Enquête : pourquoi le projet Hyperloop à Toulouse prendra plus de temps que prévu

- Enquête Hyperloop (2/2) - Quatre ans après l'implantation de son centre européen de R&D à Toulouse, le CEO d'HyperloopTT fait le point dans une interview exclusive à La Tribune. La startup californienne est loin d'envisager de tester son moyen de transport futuriste sur des passagers en 2020, comme elle le prévoyait initialement. Avant d'atteindre cette étape, HyperloopTT cherche à lever des fonds et à s'associer avec de grands noms de l'industrie des transports. En raison de contraintes administratives, la dépollution des terrains de l'ancienne base militaire de Francazal, où la société veut construire une deuxième piste d'essais, vient de débuter cet automne.
Assemblage de la première piste d'essais à l'aéroport de Toulouse-Francazal au printemps 2018.
Assemblage de la première piste d'essais à l'aéroport de Toulouse-Francazal au printemps 2018. (Crédits : Rémi Benoit)

Cela faisait près d'un an et demi que nous n'avions pas eu de nouvelles du projet Hyperloop à Toulouse. Pour rappel, en janvier 2017, la startup californienne Hyperloop Transportation Technologies annonçait en grande pompe l'implantation de son centre européen de R&D dans la Ville rose avec la promesse d'investir 40 millions de dollars sur cinq ans. L'objectif étant de tester un moyen de transport futuriste qui consiste à projeter par lévitation magnétique des capsules de 50 passagers dans un tube sous vide à très haute vitesse (au moins 600 km/h). En février 2019, son cofondateur Bibop Gresta évoquait des objectifs (trop ?) ambitieux d'ouvrir en 2020 un centre de démonstration au Moyen-Orient et d'y débuter les tests avec des passagers humains avant d'y ouvrir sa première ligne commerciale.

Pourtant en cette fin d'année 2020, alors que son concurrent Virgin Hyperloop a annoncé début novembre de premiers tests réussis avec des passagers humains, la startup n'affiche plus d'échéance pour cette étape.

"Je ne me rappelle pas personnellement avoir dit que nous arriverions à cette étape cette année. Nous avons une stratégie différente (de Virgin Hyperloop, ndlr), notre but est d'avoir un système commercial en service au cours de la décennie", déclare Andres de Leon dans un entretien exclusif à La Tribune.

Concernant le lieu d'implantation de la première ligne commerciale, toutes les options restent ouvertes : Moyen-Orient, Europe, États-unis.

La dépollution freine la construction de la deuxième piste d'essais

À Toulouse, HyperloopTT a pris ses quartiers à l'aéroport Toulouse-Francazal. En avril 2018, Toulouse Métropole a accordé un permis de construire sur cette ancienne base militaire pour reconvertir le mess des sous-officiers (un bâtiment de 2560 m2) en un centre de recherche et développement. La startup y fait travailler 15 salariés permanents et d'autres sociétés innovantes s'y sont installées à l'image du constructeur d'avions de voltige Aura Aéro et un peu plus loin ATR et EasyMile. Par ailleurs, HyperloopTT a commencé à assembler au printemps 2018 à Francazal plusieurs tubes pour former une piste d'essais provisoire au sol de 300 mètres de long. Ce qui a permis de réaliser des premiers tests du système de lévitation.

Le permis de construire prévoyait aussi la construction d'une piste en forme de tube d'un kilomètre de long, cette fois hissée à cinq mètres du sol par 25 pylônes. Mais avant de lancer ces travaux, il faut dépolluer le site militaire à la fois concernant la pollution des sols en hydrocarbures, mais aussi pour détecter de potentielles bombes de la Seconde guerre mondiale.

"Nous ne sommes propriétaires des terrains de Francazal uniquement depuis cette année. Nous avons beaucoup galéré avant que l'État puisse nous les vendre. Nous avons lancé dans la foulée les travaux de dépollution en septembre, en commençant par la piste. La dépollution prendra au moins six à douze mois", indique à La Tribune Dominique Faure, première vice-présidente de Toulouse Métropole chargée de l'Économie et de l'Innovation.

Cette mise en stand by apparente des travaux interroge les riverains. "La piste est montée depuis plus d'un an mais à part les lapins, ça s'agite pas trop autour des tubes. Nous voyons de temps en temps les ingénieurs mais l'activité n'a pas l'air phénoménale".

Comme toutes les entreprises, nous avons aussi été affectés par la pandémie. Nous avons dû renvoyer des salariés à la maison. Avant le confinement, nous étions en train de faire l'intégration du système par lévitation. Toulouse nous a beaucoup aidés, ainsi que tout l'écosystème. Nous y avons trouvé de l'enthousiasme plus que du scepticisme même s'il y aura toujours des sceptiques", rétorque le CEO d'HyperloopTT Andres de Leon.

Un coup de pouce d'Airbus ou d'Alstom pour accélérer le projet ?

L'autre raison qui explique ce changement d'échéance sur le projet, c'est que la startup californienne doit voir plus grand si elle veut parvenir à ses fins.

"Il manque des fonds et des partenariats, résume Yann Barbaux, le président du pôle de compétitivité Aerospace Valley. On ne passe pas en un jour d'une startup qui a une idée géniale et qui progresse très vite sur les aspects techniques à quelque chose qui peut tenir la route d'un point de vue industriel. La phase initiale coûte très peu par rapport au développement industriel où les milliards d'euros s'additionnent. Cette étape, ce n'est pas une startup seule qui peut la faire et elle prendra du temps. Rappelons que le développement de SpaceX a pris dix ans."

Lire aussi : Aerospace Valley lance un cluster dédié à l'aéronautique de demain

Avant d'ajouter : "Pour passer à la phase industrielle, HyperloopTT va devoir trouver des partenaires solides. On ne devient pas du jour au lendemain un Airbus ou un Alstom. À titre personnel, j'ai souvent dit qu'Hyperloop c'était un avion sans ailes qui voyageait dans un tube. Les technologies employées et les aspects de sécurité sont très proches des problématiques de l'aéronautique. Ce n'est pas par hasard si HyperloopTT s'est installé à Toulouse."

Andres de Leon ne dément pas, bien au contraire.

"Nous sommes une société en recherche perpétuelle de fonds comme toutes les startups même si je ne peux pas dévoiler publiquement un objectif financier. Ensuite, est-ce qu'une société suffit pour faire aboutir le système Hyperloop ? La réponse est non. C'est la raison pour laquelle nous nouons des contacts avec beaucoup d'entreprises. Oui, nous voulons nouer des partenariats avec de grandes entreprises. Alstom et Airbus représenteraient des opportunités de collaboration. Mais je ne peux pas divulguer le nom d'entreprises tant que nous ne sommes pas tombés d'accord sur un partenariat."

En coulisses, selon nos informations, la startup a déjà en réalité échangé avec Tom Enders, alors président d'Airbus lors du lancement du projet à Toulouse. "Airbus aurait intérêt à s'investir dans ce projet, étant donné que le groupe est très attaqué sur les aspects environnementaux. L'hyperloop constituerait un moyen de transport complémentaire pouvant être un compétiteur de l'avion sur de courtes distances", relève une source locale.

Par ailleurs, HyperloopTT a sollicité des rendez-vous avec le gouvernement français pour franchir une étape supplémentaire. "Il faudrait une poussée volontariste des gros industriels, Alstom, Siemens voire Airbus et pourquoi pas construire un hyperloop européen. Toute la mise en place de la supply chain et des certifications, une startup toute seule ne pourra pas le faire", confie une autre source locale.

Collaboration avec Altran et une demi-douzaine d'entreprises en France

Avant d'en arriver là, HyperloopTT a déjà commencé à travailler avec plusieurs sociétés sur le projet à Toulouse. Jeudi 3 décembre, Andres de Leon a détaillé dans nos colonnes le début d'une collaboration avec un des leaders français de l'ingénierie Altran. "Altran va investir dans HyperloopTT en nous fournissant les services de 100 ingénieurs qui vont travailler avec nous, pendant 21 mois. Ces ingénieurs seront basés dans une zone spécifique dans les bureaux d'Altran (à Blagnac, près de Toulouse, ndlr). Ils travailleront en lien avec nos propres ingénieurs sur l'aéroport de Toulouse-Francazal".

Lire aussi : "Altran va investir dans Hyperloop TT en nous fournissant les services de 100 ingénieurs"

En 2017,  le pôle de compétitivité Aerospace Valley avait organisé des speed-datings entre l'entreprise californienne et 40 sociétés. Depuis, HyperloopTT précise avoir collaboré avec plusieurs sociétés en France : Latesys (filiale ingénierie du groupe ADF basée à Sainte-Foy d'Aigrefeuille), Spie batignolles (BTP), Egis (ingénierie), le Marseillais Mediaco (nacelles et grues de levage) mais aussi du côté des partenaires académiques le CEA Tech, l'IRT et l'Isae-Supaero. À l'étranger, la startup a fait appel notamment à l'Espagnol Carbures qui a construit la première capsule pour les passagers, au Suédois Leybold pour les systèmes de gestion du vide et à l'Allemand TUV Sud pour la certification.

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Commentaires 6
à écrit le 31/05/2021 à 23:12
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Probablement les mêmes commentateurs qui critiquent ici ou ailleurs, reprochant le fait que la France n'ait pas suffisamment investi dans des start-up pour le développement des vaccins ARN...

à écrit le 05/12/2020 à 12:26
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Hyperloop=Entourloop! Le projet est au moins du même niveau que les avions renifleurs ou du mouvement perpétuel. Que des investisseurs privés jettent leurs fonds dans ce genre de délire n'a pas d'importance, par contre que les deniers publics serven...

le 29/12/2020 à 22:35
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Tout à fait d’accord avec vous. Beaucoup d’argent jeté par les fenêtres et les politicards locaux qui se font enfumés...

à écrit le 04/12/2020 à 18:14
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J'ai constaté que la société Hyperloop TT ne se trompe pas, elle, lorsqu'elle négocie des échanges d'actions avec des entreprises françaises, bien réelles, intéressées par des véhicules de transport en commun électriques.

à écrit le 04/12/2020 à 16:45
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Totale Gabegie qui coutera cher au contribuable français et ou les fonds auraient pu être alloués à d'autres urgence comme la dernière tranche de Tgv toulouse bordeaux ou perpignan ou finir la rhin rhone ou encore le transport du quotidien mais ça l...

le 04/12/2020 à 17:08
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L'entourloupe du siècle !

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