L'Occitanie peut-elle être leader sur la médecine du futur ?

Médecine prédictive, big data, synergies entre santé et objets connectés : avec un écosystème de 20 000 salariés et 500 entreprises, l’Occitanie rêve de devenir un acteur majeur de la santé du futur et lance plusieurs pistes de réflexion.
Pierre Fabre et Sanofi misent notamment sur l'open innovation

La médecine du futur figure parmi les neuf priorités nationales établies dans le cadre du Plan de la nouvelle France Industrielle en 2015. Le 26 avril dernier, le professeur André Syrota, président de l'Institut universitaire du cancer de Toulouse (IUCT) et Olivier Charmeil, vice-président exécutif de Sanofi, ont rendu un rapport sur ces questions.

La veille, à Toulouse, un colloque dédié à la santé du futur était organisé à la Chambre de commerce et d'industrie par le cluster Biomed Alliance. Aurélie Picart, directrice du développement d'Actia Group et membre de la commission de travail sur la médecine du futur, y a présenté les grandes lignes du rapport. "Les constantes de temps ont profondément changé en matière de santé. Nous voyons aujourd'hui des acteurs comme les GAFA se positionner sur les réseaux en lien avec la santé", estime-t-elle, citant les exemples de Samsung, Google ou Huawei qui investissent aujourd'hui massivement sur la santé.

Elle pointe "une médecine de demain multifactorielle, basée sur une approche plus globale du patient et tenant compte notamment du patient connecté" et évoque "un hôpital du futur décloisonné, des enjeux majeurs de coordination des soins, et la mise en œuvre d'une médecine prédictive et utilisant les big data."

Pour favoriser ce nouveau contexte, cinq grandes actions sont proposées par le duo Syrota-Charmeil, notamment un travail en coordination de l'ensemble des acteurs en se basant sur les organes existants, un focus sur la réglementation, la priorité à des plateformes d'innovation en particulier au sein des hôpitaux, l'évolution de la formation des médecins et ingénieurs, et l'accompagnement des changements, y compris dans les territoires.

Toulouse peut s'imposer sur la médecine du futur

Avec 20 000 salariés et 500 entreprises développant une activité dans les secteurs de la santé, la région Occitanie dispose d'un riche écosystème dans ce domaine.

"Notre territoire est le premier au plan national en termes d'effort de R&D", rappelle Philippe Robardey, le président de la CCI de Toulouse, pointant "une Silicon Valley des objets connectés sur le point d'éclore à Toulouse, et des synergies à mettre en place entre les secteurs de la santé et des objets connectés".

Lire aussi : Comment l'aéronautique et la santé partagent leurs technologies innovantes

Le président de la CCI insiste sur le poids de la santé connectée, un marché français estimé à 2,7 milliards d'euros en 2014 et qui pourrait progresser de 4 à 7 % par an d'ici à 2020 : "Toulouse peut s'imposer comme un leader si nous savons rassembler et capitaliser sur ces synergies."

Patrick Crosnier, chef du service études à la Direccte, dresse également un état des lieux régional du secteur à partir de données croisées avec les agences Transfert LR et Madeeli.

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25 % des salariés des entreprises en santé de la région sont dans la filière médicaments
Sources : Direccte, Transfert LR, Madeeli

En Occitanie, 90 % des salariés du secteur de la santé sont répartis sur quatre départements, la Haute-Garonne, l'Hérault, le Tarn et le Gard, au sein de 500 entreprises. Toulouse et Montpellier arrivent bien évidemment en tête.

"Un quart de ces entreprises sont positionnées sur le secteur des dispositifs médicaux et du diagnostic. Le reste est réparti équitablement entre les biotechs et les médicaments", détaille Patrick Crosnier.

En matière de santé, la typologie des entreprises est assez marquée en Occitanie avec 79 % de PME, 14 % d'ETI et 7 % de grandes entreprises.

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La e-santé représente 10% des entreprises de santé en Occitanie
Sources : Direccte, Transfert LR, Madeeli

Pour Sanofi, la France manque de volonté politique pour innover en santé

Marc Bonnefoi, vice-président R&D France de Sanofi, a réalisé la plus grande partie de sa carrière sur le continent américain et n'hésite pas à comparer la France et les États-Unis.

"Nous avons ici beaucoup de potentiel et d'opportunités. C'est d'ailleurs pourquoi Sanofi investit tant en France. 45 % du budget de R&D de notre entreprise est investi dans l'Hexagone et nous sommes le premier investisseur privé tous secteurs confondus en R&D avec 2,4 milliards d'euros en 2016", assure-t-il.

Pour lui, les enjeux de la médecine du futur se résument en deux mots : complexité et précision, avec notamment la nécessité d'arriver à maîtriser l'enjeu de la prédictivité des maladies.

"Faire de la médecine prédictive nous permettrait, grâce aux bons marqueurs et aux bonnes solutions digitales, de faire ensuite de la médecine préventive. Voilà les enjeux de la médecine du futur et toute la question est de savoir quelle est la place de la France face à ces défis."

Ces objectifs, partagés par tous, ne semblent cependant pas encore tout à fait atteints en France. Le représentant de Sanofi pointe l'excellence scientifique de la France avec notamment le CEA, le CNRS et l'Inserm, classés parmi les dix premiers instituts innovants dans le monde. Il salue un tissu d'entreprises particulièrement innovantes permettant de travailler dans le digital, notamment en région toulousaine. Mais, selon lui, la France manque encore de vision pour s'élever au niveau de ce qui se fait notamment aux États-Unis. Il évoque chez nous "un manque de volonté politique par rapport aux États-Unis, où une loi permet aux instituts types universitaires ou à but non lucratifs de recevoir des ressources de l'État et font des découvertes, obtiennent des brevets pour créer des entreprises et de l'emploi".

Autre enjeu de taille pour le patron de la R&D de Sanofi ? Passer des innovations chimiques aux innovations biologiques en matière de médicaments. "De plus en plus de médicaments mis sur le marché sont des produits biologiques et le passage de la chimie à la biologie est une transformation majeure que nous devons mener. Des pays comme l'Irlande, Singapour ou la Corée sont bien plus avancés que nous sur ce sujet. Nous avons besoin de formations et d'une véritable filière pour arriver à être incontournables demain", insiste-t-il, n'hésitant pas à pointer l'exemple du Bioparc de l'Oncopole dans lequel le laboratoire accueille des entreprises innovantes.

Pierre Fabre mise sur l'open innovation

Éric Ducourneau, le directeur général de Pierre Fabre Dermo Cosmétique explique aussi comment le laboratoire indépendant mise sur l'innovation, citant notamment les applications mobiles dédiées aux soignants récemment développées comme Dermaweb, Skindiag ou encore Yourdermoscopy. "L'enjeu pour nous est bien d'élargir ces applications pour aller vers les dispositifs médicaux."

L'autre piste privilégiée par le laboratoire est l'open innovation avec la création de Pierre Fabre Fund Innovation. "Nous souhaitons créer des grappes de création de valeur avec des startups et mettre à disposition de ces startups nos financements et nos propres compétences internes." L'une des premières illustrations est la Nature Open Library : Pierre Fabre a en effet décidé de mettre sa librairie de 15 000 échantillons de sources végétales à destination des startups et des chercheurs.

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