mais quand le travail vient à manquer avec la robotisation et l'automatisation, que fait-on ? Met-on au ban de la société tous ceux qui ne pourront pas travailler ? Aura-t-on une caste de chômeurs et une caste de travailleurs ?

Sur quoi se base le revenu universel que vous défendez ?

Je défends une vision égalitaire qui permet à tout le monde d'être au même niveau symbolique de départ et de garantir deux besoins fondamentaux : se loger et se nourrir. C'est le premier pilier que j'appelle l'égalité des dotations initiales, et qui correspond à l'idée de la recherche d' "une existence bien vécue".

Il y a un deuxième pilier : l'équité. Parler d'équité revient à parler d'une compensation réglementaire des injustices, notamment territoriale. Le coût de la vie par exemple, est différent dans la Creuse, à Toulouse ou en Haute-Savoie. Avoir le même revenu dans ces différents départements crée des inégalités car le pourcentage lié au toit et à l'alimentation est différent en valeur absolue. Une part complémentaire et équitable s'ajoutera au revenu de base pour compenser les différences sur la base d'outils statistiques bien identifiés.

Il faut aussi - et c'est le troisième pilier - un capital d'émancipation. Le but du capital d'émancipation est de permettre à l'État d'être bienveillant à l'égard de ses enfants et d'être anticipateur. L'idée est d'ouvrir dès la naissance un compte public doté de 200 à 300 euros par mois jusqu'à 18 ans. Ce compte serait accessible à la majorité à condition de rendre un service civique à la nation. Cela créerait du ciment social.

Cette somme maximale de 64 800 euros donnerait un coup de pouce initial aux jeunes de 18 ans qui devraient alors préparer leur projet de vie avant la majorité. Passer des diplômes, monter une entreprise, créer un projet artistique : l'État devrait être assez neutre dans les choix des uns et des autres. Cela aurait comme effet de rassurer les jeunes et leur permettre de se projeter sur leur avenir. Si vous savez que vous avez un toit, de quoi vous nourrir et un peu d'argent pour financer son projet, vous le faites. Sinon, il faut galérer et le projet n'avance pas.

L'État social et anticipateur récupèrerait des intérêts sur ces sommes avant qu'elles ne soient débloquées. Voilà les trois piliers de la justice distributive que je défends.

À quel montant fixez-vous le revenu universel d'existence ?

Environ 700 euros par mois pour la part égalitaire. Cela doit s'accompagner d'une réforme fiscale ambitieuse où l'on individualise l'impôt, on augmente sa progressivité et on fusionne ou allège certains dispositifs.

Quel serait l'investissement de ce revenu à l'échelle du pays ?

Je n'ai pas calculé le coût global de ce système car je suis théoricien politique et non économiste. C'est une de mes limites actuelles. Je vais travailler avec des économistes pour apporter plus de réalité à cette proposition.

La fondation Jean-Jaurès a fixé un revenu universel à 750 euros en supprimant un certain nombre d'aides. Sur nos projections, il est tout à fait possible de mettre en place ce revenu universel d'existence. Les administrations de contrôle seraient enlevées. Le RSA supprimé. Il y a des questionnements sur les APL et la CAF. Les remboursements de soins en revanche doivent rester comme tels.

Ce revenu implique donc la disparition des aides sociales ?

Les détracteurs disent qu'on détricote le système social, mais cela se fait déjà car notre mécanisme de redistribution est basé sur le travail. Or, quand le travail vient à manquer, les comptes publics sont déséquilibrés. Et on nous annonce davantage de chômage dans les années à venir, notamment à cause de la robotisation. Le robot pourrait d'ailleurs cotiser via un mécanisme fiscal car la valeur ajoutée gagnée par la machine sur l'être humain doit retourner dans le lien social. Le progrès technologique doit nourrir le progrès de l'humanité sinon nous sommes condamnés à moyen terme.

Partant du principe que nous sommes tous responsables des destructions d'emplois à travers nos comportements quotidiens, il faut une micro taxe sur toutes les transactions financières.

Comment sont perçues vos propositions au Parti Socialiste ?

Quand j'en parlais il y a 4 ou 5 ans, cela n'intéressait personne. Maintenant, je pourrais aller les présenter chaque semaine. Cela mobilise les énergies car on se rend compte que le modèle est en train de bouger et que le socialisme est à bout de souffle sur le plan idéologique.

Lorsque j'ai présenté cette idée devant le secrétariat national du PS Jean-Christophe Cambadélis, il a dit que si on ne se posait pas cette question, les libéraux le feraient à notre place. S'ils arrivent au pouvoir, ils feront un revenu minimum de base de 400 euros en enlevant toutes les aides et en cassant le modèle social.

Suite au débat qui a été organisé, il a dit aussi qu'il n'avait jamais vu un tel niveau d'échanges depuis la loi sur les 35 heures. Ce dispositif est une porte d'entrée pour changer la société sur les biens communs (l'eau, l'air, l'éducation, etc.) et leur gratuité. Il pose la question d'une réforme institutionnelle, plus intelligente, plus décentralisée, avec des collectivités locales plus impliquées dans la connaissance de leur territoire. Et puis, cela appelle une réforme de la place de l'État qui doit se mettre dans une posture plus bienveillante, c'est-à-dire, de placer à égale valeur les projets des uns et des autres. Comme le développe le philosophe américain Ronald Dworkin, cela devrait être vertu souveraine, la priorité des priorités de l'État.

Votre idée pourrait-elle être reprise par un candidat socialiste à la primaire ?

Pourquoi pas ! Je sais qu'on s'y intéresse en partie du côté de l'Élysée. Je dis aux camarades du parti : quelle est la dernière idée qui a fait rêver du monde chez nous ? De quoi parle-t-on ? Comment convaincre un jeune de 18 ans d'adhérer au Parti socialiste ? Là, on sent qu'il y a la possibilité de défendre un projet de société clivant.

Vous n'avez pas peur d'être instrumentalisé dans la perspective de la présidentielle ?

J'ai passé l'âge de me faire instrumentalisé, mais je sais bien qu'il n'y a pas que des gentils dans ce monde là. Je sais aussi que le PS a décidé d'ouvrir le sujet car il sent qu'il y a quelque chose qui peut nous échapper. Le député Christophe Borgel l'a dit à Toulouse : il n'est pas d'accord avec tout ce que je propose, mais "si on ne se pose pas cette question, sur quoi le fait-on ?". Si tout le monde pouvait faire preuve de la même ouverture d'esprit, cela amènerait un très bon débat.

C'est une bouffée d'oxygène idéologique pour le PS ?

Absolument. Et je le sens moi-même car avant on me renvoyait dans les cordes alors que maintenant à Toulouse, Orléans, Cercy-Ponthoise, les militants me disent que cela fait du bien car cela fait longtemps qu'on avait pas débattu.

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Commentaires 2
à écrit le 09/09/2016 à 22:25
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la mise en place d'un revenu universel est la seule chance pour Francois HOLLANDE d'avoir un espoir pour 2017. C'est une mesure courageuse à mettre en place et une espèce de va-tout pour notre président. Mais il faut que cette promesse soit absolumen...

le 10/09/2016 à 3:25
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ca ne fera que des assistés de plus et nous paierons un peu plus d impots

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