Présidentielle 2022 : élaborée à Toulouse, une plateforme permet aux citoyens de construire leur programme

À l'approche de l'élection présidentielle en France, des scientifiques ont imaginé Monprogramme2022, une plateforme de participation numérique, gratuite, qui permet aux citoyens de sélectionner et classer des propositions extraites des programmes des candidats afin de façonner leur propre programme gouvernemental. L’objectif des concepteurs de l'outil, dont la conception a été chapotée par l'institut toulousain Aniti, n'est pas d'influencer le débat, mais de voir si "la technologie peut moderniser nos institutions" et "d'identifier les problèmes qui divisent". La data récoltée à l’issue de l’expérience permettra aux chercheurs de concevoir d’autres systèmes.
La plateforme gratuite est disponible depuis ce matin 10h.

À moins de quinze jours du premier tour de l'élection présidentielle de 2022, une équipe de scientifiques français, américains et chiliens a imaginé et mis au point une plateforme de participation numérique qui permet aux utilisateurs de créer leur propre programme.

L'outil a été imaginé et mis au point par une équipe du Center for Collective Learning, laboratoire de recherche interdisciplinaire de l'institut 3IA de l'Université de Toulouse (ANITI), en collaboration avec des juristes, des informaticiens et des mathématiciens, dont des experts en théorie du choix social de l'Institut de Recherche en Informatique de Toulouse (IRIT), du CNRS, de l'institut Paris 3IA PRAIRIE et de l'Université Paris-Dauphine. L'équipe a été dirigée par Cesar Hidalgo, un chercheur américano-chilien spécialiste de l'intelligence artificielle, ancien dirigeant du prestigieux MIT aux États-Unis venu s'installer en France en 2020, notamment pour travailler au sein de l'institut d'intelligence artificielle de Toulouse.

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Monprogramme2022 est un exercice collaboratif qui permet aux utilisateurs de construire leur propre programme politique en classant plus de 100 propositions extraites des programmes des principaux candidats à l'élection présidentielle de 2022. Les concepteurs de la plateforme ont inclus les propositions des 12 candidats, mais principalement de ceux qui obtiennent plus de 2 % dans sondages (Macron, Le Pen, Mélenchon, Zemmour, Pecresse, Jadot, Roussel, Lasalle et Hidalgo).

Identifier les points d'accord/désaccord avec les autres participants

Comment cela fonctionne ? L'outil en ligne demande aux citoyens de sélectionner les propositions avec lesquelles ils/elles sont d'accord, puis de les classer par ordre de préférence. En sélectionnant et classant les propositions, les utilisateurs aident à créer des programmes à la fois individuels et collaboratifs.

Les utilisateurs peuvent choisir des propositions selon les thèmes : Emploi & Economie, Environnement et Energie, Finances Publiques & Dettes, Fiscalité, Fonction Publique, Gouvernance & Republique, Interieur Defense & Justice, Politiques Publiques Social & Solidarité, Territoires & Collectivités. Parmi ces dernières, il est possible de retrouver par exemple : l'augmentation du SMIC à 1.400 euros net par mois, la fin des 35 heures, la privatisation du service public audiovisuel, l'instauration de l'autonomie de plein droit pour la Corse ou encore l'abaissement de l'âge de la majorité pénale de 18 à 16 ans.

Monprogramme2022 leur permet également d'identifier les points d'accord et de désaccord avec les autres participants.

Monprogramme2022

Monprogramme2022

"Orienter le débat vers les questions les plus controversées"

Accessible au public depuis ce 29 mars 10h00 sur monprogramme2022.org, la plateforme n'a pas pour but d'influencer l'élection présidentielle. À travers elle, les chercheurs veulent en "apprendre davantage sur la façon de concevoir des plateformes de participation numérique évolutives et engageantes" et mieux connaître les limites empiriques de la théorie du choix social.

Monprogramme2022 présente différents modes de participation qui, espèrent les scientifiques, leur permettront de mettre au point de meilleurs outils et d'apprendre la structure mathématique des préférences individuelles et collectives. Le groupe de recherche espère tout de même que leur outil "pourra influencer la conversation qui entoure" l'élection présidentielle sans pour autant l'affecter.

"Si notre plateforme est largement adoptée, elle peut orienter le débat vers les questions les plus controversées au lieu de celles consensuelles (où aucun débat n'est nécessaire). Mais la plateforme ne cherche pas à influencer les élections, mais de mesurer instantanément les préférences de la population sur 120 sujets à quelques jours du scrutin", indiquent les chercheurs à l'origine du projet.

"Il y a un consensus croissant sur le fait que la démocratie connaît de graves problèmes, mais il y a un désaccord sur la façon d'y remédier. Heureusement, les expériences comme MonProgramme contribuent à nous apprendre comment le faire", déclare Umberto Grandi, chercheur senior sur le projet et maître de conférences en informatique à l'Université Toulouse Capitole et à l'IRIT.

"Il existe un impératif moral de voir si nous pouvons utiliser la technologie pour moderniser nos institutions. Nous avons appris dans des recherches antérieures que ces plateformes peuvent être efficaces pour identifier les problèmes qui divisent", ajoute César Hidalgo, directeur du Center for Collective Learning, dont le rôle était de diriger la conception, la vision et la stratégie de l'interface utilisateur du projet.

Utiliser la données pour de futurs projets et recherches

Chez ANITI, la question des influences algorithmiques est importante. C'est pourquoi l'un des objectifs de la plateforme Monprogramme2022 est d'aider à générer des données qui peuvent aider les chercheurs à réfléchir à la manière de construire de meilleurs systèmes de recommandation. Ainsi, après la présidentielle, les données recueillies sur la plateforme seront utilisées pour tester "empiriquement certaines idées de la théorie du choix social" et pour apprendre comment concevoir des systèmes de participation clairs et engageants.

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"Nous utiliserons les données pour comprendre comment mieux concevoir des plateformes de participation numérique et pour tester les idées de la théorie du choix social. Concernant le premier objectif, nous nous intéressons au comportement des utilisateurs. Combien de temps restent-ils sur le site ? Reviennent-ils ? À combien de préférences répondent-ils ? Où sont-ils confus ? Concevoir un système de participation numérique qui soit "parfait" en théorie, mais que les gens ne comprennent pas ou n'utilisent pas, est un échec en pratique. En ce qui concerne la théorie du choix social, nous utiliserons les données recueillies pour comprendre comment estimer les accords et les désaccords, et pour explorer les formulations matricielles des concepts classiques de la théorie du choix social", expliquent le groupe de chercheurs.

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