Les projets toulousains du CNRS pour lutter contre le terrorisme

Après les attentats de novembre 2015 à Paris, le CNRS a "engagé les ressources de la recherche dans la lutte contre le terrorisme" et financé 66 actions à hauteur de 800 000 euros. À Toulouse, quatre projets ont été menés à bien pendant un an grâce à ces dotations. Bilan.
Après les attentats de novembre 2015, le CNRS a lancé un appel à projets pour contribuer à la lutte contre le terrorisme.

Mieux évaluer l'action publique anti-terroriste, améliorer la collecte d'informations auprès des témoins et la négociation de crise ou encore développer un outil de capture d'odeurs d'explosifs... Pendant un an, quatre chercheurs toulousains, sélectionnés par l'appel à projets Attentats recherche du CNRS, ont disposé de financements de 7 000 à 20 000 euros. Deux d'entre eux ont présenté les résultats de leurs projets à La Tribune Toulouse.

"L'appel d'offre a permis de structurer les chercheurs et de faire en sorte que les sciences sociales soient perçues comme utiles", se félicite Jérôme Ferret, le directeur adjoint de la Maison des sciences de l'Homme et de la société de Toulouse.

"C'est révolutionnaire car, depuis plusieurs décennies, les financements vont vers des gros laboratoires et sur des objets de recherche théoriques plutôt qu'appliqués, ajoute Jacques Py, professeur à l'université Jean Jaurès. Nous nous sentons soutenus."

Améliorer les techniques d'entretien

Depuis 20 ans, Jacques Py travaille sur la psychologie du témoignage criminel et sur l'enquête criminelle. Il construit des protocoles d'interrogatoires pour aider les enquêteurs à recueillir le plus d'informations auprès des témoins et forme les enquêteurs à utiliser ces protocoles pour améliorer leurs pratiques.

"Les témoins sont faillibles et souvent mal interrogés, explique le directeur de l'Axe 'Contexte social et régulation de la cognition' au laboratoire CNRS CLLE-LTC. En les invitant à parler librement et en posant le moins de questions possible, on facilite la remémoration des souvenirs."

Appelé entretien cognitif, cette technique permet de collecter 40 % d'information supplémentaire avec exactitude quand il s'agit d'un événement criminel. Jacques Py assure également avoir mis au point un protocole permettant d'obtenir deux fois plus d'informations sur le visage d'un criminel.

Grâce au financement du CNRS, le chercheur du laboratoire Cognition, langues, langage, ergonomie a pu affiner ses protocoles et les tester en laboratoire pour les adapter plus spécifiquement à la problématique du terrorisme. Des expérimentations sont en cours dans certains services de police.

 Évaluer l'efficacité de l'action publique

Plutôt que d'analyser le comportement et les motivations des terroristes, sur lesquels il est difficile d'établir des méthodologies de recherche fiables, Jérôme Ferret propose d'évaluer l'action publique qui tente de contrecarrer le phénomène de radicalisation.

"Nous nous centrons sur la capacité préventive et organisationnelle des services de police à gérer ce problème, explique le maître de conférence en sociologie. En mesurant cela, nous voulons pointer les progrès potentiels, notamment pour mieux comprendre le terrain."

Cette évaluation est d'autant plus nécessaire qu'elle n'existe pas à l'heure actuelle, selon le chercheur. "En dehors des services internes, il n'y a pas eu d'analyse de l'affaire Merah par exemple, affirme-t-il. Nous avons en France une politique d'évaluation très faible. Or, l'évaluation permet d'identifier scientifiquement les blocages."

Prêt à être mis en œuvre, le dispositif d'évaluation élaboré par Jérôme Ferret serait attendu par les services de renseignement et de police, selon ce dernier. "Ils demandent un outil de coordination et d'évaluation, insiste-t-il. Une coordination reconnue par la profession et pensée par les sciences sociales permettrait d'avoir des meilleurs résultats."

Les résultats des 66 actions retenues par l'appel à projet Attentat recherche seront présentés à Paris le 26 novembre prochain. L'occasion pour les scientifiques de faire entendre leurs propositions. "L'écoute du fait scientifique par le personnel politique n'est pas assez élevé, regrettent les deux chercheurs. Et c'est un euphémisme."

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