Les artistes aussi font de bons start-uppers

Réunis à Ekito mercredi 1er avril, des acteurs culturels toulousains se sont familiarisés aux techniques de la start-up. Organisé à l'initiative de l'accélérateur et du cluster Ma Sphère, ce rendez-vous était l'occasion pour ces entrepreneurs culturels de réclamer la reconnaissance de leur poids économique dans la société.
Après le travail en groupe, les projets ont été présenté à l'ensemble des participants

Une salle de cinéma dans un train, une boite à rêve ou un système de vidéo à la demande spécialisée sur les films non diffusés en France. Mercredi après-midi, les cerveaux ont phosphoré dans les locaux du Grand Builder d'Ekito à Toulouse.

"L'idée du jour est de réunir des artistes et de leur faire créer des start-up, explique Benjamin Böhle-Roitelet, cofondateur de l'accélérateur de start-up. Les artistes sont de bons startuppers. Comme les entrepreneurs, ils ont choisi un chemin pas facile. Ils sont concentrés sur leur travail et créatifs. Nous les confrontons à des outils de l'entrepreneuriat qu'ils n'ont pas l'habitude d'utiliser et on va voir ce qu'il en sort."

Gens du théâtre, réalisateurs, musiciens, plasticiens, représentants de la DRAC et de la BPI, une trentaine de personnes ont joué le jeu de cette expérimentation organisée dans le cadre de la semaine de l'industrie. Certains étaient venus avec des idées, d'autres sans. Tous ont répondu à un questionnaire permettant d'établir par exemple le nom du produit, sa valeur, ses cibles, son coût et ses revenus. De ce bouillonnement, trois projets ont émergé : une salle de cinéma dans un train, une boite à rêve ou un système de vidéo à la demande spécialisée sur les films non diffusés en France. Suivi par Ekito "depuis peu", ce dernier projet sera accompagné par l'accélérateur.

Les sociétés culturelles manquent de financements

Cette première à Toulouse s'inspire du forum "Entreprendre dans la culture" organisé à la Gaîté Lyrique à Paris du 25 au 27 mars dernier. Steven Hearn, gérant de la salle parisienne et président fondateur de Scientillo, une agence de développement culturel était présent mercredi à Ekito.

"Il y a 10 ans, les projets qu'on a imaginé aujourd'hui aurait tous été subventionné. Ce n'est plus possible de nos jours, analyse-t-il. Le modèle culturel français n'est pas archaïque mais il se passe du marché. Les artistes ne s'occupent que du projet et pas du marché. La culture française, si elle veut perdurer, doit trouver des solutions pour survivre face aux nouveaux modèles économiques qui arrivent des États-Unis."

Auteur d'un rapport remis à la ministre de la Culture Aurélie Filippetti en juin 2014 sur le développement de l'entrepreneuriat culturel en France, Steven Hearn rappelle que "les sociétés culturelles sont isolées, elles peinent à trouver des financements et elles manquent d'outils comme des accélérateurs par exemple".

"La culture doit être reconnue comme une innovation. Et, en tant que telle, elle doit être financée par la Banque publique d'investissement (BPI). Les collectivités territoriales doivent se saisir de cette question et structurer la filière culturelle. Les pouvoirs publics ont un rôle important pour aider à la création, mais pas au fonctionnement des entreprises culturelles."

La BPI va financer l'innovation non-technologique

Parmi les créatifs, un homme en costume cravate observait les débats avec attention. "Je suis venu voir comment ce secteur fonctionne, sourit Jean-François Rémy, de la BPI. Je me suis mis dans la peau d'un start-upper. C'était une journée très pédagogique."

Depuis le début d'année, la Banque publique d'investissement s'ouvre en effet à l'innovation non technique. "Nous qui finançons l'innovation technologique depuis 1979, nous devons nous forger une approche propre à l'innovation sociale, managériale et culturelle", précise-t-il. La BPI va-t-elle financer des projets culturels ? "La notion de marché est importante car il faut un client payant pour que l'entreprise vive, insiste Jean-François Rémy. Mais, s'il y a une vraie innovation, nous pouvons financer."

La culture financée par la BPI ? Voilà qui ravirait Emily Lecourtois, la président de Ma Sphère, présente mercredi en tant que coorganisatrice de l'événement. Ce cluster regroupant les industries culturelles et créatives toulousaines compte 16 membres à l'heure actuelle. Il milite pour une reconnaissance de la culture comme une industrie à part entière.

"L'objectif est d'avoir par exemple des représentants à la CCI, expose Emily Lecourtois. On dit que la culture est subventionnée, mais d'autres industries le sont autant, voire plus. De plus, comme l'a dit l'ancienne ministre Aurélie Filippetti, à l'échelle de la France, la culture représente 3,2 % du PIB. Autant que l'agroalimentaire ! La culture est un lieu d'innovation qui doit être reconnu comme tel."

Au niveau toulousain, le cluster culturel et Ekito se sont également associés pour développer un incubateur de projets basé sur le parrainage afin de faire émerger les talents créatifs de demain. La président de Ma Sphère lorgne aussi du côté de la French Tech.

"On parle beaucoup de créativité pour la French Tech. Mais, je demande alors : Où sont les artistes et la culture ?, s'interroge Emily Lecourtois. Pour l'instant, c'est inexistant. La culture est encore considéré comme le monde des saltimbanques par les acteurs économiques."

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