Industrie du futur : pourquoi il est trop tôt pour investir dans la fabrication additive

En Occitanie, 29 sociétés de la supply chain aéronautique et spatiale se sont déjà lancées dans la fabrication additive, une méthode innovante de production qui pourrait révolutionner l'industrie. Pourtant, une étude de l'agence Madeeli préconise de ne pas investir "massivement dès maintenant" dans cette technologie. Explications.
Turbine vue sur le côté chez la société Fusia

Ce mardi 10 janvier ont été présentés les résultats d'un travail entamé depuis plus d'un an par l'agence régionale Madeeli sur la fabrication additive (impression 3D appliquée à la production industrielle). Cette technologie à laquelle "la région doit se préparer", selon Madeeli, présente plusieurs niveaux de complexité :

"Complexité des technologies d'impression notamment pour l'impression métallique, complexité des matériaux, et complexité dans la conception des pièces, radicalement différente de tout ce qui a été fabriqué par l'Homme jusqu'à aujourd'hui", peut-on lire dans le document.

Une convention internationale sur la fabrication additive sera d'ailleurs organisée à Labège le 21 novembre 2017.

La fabrication additive, appelée aussi ALM (Additive Layer Manufacturing), nécessite des investissements importants. Certaines machines grand public se vendent 150 euros en grande surface, mais les machines d'impression métal industrielles valent entre 500 000 euros et 1,5 million d'euros. Quant aux fournitures - les poudres - elles dépassent les 600 euros le kilo. Conséquence : peu d'acteurs locaux maitrisent réellement cette technologie aujourd'hui.

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L'aérospatial en première ligne

La fabrication additive est particulièrement adaptée aux filières les plus en pointe car elle permet des gains de temps et de coûts considérables, et permet aussi de créer des pièces qui peuvent revêtir des formes révolutionnaires qui étaient impossibles à réaliser autrefois. L'aéronautique et le spatial, avec leurs pièces complexes, sont donc particulièrement concernés, mais  "c'est paradoxalement les limites actuelles de la technologie : imprimer en 3D reste encore un travail lent, adapté à des petites séries" précise l'étude. Peu d'intérêt donc pour l'automobile par exemple, qui produit chaque modèle à plusieurs millions d'unités (en dehors du luxe et du sport qui travaillent déjà en 3D).

Ainsi, en Occitanie, en dehors des donneurs d'ordres, 29 sociétés ont une activité liée à la fabrication additive, que ce soit dans les matériaux, les machines, les logiciels, la production (la majorité d'entre elles) ou le contrôle de pièces. 27 de ces sous-traitants adressent le secteur des transports, dont 96 % l'aéronautique. Parmi elles, certaines font référence dans le secteur comme Fusia, Prismadd (groupe We Are Aerospace), Mecaprotec, Nexteam Group ou encore Sogeclair.

entreprises ds l alm

Exemple de lecture : sur 29 structures, 12 sont dans la production en fabrication additive, 2 dans la production de matériaux (Vegeplast pour le plastique et SdTech pour le métal). ©Madeeli

Par ailleurs, en matière de fabrication additive, la grande majorité des donneurs d'ordres appartient au secteur aérospatial, avec par exemple Airbus, le Cnes, Daher, Latécoère, Liebherr Aerospace, Ratier-Figeac, Safran, Stelia, Thales Alenia Space et Zodiac Aerospace. Seuls deux acteurs ont été identifiés dans la filière santé : Pierre Fabre et Vexim. 


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Exemples de collaborations entre donneurs d'ordres et sous-traitant dans le secteur aérospatial (Source : D&Consultants, 2016) ©Madeeli

Pourquoi ne pas investir de suite

La FA représente "un marché naissant qui présente de fortes dynamiques de développement", mais l'étude recommande aux entreprises sous-traitantes "de ne pas investir massivement dès maintenant" dans celle-ci pour deux principales raisons :

  • L'immaturité technologique risque de rendre les machines rapidement obsolètes, particulièrement sur la FA métal. Celles-ci butent encore sur plusieurs obstacles, notamment la vitesse d'impression qui peut durer des heures, voire des jours, ou encore 
la taille des pièces qui est limitée par la capacité de la machine.
    "Les fabricants de machines cherchent continuellement à améliorer leurs offres afin de s'affranchir des limites citées ci-dessus, sortant ainsi de nouvelles machines parfois tous les 2 ans."

Cette explosion dans le nombre de modèles sur le marché entraîne des conséquences d'obsolescence accélérée comme le précise Philippe Rivière, président de Prismadd cité dans l'étude : "Rien qu'en 2015, nous avons acheté pour 8 millions d'euros de machines qui seront dépassées d'ici à deux ans".

  • La deuxième raison pour attendre avant d'investir est "la nécessité de présenter en amont aux donneurs d'ordres une feuille de route claire et convaincante qui doit être approuvée par leurs soins", cette approbation étant le plus souvent un préalable au lancement de co-développements et à la fourniture de pièces. Autrement dit, il faut éviter que les sous-traitants, tout comme les donneurs d'ordres, ne se lancent "à l'aveugle" dans la FA sans se mettre d'accord sur une stratégie commune.

Ceci dit, Madeeli conseille aux entreprises de se préparer à la montée en puissance de la FA en 2020, puis en 2025 :

"Les besoins du marché en FA sont encore relativement restreints pour justifier l'arrivée de nombreux acteurs. Ces besoins devraient néanmoins augmenter fortement d'ici à 10 ans. D'ici à 2020, l'arrivée à maturité des technologies, notamment métal, devrait permettre de déclencher une première phase de montée en puissance. Cette échéance doit donc être anticipée par des actions à court terme telles que de la veille technologique, la formation du personnel, des montages de projets R&D ou encore des investissements limités dans des machines dédiées au prototypage et à l'outillage rapides.

Ces actions permettront de définir une stratégie technologique (matériaux et procédés clés) et industrielle (pièces et applications prioritaires) permettant d'accompagner la seconde phase de montée en puissance attendue pour 2025 (date hypothétique de lancement de nouveaux programmes d'avions NDLR)."

À noter que selon le rapport Wohlers de 2016, le marché mondial de la fabrication additive pesait 5,165 milliards de dollars en 2015 (4,75 Mds €), avec un taux de croissance annuel de 25,9 %. Les États-Unis dominent largement le marché mondial de  avec plus de 38 % du nombre total des imprimantes 3D installées dans le monde. La France se trouve au 7e rang mondial, derrière le Japon, la Chine, l'Allemagne, le Royaume-Uni et enfin l'Italie. Le marché français est estimé à environ 250 millions d'euros en 2015.

Définition de la fabrication additive

La fabrication additive, appelée aussi ALM (pour Additive Layer Manufacturing) est plus connue sous le nom d'impression 3D, et regroupe toutes les techniques qui permettent de créer un objet par addition de couches successives du matériau, fusionnées entre elles par une source d'énergie. Contrairement aux techniques soustractives classiques de la mécanique, la fabrication additive permet une liberté de conception des pièces quasi sans limites et une meilleure utilisation de la matière première. La démocratisation de l'ALM pourrait bouleverser l'industrie et s'inscrit dans "l'industrie 4.0". Mais elle pose aussi de nombreuses questions sur la certification des pièces ainsi produites, et sur la sécurisation des données utilisées lors de la fabrication.

Cette technologie permet notamment la réalisation d'une pièce en une seule étape : fini le passage de la pièce de sous-traitant en sous-traitant pour appliquer des opérations d'usinages successives. La pièce sort d'un process unique avec sa forme définitive.

La FA engendre également un gain drastique en délais de sous-traitance avec une économie considérable de matière utilisée (fini les chutes et les copeaux qui représentent jusqu'à 90% du métal acheté).

Enfin, il y a un gain en qualité avec des pièces qui peuvent revêtir des formes révolutionnaires qui étaient impossibles à réaliser autrefois.

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