Toulouse se rêve en cité des startups

La Ville rose figure toujours parmi les métropoles françaises les plus attractives pour les porteurs de projet. Formations, financements, accompagnements… la capitale occitane foisonne d’initiatives, qu’il reste tout de même à structurer.
Toulouse est toujours classée parmi les villes françaises où "il fait bon innover".

Le constat met tout le monde d'accord : A Toulouse, le monde de l'entrepreneuriat est en pleine effervescence. Une dynamique qui tourne autour d'un anglicisme, entré au Larousse : « startup ». En amorçage, en accélération, essaimées, ou en hypercroissance... l'écosystème foisonne. Le cabinet de veille économique Trendeo place ainsi dans son  classement publié ce jeudi 28 septembre la Ville rose comme deuxième ville de France (après Paris) ayant créé le plus d'emplois grâce à ses jeunes pousses. Ce printemps, c'est le magazine Forbes qui positionnait la capitale occitane parmi « les villes françaises où il fait bon innover et qui présentent un fort potentiel ».  A Toulouse, ville labellisée French Tech dès 2014, l'univers startup bouillonne.  La Tribune en a déjà recensé 200 dans son Startupper consacré à cette métropole et sa région.  « C'est une lame de fond », confirme la présidente du directoire d'Irdi-Soridec Gestion, acteur de référence sur la marché du capital-investissement régional. Concrètement, ses services ont comptabilisé en Occitanie « une hausse de 86% des montants investis dans des startups en 4 ans... Avec un total de 210 millions d'euros d'investissement en 2016 - uniquement sur de l'amorçage et le capital risque, ce qui sur ce point en fait la deuxième région de l'Hexagone après l'Ile-de-France. »

 Une multitude d'initiatives

Un bel envol, amorcé voilà quelques années. « Le mouvement Startup est un vrai phénomène sociétal, qui a germé au début des années 2000 », analyse Servane Delanoë, professeur en entrepreneuriat à Toulouse Business School. Selon elle, la Ville rose possède un terreau particulièrement propice aux jeunes pousses :

« Les six composantes essentielles y sont réunies ! Une volonté forte des pouvoirs publics, des sources de financement, des organismes d'accompagnement, un capital-humain avec une offre de formation pertinente, des marchés - avec des donneurs d'ordre prêt à alimenter des startups, et enfin une culture ».

Le succès de Sigfox, spécialisé dans l'Internet des objets, et sa levée de fonds à 150 millions d'euros l'année dernière ont tué la peur de l'échec... De quoi multiplier les vocations. « Le nombre d'entreprises identifiées par notre sourcing a doublé ces quatre dernières années », chiffre Patrice Cazalas. Le délégué général de Capitol Angels, le club toulousain de business angels, constate « un vrai engouement pour la création d'entreprise, même si beaucoup s'autoproclament startup sans vraiment en être ». D'où parfois la nécessité de redéfinir le concept ! « On parle là d'une société qui a un business model profitable, répétable, et qui va pouvoir faire de l'hypercroissance », rappelle Bastien Ingweiller, CEO du startup studio JVF Agency. « L'innovation peut être technologique, mais aussi parfois commerciale ou relever des usages... c'est le plus souvent elle qui permet  la croissance. Mais une bonne idée ne vaut rien sans une bonne exécution », précise-t-il.

 Des milliards pour la recherche

A la source de l'écosystème toulousain se trouvent donc la formation et la recherche. « D'un côté, nous avons la mise en place dans l'enseignement supérieur de double-cursus étudiant-entrepreneur ou ingénieur-entrepreneur, indique Christophe Nicot, le directeur de l'agence régionale de développement économique Madeeli. De l'autre, des sociétés d'accélération du transfert de technologies (SATT) détectent, financent et maturent des technos susceptibles de trouver un marché ». L'Occitanie, terre d'innovation ? L'Insee ne dit pas le contraire. La région est « à la pointe en matière de recherche et développement (R&D), seule de France à atteindre l'objectif Europe 2020 », note l'Institut. Selon ses statisticiens, près de 5,6 milliards d'euros sont consacrés à ce secteur, ce qui en fait la championne de France pour la part du PIB (3,7%) consacré à  la R&D. Un effort porté à 60% par les entreprises relève l'Insee... et avant tout par la construction aéronautique et spatiale. Plus de la moitié de la dépense privée proviendrait de ce secteur, véritable pilier toulousain qui joue son rôle à plein dans l'écosystème startup. L'Airbus Bizlab, accélérateur spécialisé dans l'accompagnement de projets liés à l'aéronautique a ainsi déjà boosté 29 entreprises.

 Des clusters dynamiques

Une structure inaugurée en 2015, qui complète un environnement très, très riche. La Cantine, Ekito, Le Connected camp, Village by CA, Momentum, Incubateur Midi-Pyrénees, Première brique... Qu'il s'agisse d'incubateurs, d'accélérateurs, de pépinières, de tiers-lieux ou d'espace de coworking, les initiatives - privées comme publiques - se multiplient. Le Startupper de La Tribune dénombre ainsi une quarantaine de structures d'accompagnement dans l'agglomération toulousaine.

Une Cité des Startups va également bientôt enrichir l'écosystème. La région Occitanie a en effet annoncé sa volonté d'acquérir 10 000 m2 des anciennes Halles Latécoère pour y accueillir notamment un incubateur et « à terme une centaine de startups » selon sa présidente, Carole Delga. Le conseil régional est également l'un des plus forts soutiens de l'IoT Valley, basée au Sud-Ouest de Toulouse. Formé autour de Sigfox et de l'Internet des objets, ce cluster regroupe déjà près de 600 personnes et compte en accueillir 2000 grâce à l'extension du site, attendue pour 2019-2020. Cette vitalité ne manque pas d'attirer les grands comptes, comme l'Allemand Continental, qui a choisi Toulouse pour implanter son nouveau centre de R&D - avec au moins une centaine d'embauches à la clé - dédié à la voiture connectée et autonome. Ou encore Renault, qui vient d'y inaugurer son nouveau centre de recherche tourné vers les mêmes technologies.

« C'est aussi autour de ces grandes entreprises et de leurs centres de recherche que des startups naissent. Il y a une réelle dynamique de territoire », sourit le président de la CCI d'Occitanie Alain Di Crescenzo.

« Avec l'IoT Valley, le véhicule autonome, ou encore évidemment l'aéronautique... L'écosystème toulousain prend une nouvelle dimension, une ampleur mondiale, avec des pôles qui s'adressent à un marché mondial », complète le directeur de Madeeli, Christophe Nicot.

Un environnement à structurer

Un écosystème qui a tout de même ses limites. Si la multitude d'initiatives crée une vraie émulation, face à ce foisonnement les porteurs de projets ont parfois du mal à trouver leur chemin.

« Certaines startups peinent ainsi à grandir car l'environnement toulousain manque de lisibilité et n'est pas assez structuré », juge le directeur et cofondateur de l'espace de travail partagé At Home, Arnaud Thersiquel.

« De vieilles guerres de clocher empêchent qu'un leadership s'installe », complète le dirigeant. Le président de la CCI Occitanie, Alain Di Crescenzo, ne nie pas non plus certaines faiblesses : « Notre écosystème est assez éclaté. Cela lui donne de l'agilité mais disperse les énergies. Nous gagnerions à avoir des structures de gouvernance communes, cela éviterait certains doublons. » La mise en place du programme French Tech Toulouse « a déjà permis pour la première fois de réunir le public, le privé et les entrepreneurs » nuance son directeur délégué, Philippe Coste.

 Les choses se corsent également quand il s'agit de lever plusieurs millions d'euros. Du côté des investisseurs, Patrice Cazalas, de Capitole Angels pointe lui aussi « un manque de leadership ». « Les acteurs régionaux de l'investissement évoluent actuellement dans le bon sens, et se coordonnent de manière spontanée, informelle, explique-t-il, car Toulouse est un village. Mais pour aller plus loin nous avons besoin qu'un leader soit reconnu comme tel dans notre écosystème et qu'il soit suivit quand il bouge. C'est un cap à passer.  »

« La structuration  de notre secteur se fera naturellement », considère de son côté Corinne d'Agrain. Certains acteurs sont conscients de l'enjeu et y travaillent. « Nous avons à mener une vraie collaboration avec les autres acteurs de l'écosystème, reconnaît ainsi Cédric Mallet, directeur de l'accélérateur Numa qui s'installe cet automne à Toulouse. L'essentiel est de travailler à optimiser les chances de réussite d'un projet, et de ne pas à tirer la couverture à soi. »

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