Janus : la filière française des nanosatellites étudiants pilotée depuis Toulouse

Peu chers et performants, les satellites miniatures ont le vent en poupe. Depuis 2012, le Cnes propose même aux étudiants français de financer à 50% le développement de leur propre nanosatellite. Créé à Toulouse, le réseau Janus regroupe aujourd’hui 12 établissements dans neuf villes de l’hexagone.
Nanosatellite Eye-Sat, projet pilote du réseau Janus.

Cinq années, 14 projets, une mission pilote... Le réseau français des Jeunes en apprentissage pour la réalisation de nanosatellites au sein des universités et des écoles de l'enseignement supérieur (Janus) est en pleine croissance. Né dans la Ville rose, le projet initié par le Centre national d'études spatiales (Cnes) permet aujourd'hui à 12 établissements français de concevoir et fabriquer leur propre satellite miniature. Peu onéreux, moins complexes à développer que les grands et truffés de technologie, les nanosatellites (entre 1kg et 50 kg) font leur place dans le monde du spatial. Et grâce au réseau Janus, les étudiants français y contribuent:

"L'idée ? Former les futurs ingénieurs du spatial sur des missions nanosatellites qui induisent la miniaturisation et l'évolution des technologies, explique Alain Gaboriaud, ingénieur au Cnes de Toulouse et fondateur du projet Janus. Les étudiants et leurs encadrants viennent vers nous avec une idée et un premier financement qui doit représenter 50% du coût total du projet. Si la proposition est viable, le Cnes apporte les 50% restants".

Des projets entre 250 000 euros et 1 million d'euros

Depuis 2012, plus de 1 000 étudiants ont participé à la conception et à la fabrication de nanosatellites de forme cubique, ou "cubesats" de masse comprise entre 1kg et 20kg, au sein du réseau Janus. La construction et le lancement d'un cubesat d'une unité (1U) de 10x10x10 cm coûte environ 250 000 euros. Le double est requis pour un cubesat de deux unités (2U) et environ un million d'euros est nécessaire pour développer et lancer un cubesat de trois unités (3U):

"À terme, l'objectif est de réutiliser les savoir-faire et technologies développées dans le réseau Janus pour encore réduire significativement les coûts de fabrication et de validation des cubesats", souligne Alain Gaboriaud.

Ainsi, les nanosatellites représentent une économie substantielle, quand on sait qu'un cubesat de trois unités peu tout de même transporter jusqu'à 2 kg de charge utile. Pour comparaison, un seul kilo lancé par Ariane 5 dans l'espace coûte plus de 15 000 euros... Toutefois, la durée de vie des cubesat n'est que d'un à deux ans en moyenne (contre 10 ans pour un satellite classique) en raison des économies réalisées sur les matériaux d'isolation et la robustesse de l'électronique.

revue de définition

Réunion de définition préliminaire d'Eye-Sat, le projet pilote du réseau Janus, en septembre 2014 (Crédit: CNES/Frédéric Maligne).

À ce jour, sept projets de nanosatellites étudiants ont été financés à 50% par le Cnes, sept sont en phase d'étude et finançables, et trois ont décollé. Les deux premiers lancements de nanosatellites Janus correspondent aux doubles cubesat X-Cubesat (École Polytechnique) et SpaceCube (Mines ParisTech), mis en orbite à partir de la Station spatiale internationale (ISS) les 17 et 18 mai 2017. Le simple cubesat Robusta 1B fabriqué par l'université de Montpellier, a quant à lui été lancé d'Inde le 23 juin 2017.

Applications scientifiques et industrielles

De plus, pour structurer cette filière des nanosatellites étudiants, six centres spatiaux universitaires ont vu le jour à Paris, Palaiseau, Saint-Quentin, Grenoble, Montpellier et Toulouse. Ils permettent la mise en relation des écoles et universités avec les laboratoires scientifiques, le Cnes, les industriels du secteur et d'éventuels sponsors (mécènes, associations).

Au Centre spatial universitaire de Toulouse (CSU-T), le cubesat 3U EntrySat financé à hauteur de 500 000 euros par le Cnes et 500 000 euros par l'Isae-Supaéro est le projet le plus avancé. En cours de finalisation, le démonstrateur d'étude de la rentrée atmosphérique d'un petit débris doit décoller en 2018. Ce nanosatellite doit rester 6 à 8 mois à 400 km d'altitude (orbite similaire à l'ISS) avant d'entamer sa descente dans l'atmosphère. Objectif : retransmettre position, vitesse, pression et flux de chaleur autour du Cubesat pendant la descente avant l'explosion de celui-ci à 90 km d'altitude. Le Cnes et l'Onera s'intéressent particulièrement à cette problématique de rentrée des débris spatiaux.

"Le CSU-T a beaucoup d'ambition, que ce soit dans le secteur scientifique ou industriel. Nous travaillons notamment avec Thalès Alenia Space (TAS) sur la mission de validation technologique Nimphsat, met en lumière Alain Gaboriaud. TAS a déjà avancé près de 30 000 euros pour l'étude de ce cubesat 3U destiné à évaluer le vieillissement de fibres optiques pour les satellites de télécommunications. Le lancement est planifié pour 2020".

D'autre part, le CSU-T travaille en partenariat avec le ministère de la Défense sur le projet Spectra dont le lancement est lui aussi prévu pour 2020. Développé en collaboration avec l'ENSTA Bretagne, ce cubesat également de trois unités sera dédié à l'écoute du spectre radiofréquence. Enfin, le CSU-T est associé au Centre spatial universitaire de Grenoble (CSU-G) pour la réalisation d'un cubesat de 12 unités nommé Atise et destiné à l'étude des aurores boréales.

Eye-sat : le projet pilote

En outre, le réseau Janus est doté d'un projet pilote nommé Eye-Sat:

"Au sein de ce projet financé à 100% par le Cnes (coût : 1,4 million d'euros, NDLR), les étudiants sont encadrés par des ingénieurs du Cnes et non par des professeurs, éclaire Alain Gaboriaud. L'objectif est de suivre un projet Janus dans son intégralité pour progresser sur les méthodes de travail et notamment la transmission des connaissances d'une génération d'étudiants à l'autre. Par ailleurs, Eye-Sat est plus ambitieux et performant que les autres nanosatellites du réseau Janus et se rapproche d'un satellite classique puisque le projet bénéficie de la R&T du Cnes".

EyeSat

Salle blanche où est fabriqué le satellite Eye-Sat au Centre spatial de Toulouse (Crédit: CNES/Emmanuel Grimault).

La mission pilote Eye-Sat est consacrée à l'étude de la Voie lactée et de la lumière zodiacale (lumière solaire diffusée par les poussières interplanétaires) et doit être lancée entre septembre 2018 et mars 2019 de Kourou en Guyane par un lanceur Soyouz.

Émergence de startups

Mais cette mission d'astronomie est aussi une démonstration technologique qui a débouché sur l'émergence d'une startup. Un modèle pour tous les autres projets du réseau Janus. En effet, Eye-Sat a nécessité le développement d'antennes en bandes de fréquences X et S (équipements habituellement réservés aux satellites classiques) et leur miniaturisation pour s'adapter à la taille d'un cubesat 3U. Nicolas Capet, ingénieur au Cnes de Toulouse, a travaillé sur ces éléments de R&T puis a créé sa propre startup Anywaves pour les commercialiser. Ces antennes haute performance ultra-compactes et légères bénéficient aujourd'hui d'un brevet.

À Paris, les startups ThrustMe et Exotrail ont vu le jour, et la jeune pousse Odysseus a été créée à Taïwan.

"Avec la R&T du Cnes, nous avons également développé le télescope Iris pour l'observation de la lumière zodiacale, explique le fondateur du projet Janus. Le détecteur et toute l'électronique de la caméra - réalisée par la société 3D plus - de ce télescope vont être utilisés pour les senseurs stellaires de la constellation de satellites de télécommunications OneWeb, ainsi que dans l'instrument SuperCam de la mission Mars 2020. Nous en sommes très fiers".

Un centre de contrôle multi-missions

Enfin, pour chaque nanosatellite du réseau Janus, un segment sol est nécessaire. Il se compose d'une station (antenne) et d'un centre de contrôle. À Toulouse, la station destinée à recevoir les données en provenance d'EntrySat se situe sur le toit de l'Isae-Supaéro, et celle d'Eye-Sat qui appartient au réseau multi-missions du Cnes se trouve à Aussaguel (Sud-est de la Ville rose). Aujourd'hui, le CSU-T développe un centre de contrôle commun à ces deux missions, qui servira également aux prochains nanosatellites toulousains du projet Janus:

"Les logiciels du centre de contrôle permettront aux étudiants de communiquer avec les cubesats, c'est-à-dire de leur envoyer des télécommandes et de récupérer des télémesures, précise Nicolas Humeau, développeur du centre de contrôle à l'Isae-Supaéro. Nous essayons de concevoir des interfaces ergonomiques et facilement compréhensibles par les futures générations d'étudiants. C'est ce qui fera le succès des futures missions".

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