First Man : que pensent les scientifiques toulousains du film sur Neil Armstrong ?

À l'occasion de la sortie en salles du film First Man où l'épopée de Neil Armstrong sur la Lune est incarnée par Ryan Gosling, à Toulouse, la Cité de l'espace a organisé un débat avec astronaute, astrophysicien et historien. Qu'ont-ils pensé du long-métrage ? Quelles sont les inexactitudes scientifiques et biographiques ? Éléments de décryptage.
Ryan Gosling interprète Neil Armstrong dans First Man de Damien Chazelle.
Ryan Gosling interprète Neil Armstrong dans First Man de Damien Chazelle. (Crédits : Universal)

"Papa, vas-tu revenir de la Lune ?" demande un des enfants de Neil Armstrong, à la veille de son départ pour la mission Apollo 11. "Il y a un risque que je ne rentre pas", rétorque l'astronaute, avant d'ajouter qu'il ne peut précisément évaluer ce risque.

Cette scène tirée du film First man, en salles depuis mercredi 17 octobre, résume pour Serge Gracieux, chargé d'études muséologiques à la Cité de l'espace, "le coût humain, le prix à payer" des missions spatiales dans les années 60. "Neil Armstrong a sacrifié huit ans de sa vie dans ce programme, c'est un véritable don de soi", a-t-il souligné vendredi 12 octobre à l'occasion d'une projection en avant-première du long-métrage depuis le musée spatial toulousain.

"Aujourd'hui, nous avons l'impression d'avoir affaire plutôt à des vols de routine", Rémi Canton, ingénieur au Cadmos, un laboratoire toulousain qui a mené des expériences scientifiques avec Thomas Pesquet.

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Les sacrifices humains pour la conquête de l'espace

Également présent au débat, l'astronaute de l'agence spatiale européenne (Esa) Jean-François Clervoy relève que même si "aujourd'hui il reste un risque sur 100 d'avoir une catastrophe, à l'époque c'était plutôt une chance sur deux d'y rester". Sans tomber dans le mélodrame, le film réalisé par Damien Chazelle (auteur également de La La Land) retrace la succession de sacrifices humains au fil des missions qui ont permis à Neil Armstrong d'être le premier homme à poser un pied sur la Lune le 21 juillet 1969. Deux ans auparavant, lors de la première mission Apollo, un incendie dans le vaisseau provoque la mort des astronautes Virgil Grissom, Edward White et Roger Chaffee. L'année précédente, le premier équipage de Gemini 9 (Elliott See et Charles Bassett) s'est écrasé à l'atterrissage sur une usine aéronautique.

À travers l'angoisse de la femme de Neil Armstrong et le deuil porté par les veuves d'astronautes, First Man montre aussi le manque d'accompagnement des proches à l'époque.

"La NASA ne voyait pas l'intérêt de préparer les proches d'astronautes, l'important était la réussite de la mission. Dans le film, on voit la femme d'Armstrong se rendre au centre de contrôle car la liaison radio avec le vaisseau a été coupée face à une situation d'urgence. La NASA la renvoie chez elle. De ce point de vue, la NASA a beaucoup évolué, surtout après l'explosion en 1986 de la navette Challenger (7 morts, ndlr). Aujourd'hui, les familles peuvent installer sur leur ordinateur un logiciel et communiquer tous les jours avec les astronautes. La NASA a aussi invité les proches à des simulations avant le départ de la mission", décrit Jean-François Clervoy.

Sylvestre Maurice, astrophysicien : "Tout est vrai, même si le trait est forcé"

L'autre intérêt de First Man réside dans la mise en scène. Dès l'ouverture, le spectateur a l'impression d'être en caméra embarquée avec l'équipage d'Apollo 11. D'abord dans un simulateur de la NASA puis dans l'espace, Neil Armstrong doit faire face à d'importantes secousses et résister à l'envie de s'évanouir. Les vibrations sont telles qu'on se demande comment il parvient à lire les indicateurs du cockpit.

Pour l'astrophysicien du laboratoire toulousain Irap, Sylvestre Maurice, "tout est vrai même si le trait est un peu forcé. L'équipe a été confrontée à un tour par seconde à un moment donné mais cela n'a pas duré toute la mission. De même, l'entraînement en simulateur est un peu moins violent en réalité. Il manque aussi un peu de poussière sur le Lune".

L'historien Serge Gracieux abonde :

"Ce n'est pas un reportage. Sinon rien que la manoeuvre d'alunissage aurait duré 2h30. Dans le film elle dure 4 secondes et l'équipage doit éviter un énorme cratère alors qu'en réalité il était beaucoup plus petit. De même, First man montre Neil Armstrong admirant la Lune. En fait, il n'a même pas eu le temps de jeter un oeil à la Terre vue depuis la Lune. Il fallait prendre des photos, planter le drapeau américain.... donc pas vraiment de temps à perdre. Mais à part ces détails, tout est conforme à la réalité historique".

Neil Armstrong "peu bavard", Buzz Aldrin "plus volubile"

Surtout, d'après les experts, First Man a le mérite de bien retranscrire les personnalités de Neil Armstrong (interprété par Ryan Gosling) et de son coéquipier qui marchera aussi sur la Lune, Buzz Aldrin. "Armstrong n'était pas très bavard, Aldrin beaucoup plus râleur", note Jean-François Clervoy. Rémi Canton qui a eu l'occasion de les croiser sur le site de la NASA à Houston décrit aussi le premier comme "introverti" et le second "plus volubile".

Le film de Damien Chazelle montre également Ryan Gosling réaliser en manuel des manoeuvres pour l'alunissage. "Buzz Aldrin était surnommé 'Docteur rendez-vous' notamment pour sa capacité à calculer de tête des trajectoires", rappelle Serge Gracieux. Pour Jean-François Clervoy, "il fallait beaucoup d'audace car c'était l'ère des premières fois dans l'espace. Nous avons d'autres grandes premières fois à vivre dans les années à venir, Mars en fera partie".

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Commentaire 1
à écrit le 30/10/2018 à 21:16
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C'était l'âge d'or de la conquête spatiale… Ma génération est arrivée après toutes ces grandes premières, et attend toujours le premier homme sur Mars...

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