Tindair réussit à faire cohabiter des drones dans l'espace aérien près de Toulouse et Bordeaux

Pendant près de trois mois, une trentaine de vols de drones et de taxis volants ont été menés en zone périurbaine et rurale près de Toulouse et Bordeaux. Objectif : montrer que ces nouveaux aéronefs sont capables de partager l'espace aérien avec des hélicoptères ou d'autres engins sans pilote mais aussi tester des atterrissages d'urgence et des changements de trajectoire pour le transport en urgence de médicaments. Mené par un consortium européen de 11 laboratoires et entreprises et chapeauté par la PME toulousaine Innov'ATM, le programme Tindair prépare déjà un projet plus ambitieux pour les prochaines années.
Le taxi volant espagnol U-Miles a participé à des scénarios de conflits d'usage de l'espace aérien en zone périurbaine près de Toulouse et Bordeaux.
Le taxi volant espagnol U-Miles a participé à des scénarios de conflits d'usage de l'espace aérien en zone périurbaine près de Toulouse et Bordeaux. (Crédits : Tindair)

Faire atterrir en urgence un drone à proximité de la Garonne à Blagnac, tester le transport de médicaments par drone au-dessus de la campagne tarnaise ou encore faire cohabiter dans le ciel en même temps des drones de toutes tailles et des hélicoptères au-dessus de l'estuaire de la Gironde près de Bordeaux puis en zone rurale depuis un terrain d'essais de l'Onera au sud de Toulouse... Voici un aperçu de la trentaine de vols de démonstrations qui ont été menés en zone périurbaine et rurale depuis le mois de juillet dans le cadre du programme Tindair.

Derrière cet acronyme (qui signifie Tactical Instrumental Deconfliction And in flight Resolution), il y a un projet porté depuis deux ans par un consortium de 11 laboratoires et entreprises chapeauté par la PME toulousaine Innov'ATM pour tester à grande échelle l'insertion de drones et de taxis volants dans l'espace aérien. Tindair fait partie de la demi-douzaine de projets sélectionnés dans la deuxième vague du programme de recherche européen Sesar visant à fournir à l'Europe des systèmes performants de gestion du trafic aérien afin de moderniser les systèmes actuels. Sur les quatre millions d'euros du projet, trois millions ont été couverts par les subventions européennes.

Innov'ATM, pionnier dans l'optimisation du trafic

Fondée en 2014, Innov'ATM avait déjà imaginé un logiciel capable de mieux anticiper les arrivées et les départs des avions sur les tarmacs d'aéroports. Les services d'optimisation de la PME (qui compte Aéroports de Paris parmi ses actionnaires) sont utilisés au sein des aéroports de Bâle-Mulhouse et de Nantes ou encore par la direction des services de la navigation aérienne (DSNA). « Nous avions déjà une plateforme opérationnelle et nous fournissons déjà des services à l'aviation civile française pour la gestion des vols commerciaux. Avec Tindair, nous avons adapté ces briques logicielles à la particularité des vols de drones », décrit Stéphane Bascobert, président d'Innov'ATM.

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En amont des vols de démonstration, la PME a notamment travaille avec l'Onera, le laboratoire public de recherche en aéronautique qui dispose depuis 2011 d'IESTA (Infrastructure d'évaluation de systèmes de transport aérien), un outil de simulation sur ordinateur qui permet de tester diverses hypothèses de trafic aérien en simulant notamment le vol de drones. Les ingénieurs ont travaillé par exemple sur des bulles virtuelles de protection autour des drones qui pourraient à terme sécuriser la livraison de colis, de fret voire le transport de passagers par drone.

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Différents types de drones ont été mobilisés lors des démonstrations (Crédits: Tindair).

L'Onera a aussi mis à disposition son hélicoptère Vario. L'Espagnol Tecnalia a de son côté fait voler un taxi aérien de 600kg baptisé U-Miles. Le Britannique Skyports a mis à disposition ses drones qui ont déjà été utilisés par la Royal Mail pour distribuer des colis par drone et qui ont servi à tester l'envoi d'échantillons de test COVID.

Chaque drone ou hélicoptère était équipé d'une « box » mise au point par la société espagnole PildoLabs qui servait à collecter les données de vol (notamment la position géographique de l'aéronef). Ces informations étaient envoyées par le réseau 4G via un protocole radio sécurisé développé par les équipes toulousaines de Collins Aerospace vers la plateforme de gestion du trafic aérien.

« Sur cet outil, nous avons une image du trafic aérien actualisée à chaque seconde qui prédit la trajectoire des aéronefs dans les deux prochaines minutes. En cas de risque de collision, un algorithme va être lancé pour trouver des trajectoires alternatives pour éviter le conflit et va minimiser le temps de déviation causé par ce nouvel itinéraire », détaille Valentin Courchelle, ingénieur chez Innov'ATM.

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L'outil propose plusieurs trajectoires alternatives aux drones (Crédits: Florine Galéron).

Des trajectoires alternatives proposées à un superviseur

Les itinéraires alternatifs sont proposés à un superviseur, une personne qui va choisir la meilleure option pour les aéronefs. L'ordre est envoyé aux drones qui modifient leur plan de vol et est transmis également aux pilotes des hélicoptères pour qu'ils appliquent la consigne.

« Quatre types de manoeuvres sont proposées par le logiciel. Le re-routing, autrement dit une modification latérale de la trajectoire du drone, un changement d'altitude, une modification de la vitesse ou une mise en attente pour laisser passer un autre engin », poursuit l'ingénieur.

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Un superviseur est chargé de choisir la meilleure option alternative. (Crédits : Tindair)

« Ces démonstrations nous ont projetés dans le monde de demain où les drones vont évoluer librement dans des corridors dédiés et où l'on va imposer des minimums de séparation comme c'est le cas dans l'aviation habitée. Pour nous, le projet est un succès car il n'y a pas de rapprochement illicite ou d'empiètement sur les espaces de séparation minimum entre les aéronefs », estime Stéphane Bascobert.

Arnaud Rimokh, directeur délégué drones au sein d'Aerospace Valley abonde : « Ce programme a vocation à rassurer la Commission européenne sur l'usage de ces nouveaux aéronefs dans l'espace aérien en montrant avec des démonstrations à grande échelle qu'une cohabitation est possible. Cela va servir au législateur européen pour définir les futures règles d'opérations de vol des drones.»

Au-delà de l'enjeu européen, l'initiative avait aussi pour but de montrer que la Nouvelle-Aquitaine et l'Occitanie peuvent devenir des terrains d'expérimentation pour le déploiement des drones au même titre que la région parisienne qui compte mener des tests lors des prochains JO de Paris en 2024. « Nous aimerions que l'histoire se construise sur nos territoires aussi car nous avons de grands volumes propices à ce type de démonstrations », ajoute Arnaud Rimokh.

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Pour autant, le chemin est encore long avant de voir un essor à grande échelle de services commerciaux délivrés par drone.

« Dans le projet Tindair, pour ne pas générer un saut technologique trop fort nous avons mis au point un système qui va proposer des consignes de résolution des conflits d'usage de l'espace aérien. Mais le dernier mot reste au superviseur. Or, demain nous ne pourrons pas mettre un superviseur derrière un, deux, trois ou cinq drones sinon le modèle économique du service s'effondre. La clé sera d'aller vers l'automatisation », indique Stéphane Bascobert.

Tindair version 2 en préparation

Le consortium Tindair réfléchit déjà à un projet plus poussé pour candidater d'ici la fin de l'année à la troisième vague du programme Sesar. Les porteurs du projet espèrent décrocher sept millions d'euros de subventions européennes pour un programme de 10 millions d'euros. « Nous voulons aller un cran supérieur dans l'automatisation et aussi dans la complexité, mener des expérimentations peut-être davantage en ville, sur des distances plus longues et avec des interactions accrues avec le monde aérien classique », ajoute le président d'Innov'ATM.

Le consortium discute notamment avec des transporteurs de sang qui aimeraient réaliser 15 livraisons par jour par drone entre un hôpital proche de Montpellier et une zone logistique. « Tout dépendra des autorisations que nous obtiendrons », complète-t-il.

Ailleurs dans le monde, le transport par drone commence à devenir une réalité. En Afrique, il est déjà possible de se faire livrer une brosse à dent ou du matériel médical par drone. Aux États-Unis, d'après un rapport publié en mars dernier par le cabinet de conseil McKinsey, le nombre de livraisons par drone est passé de 6.000 en 2018 à presque un demi-million l'an dernier.

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