InSight : "Étudier l'intérieur de Mars est une manière de comprendre le passé de la Terre"

Comprendre la structure interne de Mars pour enfin savoir pourquoi la soeur jumelle de la Terre est devenue un désert glacé, c'est l'objectif du sismomètre SEIS dont le développement a été réalisé par le Cnes à Toulouse. L'instrument, intégré à la mission américaine Insight, doit atterrir lundi 26 novembre sur la Planète rouge. Une manoeuvre très risquée puisque le taux de réussite est de 50%. Entretien avec Philippe Laudet, chef de projet SEIS au Cnes.
Philippe Laudet est le chef de projet SEIS au Cnes, le sismomètre de la mission d'exploration Insight.
Philippe Laudet est le chef de projet SEIS au Cnes, le sismomètre de la mission d'exploration Insight. (Crédits : Cnes // Nasa)

La sonde InSight va tenter d'atterrir sur Mars lundi 26 novembre. Une manoeuvre à haut risque sachant qu'une mission sur deux ne parvient pas à se poser sur la Planète rouge. En quoi est-ce si difficile et pourquoi parle-t-on de sept minutes de terreur ?

Philippe Laudet : C'est compliqué parce que la sonde arrive avec une vitesse de 11,2 km par seconde et il faut qu'elle perde cette vitesse pour toucher le sol en douceur à zéro km/h. Cette perte d'énergie est délicate puisque l'atmosphère de Mars n'est pas très épaisse et surtout extrêmement peu dense, elle freine beaucoup moins que vers la Terre. Nous avons installé un parachute qui sera déclenché à 1 km d'altitude et qui va ralentir la sonde. On parle de sept minutes de terreur puisque toutes ces étapes se déroulent en sept minutes et au-delà du risque que cela ne fonctionne pas au moment où elle entre dans l'atmosphère martienne, la sonde envoie un signal mais la Terre va mettre sept minutes à le recevoir. Cela créé un suspense qui est assez impressionnant. Et puis cela fait sept ans que nous travaillons dessus et tout va se jouer en sept minutes.

Est-ce que le succès de la mission Curiosity sur Mars vous rend plus confiant ?

Cela nous sécurise car la Nasa pilote cet atterrissage (comme pour Curiosity, ndlr), c'est comme avoir le meilleur pilote automobile au monde. Même si néanmoins, les Américains ont eux aussi connu des échecs avec des sondes qui se sont écrasées.

Le Cnes a travaillé plus particulièrement sur l'instrument Seis, un sismomètre qui va permettre de connaître la structure interne de Mars. En quoi est-ce utile ?

Mars est une planète roche qui est la sœur jumelle de la Terre. Elles sont toutes les deux nées il y a cinq milliards d'années, à une distance comparable du Soleil... Mais leur évolution a été très différente par la suite. Pourquoi la Terre a-t-elle gardé de l'eau liquide à sa surface ? Comment expliquer la disparition des éruptions volcaniques sur Mars ? Pourquoi cette planète est devenue un désert glacé où il fait - 120°C la nuit ? Étudier l'intérieur de la Planète rouge est une manière de comprendre le passé de la Terre et de la protéger afin d'éviter un scénario similaire.

Jusqu'ici, beaucoup de photos de Mars ont été réalisées, mais aussi des analyses chimiques, des collectes de cailloux et de sable notamment grâce au rover Curiosity. Mais ces expériences ne permettent pas de connaître l'intérieur de la planète. On suppose juste qu'il y a un noyau, du magma, etc.

Depuis 1920, on connaît très bien la structure interne de la Terre. La même chose a été réalisée sur la Lune. En 1969, Neil Armstrong et Buzz Aldrin ont posé un sismomètre, d'autres ont suivi avec les missions suivantes. 50 ans plus tard, les scientifiques sont tombés d'accord sur l'origine de la Lune.

Pouvez-vous décrire le sismomètre ?

L'instrument SEIS est composé de trois sismomètres disposés à 120° les uns des autres, donc quelle que soit la direction d'arrivée d'un mouvement, il peut être capté. Chaque capteur est capable de détecter un mouvement de l'ordre de grandeur d'un atome. C'est extrêmement précis. Mais l'instrument ne doit pas être impacté par le vent et les variations de température vécus par Mars sinon les mesures seront fausses. Pour limiter cela, des protections thermiques ont été intégrées qui vont encaisser également la friction du vent.

Quel a été le rôle précis des équipes toulousaines du Cnes dans la mission ?

Le Cnes a coordonné le développement de tous les sous-systèmes de l'instrument fabriqués par les Américains, les Allemands et les Anglais. Notre centre va aussi recevoir toutes les données envoyées par l'instrument depuis les États-Unis. Nous allons les mettre en forme, avant de les transmettre à l'Institut physique du globe de Paris qui sera chargé de diffuser mondialement ces résultats.

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