Aéronautique : surestime-t-on l'impact de la fabrication additive ?

L'arrivée de la fabrication additive (l'impression 3D appliquée à l'industrie) va-t-elle vraiment révolutionner la filière aéronautique et spatiale ? Réunis en convention d'affaires à Toulouse, les donneurs d'ordre comme Airbus, Dassault, Ariane ou Thales ont mis en avant les nombreuses applications possibles de ce nouveau procédé, avec à la clé d'importants gains de masse. Mais pour le moment, la production en série reste difficile et très coûteuse.
Les industriels ne rentrent pas encore dans leurs frais avec la fabrication additive.

"Niveau marketing dans la fabrication additive, on est au feu vert, pour l'industrialisation c'est plutôt feu rouge", résume mardi 21 novembre Jérôme Rascol, le responsable de la plateforme de fabrication additive d'Airbus. Pendant deux jours, les principaux industriels de la filière aéronautique et spatiale sont réunis au centre Diagora de Labège pour une convention d'affaires autour de la fabrication additive.

Ce nouveau procédé de fabrication très innovant est désormais très prisé en Occitanie dans l'aérospatiale confirmait en janvier une étude menée par l'agence régionale de développement économique Madeeli. Parmi les grands groupes on peut citer Airbus, Daher, Latécoère, Liebherr Aerospace, Ratier-Figeac, Safran, Stelia, Thales Alenia Space et Zodiac Aerospace. Par ailleurs, 29 sociétés de la supply chain testent la fabrication additive à l'instar de Fusia, Prismadd (groupe We Are Aerospace), Mecaprotec, Nexteam Group ou encore Sogeclair.

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Moins de pièces et un gain de masse

Plus connue sous le nom d'impression 3D, la fabrication additive (en anglais Additive Layer Manufacturing (ALM)) regroupe toutes les techniques qui permettent de créer un objet par addition de couches successives du matériau, fusionnées entre elles par une source d'énergie.

"La fabrication additive permet de produire en une seule pièce là où il faut utiliser avec les autres méthodes de fabrication des dizaines de pièces, avance par exemple Thierry Thomas, directeur de la fabrication additive chez Safran. Nous avons fabriqué un injecteur en une pièce au lieu de 18".

Qui dit moins de pièces dit moins de poids en vol.

"Dans l'espace, chaque kilo supplémentaire sur un satellite coûte 40 000 euros. Si on peut gagner ne serait-ce que 200 grammes avec la fabrication additive c'est intéressant pour nous", complète Florent Lebrun, ingénieur chez Thales.

"L'enjeu est de produire en grandes séries via ce procédé"

Mais question coûts, les industriels ne rentrent pas encore dans leurs frais. Les machines d'impression métal industrielles valent entre 500 000 euros et 1,5 million d'euros. Quant aux fournitures - les poudres - elles dépassent les 600 euros le kilo. Et pour l'instant le procédé de fabrication est très lent. "Il faut compter une quarantaine d'heures pour réaliser une cinquantaine de pièces, soit une heure par pièce. Sans la fabrication additive, on met 15 à 20 minutes par pièce. Mais, ces machines sont en constante amélioration", nous faisait remarquer il y a quelques semaines Mathieu Tournier, le directeur du site de Liebherr Aerospace à Campsas lors d'une visite de leur usine du futur.

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 Ce qui fait dire à Yann Barbaux, le président du pôle Aerospace Valley en introduction de la convention d'affaires : "La fabrication additive est une révolution en cours. Elle permet de réaliser des pièces complexes en petites séries. Airbus a déjà fait voler certaines pièces lors d'essais en vol. L'enjeu est désormais de savoir comment produire en grandes séries via ce procédé".

Derrière le discours marketing des donneurs d'ordre, il faudra encore du temps avant que l'industrialisation s'opère. "Nous affichons l'objectif que Prometheus (la nouvelle famille de moteurs à bas-coût d'Ariane, NDLR) soit réalisé à 100% par la fabrication additive. C'est du marketing puisqu'il est difficile d'imaginer que la totalité des pièces pourront être réalisées par ce biais mais c'est surtout une manière de dire à nos ingénieurs qu'il faut penser à introduire ce procédé partout", avance Raphael Salapete chef de projet R&D chez Ariane group.

Dans un premier temps, Dassault Aviation emploie la fabrication additive pour des usages très précis. "Nous l'utilisons par exemple sur les Falcon, nos jets d'affaires. Comme chaque client a des exigences particulières pour l'aménagement des cabines de l'avion, cela nous permet de faire du sur-mesure en réduisant les temps de fabrication. Par ailleurs, l'impression 3D permet de réaliser des pièces de rechange pour des avions qui ont 40 ans d'âge. Il serait difficile de les retrouver d'autant que les outillages ont évolué au cours de l'histoire", fait remarquer Gilles Surdon, responsable d'ingénierie à Dassault Aviation. Difficile donc de parler pour le moment de révolution dans la filière aérospatiale avec l'arrivée de la fabrication additive mais l'amélioration constante des machines pourrait inverser la tendance dans les années à venir.

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