Ces startups régionales qui inventent l'alimentation du futur

Microalgues, pâtes aux insectes, emballages comestibles... Dans la région toulousaine, l'alimentation du futur se prépare dès aujourd'hui. Plusieurs startups se sont lancées dans d'ambitieux projets de R&D pour trouver des alternatives à la viande, aux produits laitiers ou aux emballages plastiques dans l'alimentation. Tour d'horizon de ces projets innovants et analyse d'un chercheur du CNRS spécialisé dans l'alimentation du futur.

"D'ici 5 à 10 ans, les protéines végétales auront envahi nos assiettes", prédit Philippe Stefanini. Depuis des années, ce docteur en anthropobiologie rattaché au CNRS (ainsi qu'à l'ADES et l'AMU) parcourt le globe à la recherche de nouvelles protéines alimentaires. Chine, Australie, États-Unis, Inde... Dans ces pays, les innovations se multiplient pour trouver des alternatives à la consommation intensive de viande.

"Il existe aujourd'hui une quête pour l'alimentation durable. Elle doit allier un très bon rendement agricole (le rapport entre les quantités d'eau utilisées sur une surface donnée et la production agricole réalisée, NDLR), limiter l'usage de produits phytosanitaires mais aussi produire des aliments à haute valeur nutritionnelle et bons au niveau du goût", estime-t-il.

Dans la région toulousaine, plusieurs sociétés sont positionnées sur ce marché prometteur. Basé à Revel, le groupe Nutrition & Santé est aujourd'hui leader européen du marché de la diététique et de l'alimentation biologique. Fondé en 1972, la société produit notamment des galettes végétales à base de tofu (soja), des aliments sans gluten et a lancé la culture du soja non OGM pour l'alimentation humaine dans 200 exploitations agricoles de Midi-Pyrénées.

De son côté, le boulanger toulousain Glouton Frais a mis au point le premier pain français sans gluten ni produits laitiers. "Le gluten, présent dans la farine de blé (et qui permet au pain de ne pas s'émietter), est remplacé par un mélange de farines. Des graisses végétales sont ajoutées à la place du lait", explique ainsi la présidente de la société Christine Buscailhon.

Alg&You veut une filière régionale des microalgues

(Crédits : Alg&You)

D'autres startups toulousaines vont plus loin. À l'image de la jeune société Alg&You, qui est a inventé la phytotière, un appareil permettant de récolter chez soi de la spiruline. Cette microalgue, qui fournit deux fois plus de protéines que le soja, est déjà utilisée comme alternative à la viande dans les pays en développement.

"La spiruline peut être intégrée dans des préparations culinaires sucrées ou salées : tapenade, compote, sauce pour les pâtes, explique Georges Garcia, cofondateur d'Alg&You et président de la Voie Bleue, association de promotion de la spiruline. Mais, à terme, la pâte de spiruline pourrait devenir un ingrédient de consommation courante pour remplacer les œufs. Elle détient plus de protéines que l'œuf et moins de matière grasse."

Autre avantage, la spiruline est moins gourmande en eau. "Sur un hectare de surface agricole, on peut produire 18 tonnes d'algues contre 400 kilos seulement de viande bovine. Et la production de spiruline demande 20 fois moins d'eau que la production animale", relève Philippe Stefanini. Aujourd'hui, pourtant, on compte seulement 4 à 5 producteurs de spiruline dans la région toulousaine et une centaine en France. "Avec la Voie Bleue, nous aimerions développer une filière régionale de la spiruline avec la mise en œuvre de circuits courts entre producteurs et restaurateurs", complète Georges Garcia. Par ailleurs, d'ici deux mois, la startup Alg&You va mettre ses appareils à disposition de deux restaurateurs toulousains. Principal défi : trouver de nouvelles recettes à base de microalgues pour introduire ces nouveaux aliments dans l'assiette des consommateurs.

Des projets très innovants, même si pour le chercheur Philippe Stefanini, "la France est en retard concernant le déploiement de protéines végétales. Au sein de la Silicon Valley, le soja, c'est déjà dépassé. On se dirige davantage vers des aliments comprenant un cocktail de différentes protéines et vitamines (piment, microalgues, pois)."
C'est le chemin emprunté par la société américaine Beyond Meat, qui commercialise un steak 100 % végétal composé de protéines de pois, de paprika et d'un mélange de végétaux (brocoli, tomate, carotte, oignon).

Micronutris mise sur les insectes

micronutris

(Crédits : Micronutris)

Autre piste testée par la startup toulousaine Micronutris : se nourrir d'insectes. La FAO (structure des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture) encourage la consommation de ce type d'aliments en raison de leur grande valeur nutritive (riches en graisses, en vitamines, en minéraux et en protéines). Fondée en 2011, Micronutris produit actuellement une tonne d'insectes par mois. Après avoir commercialisé des chocolats à base de poudre de grillon ou des insectes aromatisés, la jeune société se lance depuis l'automne dernier dans des produits grand public. "Nous avons mis au point des barres énergétiques et des pâtes composées de 10 % de poudre d'insectes qui remplace le lactose. À terme, on peut aussi imaginer des steaks à la poudre d'insectes et, plus globalement, toutes les déclinaisons faites avec le soja", explique Vincent Auriol, le fondateur de Micronutris.

CD Fruits, les emballages comestibles

Le Folion de Caroline Cochet

Une alimentation durable, cela passe aussi par une meilleure gestion des déchets alimentaires. Dans le Gers, la société CD Fruits a mis au point des emballages comestibles à base de purée déshydratée de fruits ou de légumes. Ces feuilles alimentaires peuvent être utilisées pour fabriquer des sushis, en feuilles de samoussa ou pour faire office de cornet de glace. Cette innovation alimentaire a séduit de grands chefs à l'image de Michel Bras, le chef trois étoiles basé à Laguiole (12).

Bientôt des aliments imprimés en 3D dans l'espace ?

Enfin, le dernier champ d'innovation alimentaire se concentre actuellement autour de l'impression 3D. Lors du Fablab festival de Toulouse en mai 2015, l'ingénieur américain Anjan Contractor a présenté la première "imprimante alimentaire" concoctant des pizzas en 3D. Le principe : utiliser des poudres comestibles en guise d'encres contenues dans les cartouches (poudre de tomate, d'eau et d'huile, couche de protéine et couche de pâte). Selon son créateur, "sous cette forme, la nourriture va peut-être durer jusqu'à 30 ans". Cette invention est née d'un partenariat avec la Nasa. Il doit permettre aux astronautes de se nourrir différemment dans l'espace mais, à terme, la machine aiderait surtout à faire face aux pénuries alimentaires dans le monde, tout en réduisant les déchets.

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