Beeguard démocratise la captation de données au secours des abeilles

La startup toulousaine Beeguard produit des capteurs qui permettent de récupérer des données provenant des ruches d'abeilles. L'entreprise est capable de sécuriser les exploitations et de caractériser l'environnement des ruchers via l'analyse du comportement des abeilles. Cinq ans après son lancement, elle recherche un million d'euros pour poursuivre son développement.
Dans la main gauche de cet apiculteur, une partie des capteurs de la société pour récupérer des données sur les ruches.
Dans la main gauche de cet apiculteur, une partie des capteurs de la société pour récupérer des données sur les ruches. (Crédits : Beeguard)

Pendant des décennies, les apiculteurs n'ont eu que leurs yeux pour surveiller leurs ruches. Mais depuis quelques années, les outils technologiques pour garder un oeil sur les abeilles se sont multipliés. Fondée en 2016, la startup toulousaine Beeguard a d'abord développé des capteurs pour sécuriser les ruches (contre le vol, par exemple) avant d'étendre leur usage à l'analyse du comportement des abeilles. L'anti-vol avait été conçu à l'origine pour détecter les vols de ruches. Il est désormais aussi utilisé pour surveiller la ponte de la reine via la température et l'hydrométrie, par exemple.

Mais l'avenir de l'entreprise prend un tournant en 2019. Le fondateur et ses quatre salariés se rendent compte que les données comportementales des abeilles que la société collecte chaque jour peuvent être utilisées pour caractériser l'environnement dans lequel elles se trouvent via d'autres capteurs. Autant de données utiles pour lutter contre la surmortalité des abeilles (actuellement le taux de mortalité est proche de 30 à 35%).

La captation de données au service de la biosurveillance

L'idée émane d'une demande d'agriculteurs. Ils sont à la recherche d'une solution technologique leur permettant de valoriser leurs actions et de justifier leurs efforts faits en termes de biodiversité (plantation de haies par exemple). Pour pouvoir bénéficier d'aides financières, ils doivent être en capacité de fournir des preuves comme c'est par exemple le cas avec la politique agricole commune. Christian Lubat, le fondateur de Beeguard, écoute leur requête et s'en inspire.

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 Christian Lubat, le fondateur de Beeguard. (Crédits : Beeguard)

"Une abeille a une activité, une santé, qui dépend de la qualité de son environnement. Nous avons donc adopté une vision beaucoup plus large, une vision systémique de l'environnement des abeilles" explique Christian Lubat, fondateur de Beeguard.

L'équipe décide alors de la mise en place de ruches témoins qui sont équipées de capteurs et sont implantées à différents endroits (champs, exploitations viticoles...). Une fois le comportement des abeilles dans ces différents ruchers analysé, la qualité de l'environnement peut en être déduite. Il ne reste qu'à en tirer des actions à mettre en oeuvre pour améliorer la pérennité des colonies. Dès lors, de nombreuses entités engagées dans des actions de renforcement de la biodiversité se montrent intéressées : agriculteurs, entreprises, pouvoirs publics et scientifiques veulent profiter de la solution, et plus seulement les apiculteurs.

"Des chercheurs ont déjà demandé à nos clients apiculteurs de partager leurs données pendant un an pour alimenter leur base de connaissance. Plus récemment, nous avons lancé des projets de recherche avec l'INRAE d'Avignon ou encore le CNRS (CRCA à Toulouse)", explique Christian Lubat.

Le système informatique de l'entreprise permet effectivement aux apiculteurs de partager leurs données avec un tiers à condition qu'ils donnent leur accord.

Des données utiles pour la recherche et le développement

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Des salariés de l'entreprise observent un jeu de données issue d'un rucher. (Crédits : Beeguard)

"Si on mettait ces données en libre accès, même pour faire avancer la recherche, ce serait assez dramatique pour eux", fait remarquer le dirigeant. Il indique par ailleurs ne pas les revendre car celles-ci contiennent des informations très précises sur chaque exploitation : l'emplacement des ruchers, leurs performances ou leur façon de travailler.

Raison pour laquelle la R&D n'a pas été externalisée. Christian Lubat sait qu'il doit garder la main sur ses innovations et sur les données de ses clients. D'abord pour assurer leur sécurité, et ensuite parce qu'elles sont indispensables au développement de futures solutions.

"C'est pour ça que c'était très important d'internaliser. Quand on part de rien, les travaux sur le traitement de données sont relativement longs à mettre en œuvre car il nous faut d'abord posséder beaucoup de données. Au début, nous avons donc travaillé essentiellement sur l'amélioration des capteurs. Mais aujourd'hui, la tendance s'est inversée et la grosse partie de la volumétrie des travaux de R&D se fait sur le traitement de données", explique-t-il.

Pour preuve, l'un des futurs produits de Beeguard (un compteur d'abeilles) aura la particularité d'embarquer lui-même de l'intelligence artificielle. D'autres sont en cours d'élaboration et serviront à "combler les trous dans la raquette" de données. Ainsi en cinq ans, la solution Beeguard a devancé celles de ses concurrents européens parce qu'elle a été construite en tenant compte des nouvelles demandes des apiculteurs.

Des produits destinés à mieux gérer les exploitations

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L'antivol de la société est positionné directement à l'intérieur des ruches. (Crédits : Beeguard)

Quelques années après le lancement de l'entreprise, les professionnels de l'apiculture font par exemple savoir à Christian que la visualisation de données n'est pas suffisante.

"Nos clients nous ont dits qu'ils avaient besoin de données leur permettant d'avoir une vision plus globale. Notre solution manquait d'informations de contexte. Si le poids mesuré par la balance augmentait, il fallait que l'on arrive à savoir si c'était à cause de la neige ou du miel !", explique le dirigeant.

Progressivement, les produits Beeguard s'améliorent et permettent aux professionnels de mieux gérer leurs ruchers. Les apiculteurs peuvent par exemple saisir eux-mêmes des informations qui ne sont pas collectées : registres d'élevage, soins sanitaires, évaluations réalisées par l'apiculteur...

L'entreprise est donc capable de sécuriser les exploitations et de caractériser l'environnement des ruchers via l'analyse du comportement des abeilles. Un concept trois en un qui séduit.

Plus d'un million d'euros recherchés

L'entreprise toulousaine est désormais présente dans 14 pays européens avec plus de 4.000 ruches connectées au compteur. Elle a donc acquis une certaine notoriété dans le secteur de l'apiculture. Les années à venir laissent entrevoir une certaine capacité de développement : l'Espagne, le Portugal, la Suède, le Danemark, la Belgique et la Suisse sont dans le viseur du dirigeant de Beeguard. En comptant la France et l'Italie, 50% des apiculteurs professionnels européens sont situés dans ces pays-là selon Christian Lubat.

Jusqu'ici portée par le soutien de la BPI et de la région Occitanie dans le cadre de son développement, Beeguard souhaite désormais voler de ses propres ailes via le soutien des utilisateurs de la plateforme Epargne Occitanie. Elle espère pour cela réunir 250.000 euros qui serviront à accélérer son développement en Europe. Avec OCSeed et des fonds institutionnels, elle recherche un million d'euros supplémentaires. De quoi lui permettre de continuer à accroître son chiffre d'affaires, qui de 210.000 euros pour l'exercice 2020/2021, devrait atteindre les 400.000 euros l'an prochain.

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