Une chercheuse chinoise étudie le mercure comme indicateur climatique à Toulouse

Chuxian Li cherche à démontrer que le mercure peut être utilisé comme indicateur climatique. Originaire de Chine, elle réalise son étude au sein de deux laboratoires toulousains. La chercheuse est lauréate du prix Jeunes talents L'Oréal-Unesco pour les femmes et la science. Elle a reçu une bourse de 15 000 euros pour travailler sur ses recherches. Interview.
Chuxian Li étudie le mercure comme indicateur climatique grâce aux tourbières.
Chuxian Li étudie le mercure comme indicateur climatique grâce aux tourbières. (Crédits : Stephanie Gili)

Arrivée à Toulouse en 2015, Chuxian Li est originaire de la ville de Zhanjiang, en Chine. Lors de son master en sciences de l'environnement, elle a concentré ses études sur la bioaccumulation du mercure en utilisant le poisson-zèbre comme organisme modèle. Passionnée par l'environnement, elle a tout naturellement décidé de réaliser son doctorat sur le mercure comme indicateur climatique. Elle étudie ce phénomène depuis quatre ans au sein du laboratoire EcoLab de l'Ensat et du laboratoire Géosciences Environnement de l'Observatoire Midi-Pyrénées à Toulouse. Le 8 octobre elle a reçu le prix Jeunes talents L'Oréal-Unesco pour les femmes et la science. Celui-ci lui a permis d'obtenir une bourse de 15 000 euros pour ses recherches.

La Tribune : "Les isotopes du mercure, un nouvel indicateur climatique robuste" est votre sujet d'étude. Qu'est-ce que cela signifie ?

Chuxian Li : Lors de mon doctorat, nous avons constaté que la plupart des indicateurs climatiques sur le passé sont qualitatifs, ce qui n'est pas suffisant pour reconstruire la variabilité climatique. Nous avons aussi relevé que le mercure peut quantifier le volume des précipitations passées. Nous nous sommes alors demandé : pourquoi ne pas essayer de développer le mercure comme nouvel indicateur quantitatif du climat ? Nous cherchons ainsi à quantifier les précipitations pour aider à reconstruire le climat, au cours des 10 000 dernières années.

Comment le mercure peut-il être un indicateur climatique ?

Nous étudions le mercure comme indicateur climatique à l'aide des tourbières, qui sont formées par la décomposition de la végétation et ne sont alimentées que par les apports atmosphériques (par exemple le gaz, la poussière et les précipitations). Les dépôts atmosphériques de mercure dans les tourbières se produisent de deux façons. La première lorsque la végétation de tourbe absorbe le mercure gazeux, comme le CO2 et la seconde grâce aux précipitations.

Au cours de mon doctorat, nous avons observé que le mercure gazeux et le mercure dans les précipitations ont des empreintes isotopiques différentes. En comparant leurs empreintes, nous pouvons reconstituer la variabilité des précipitations, qui est un paramètre climatique important. Par exemple, les signatures isotopiques du mercure dans les tourbières, qui sont sensibles aux apports pluviométriques, indiquent qu'une forte concentration de mercure correspond à une faible pluviométrie.

Quelles expériences réalisez-vous pour étudier le mercure sur la tourbe ?

Nous prélevons les échantillons de tourbe sur le terrain à l'aide d'un carottier à 50 cm de profondeur (outil de découpe qui permet d'aller capter des échantillons sous terre, ndlr). Les carottes sont photographiées, décrites, emballése et expédiées à notre laboratoire réfrigéré. Elles sont ensuite congelées puis tranchées pour constituer des sous-échantillons qui vont par la suite être lyophilisés.

Ces échantillons de tourbe lyophilisée sont utilisés pour extraire le mercure en vue de l'analyse isotopique à l'aide de méthodes de combustion et de piégeage acide. Brièvement, nous brûlons des échantillons de tourbe dans un four à double tube à 1000°C et piégeons le mercure gazeux libéré avec une solution acide. La solution acide est ensuite mesurée à l'aide d'un spectromètre à l'Observatoire Midi-Pyrénées de Toulouse.

À quoi peut servir ce nouvel indicateur climatique ?

Le développement du mercure en tant qu'indicateur climatique peut contribuer à l'élaboration d'une nouvelle méthode quantitative pour mieux comprendre la variabilité paléoclimatique (c'est-à-dire le climat d'une ancienne époque géologique, il y a des milliers, voire des millions d'années, ndlr) et, par conséquent, à réaliser de meilleures projections climatiques futures à long terme. Celles-ci permettront d'élaborer la politique la plus appropriée pour contrôler efficacement les émissions polluantes.

Quelles sont les découvertes que vous avez déjà réalisées ?

Les vents d'ouest de l'hémisphère Sud régulent les précipitations, la circulation océanique et le cycle biogéochimique (processus de transport et de transformation cyclique d'un élément ou composé chimique) du carbone et du mercure. Pour mieux comprendre le cycle historique du mercure dans l'hémisphère Sud, nous avons examiné des tourbes à quatre endroits différents comme archives des dépôts de mercure sur le long terme.

Les données sur le mercure dans la tourbe renseignent notamment sur les perturbations récentes du cycle naturel du mercure dans l'hémisphère sud, perturbées par l'activité humaine. Depuis 1550, l'enrichissement anthropique en mercure a quadruplé dans l'hémisphère sud. Dans le même temps, dans l'hémisphère nord il a été multiplié par 16.

Ces contributions scientifiques devraient permettre d'améliorer les modèles climatiques mondiaux et la politique environnementale internationale dans le cadre de la convention de Minamata sur le mercure (traité international visant à protéger la santé humaine et l'environnement contre les effets néfastes du mercure).

Mercure

Les stocks et les mouvements du mercure dans le système environnemental mondial (Crédits : Unep)

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Commentaire 1
à écrit le 19/11/2019 à 9:59
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Article qui doit être intéressant par contre on peut juste déplorer qu'une multinationale comme l'Oréal soit aussi radine, 20000 euros pour des recherches c'est que dalle, on voit bien que c'est sponsoring sont d'abord là pour faire de la publicité a...

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