Des data centers écologiques conçus à Toulouse

Depuis 2015, l'Irit (Institut de recherche en informatique de Toulouse) travaille sur le projet de recherche ANR Datazero qui a pour objectif de réduire l'impact écologique des data centers (ou centre de données). En France, ils représentaient en 2015 la consommation énergétique annuelle d'une ville comme Lyon. Alors que le projet en est encore à sa phase de développement, l'institut envisage d'industrialiser son innovation dès 2020.
L'innovation de l'Institut de recherche en informatique de Toulouse va réduire l'impact carbone et la consommation d'énergie des data centers.

L'équipe de recherches Sepia (de l'Irit) a lancé le projet ANR Datazero, financé par l'Agence nationale de la recherche (830 000 euros) et coordonné par l'Université Paul-Sabatier de Toulouse. Démarré quatre ans plus tôt, il vise à réduire l'impact carbone des data centers (centre de traitement et de stockage de données numériques) dans lesquels des clouds sont hébergés.

"Une vingtaine de personnes travaillent sur le projet dont huit à l'Irit. Nous avons des partenaires comme le laboratoire Laplace à Toulouse (Université Paul-Sabatier) et le FEMTO-ST à Besançon et à Belfort, qui sont spécialisés dans l'électricité. Nous travaillons également avec le centre de recherche et développement de l'entreprise américaine Eaton (spécialisée dans les systèmes électriques et hydrauliques) qui est à Grenoble", explique Jean-Marc Pierson, responsable de l'équipe de recherches Sepia dont l'expertise est notamment centrée sur les clouds.

En France, la consommation de ces centres de données s'élevait à environ trois térawatt-heure en 2015, soit plus que la consommation électrique de la ville de Lyon, selon l'Union française de l'électricité (UFE). De plus, d'après l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, ils représentent 25% des émissions de gaz à effet de serre générés par le numérique.

Stocker les énergies renouvelables

Pour réduire cette consommation croissante des centres (liée à l'augmentation de la taille des clouds et à la demande des utilisateurs), tout en réduisant leur impact environnemental, l'équipe Sepia a décidé de ne pas se lier à un fournisseur d'électricité.

"Nous voulions un data center complètement autonome en énergie. Pour ce faire, il faut produire son électricité sur place et cela nécessite d'avoir des sources d'énergies renouvelables, donc des panneaux solaires et des éoliennes. Mais il faut aussi pouvoir stocker l'énergie pour pallier au manque la nuit ou quand il y a un nuage qui passe", argumente le chercheur.

Afin d'emmagasiner cette énergie, le laboratoire a mis au point deux moyens de stockage.

"Nous avons des batteries classiques auxquelles nous avons rajouté des capacités de stockage sous la forme de piles à combustibles pour stocker de l'hydrogène. Ces réserves à hydrogène, grâce à une réaction chimique, peuvent reproduire de l'électricité. Dès lors, toute l'énergie produite par le photovoltaïque ou l'éolien va, soit alimenter les serveurs de calculs, soit permettre de charger les batteries ou les piles à combustibles. Donc quand il n'y a plus de vent ou plus de soleil, nous pouvons récupérer l'énergie", développe le responsable du projet.

Cibler les entreprises toulousaines

Grâce à cette innovation, le laboratoire peut à la fois fournir des outils permettant à la conception d'un centre, mais aussi des solutions pour en optimiser un déjà existant. Ainsi, les chercheurs espèrent attirer l'attention des PME et des grosses entreprises, notamment celles du bassin toulousain.

"Sur la région toulousaine, il y a de plus en plus de centres de données qui se montent avec ces préoccupations énergétiques. Aujourd'hui, cela peut représenter jusqu'à la moitié de leur budget, uniquement pour l'alimentation. Les entreprises sont friandes de ces solutions économiques qui peuvent aussi leur permettre d'être dans le mouvement de la transition énergétique", constate Jean-Marc Pierson.

En plus de l'Occitanie, la Sepia souhaite exporter son process dans les territoires où l'accès à l'électricité est plus aléatoire qu'en France, faute d'un réseau électrique fiable.

"En Afrique, il y a des intermittences dans certains pays, avec des coupures électriques régulières. Et si l'on doit se baser sur de l'électricité pour faire tourner des centres on ne peut pas les installer sur place, car il y aura toujours quelque chose qui ne marchera pas. Tandis que s'ils sont autonomes il n'y a pas dépendance vis à vis des infrastructures électriques existantes", expose le chercheur.

La France est-elle prête ?

Alors qu'à l'étranger, l'innovation de l'Irit pourrait rencontrer un certain succès, le responsable de Datazero conserve des doutes concernant la rentabilité du projet dans l'Hexagone.

"Techniquement c'est réalisable, mais financièrement je ne suis pas sûr que le projet soit très pertinent aujourd'hui, car le coût de l'électricité en France est très faible. Nous achetons le kilowatt-heure au prix quasiment le plus bas d'Europe. Mais dans les années à venir, il y aura un plus grand intérêt industriel à utiliser des énergies renouvelables", déclare le dirigeant.

Pour avoir une idée de l'année où leur projet pourra être viable économiquement, les chercheurs vont se baser sur des projections concernant le coût de l'électricité et des matériaux. Une étude prévue d'ici la fin du projet, en fin d'année. À l'avenir, ils espèrent également que le gouvernement pourra jouer un rôle dans cette transition énergétique.

"Il faudra peut-être aussi des incitations de l'État qui pourrait imposer que les centres de données utilisent au moins une partie d'énergies renouvelables, cela se fait dans d'autres pays comme l'Australie ou la Hollande. L'électricité y est plus chère donc il y a des lois qui les forcent à respecter une certaine efficacité énergétique".

Le projet Datazero se terminera après 42 mois de recherches. Pour l'heure, le laboratoire n'a pas commencé les discussions avec les industriels, mais a pour objectif de le rendre industrialisable dès 2020.

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