Voiture autonome : comment les conducteurs vont-ils s'adapter ?

Des chercheurs de l'université Toulouse Jean-Jaurès lancent un programme de recherche autour de la voiture autonome pour mieux comprendre les interactions entre le conducteur et la machine. Interview de Céline Lemercier, chercheuse au département psychologie cognitive de l'université Toulouse 2.
Le simulateur de conduite.

À première vue, la voiture ressemble à n'importe quel véhicule qu'on peut croiser sur la route. Sauf qu'il s'agit d'une simulateur de conduite bourré de capteurs qui envoient des données dans les ordinateurs de la pièce d'à-côté. Trois écrans géants entourent la voiture et reproduisent à 180° un scénario de conduite. C'est l'un des 9 plateaux de la plateforme technologique Cognition comportements et usages (CCU) qui vient d'être inaugurée à la Maison de la recherche de l'Université Toulouse Jean-Jaurès début septembre. À cette occasion, une équipe de chercheurs toulousains lance un programme de recherche sur le comportement des conducteurs avec une voiture autonome (sans chauffeur).

Céline Lemercier,

Céline Lemercier, chercheuse au département psychologie cognitive de l'université Toulouse Jean-Jaurès ©photo Rémi Benoit

Depuis quand les chercheurs toulousains en psychologie s'intéressent-ils aux comportements des automobilistes sur la route ?

Céline Lemercier, chercheuse au département psychologie cognitive de l'université Toulouse Jean-Jaurès : Cela fait 15 ans que nous travaillons en collaboration avec des constructeurs et des équipementiers automobiles tels que PSA ou Continental sur ce sujet. Il existe beaucoup de simulateurs de conduite dans l'industrie automobile mais ils sont gérés par des ingénieurs qui testent uniquement les spécifications techniques du véhicule. C'est une approche techno-centrée. À l'inverse, notre équipe est composée exclusivement de chercheurs qui s'intéressent aux comportements des usagers sur la route.

En 2001, les constructeurs s'intéressaient au GPS. Ils voulaient savoir quel était le mode de transmission des informations le mieux accepté par les automobilistes : vocal, visuel, les deux à la fois ? Ensuite, nous avons mené des études préalables au développement de capteurs d'attention au volant. Nous avons mesuré les facteurs physiologiques (rythme cardiaque, mouvements oculaires) et leurs répercussions sur l'attention du conducteur.

Quel sera le contenu de votre programme de recherche sur la voiture autonome ?

La vraie voiture autonome, ce n'est pas pour demain. Actuellement, les voitures sans chauffeur ne sont pas autonomes sur tout le parcours. En cas de dysfonctionnement (technique, météo...), le conducteur doit très rapidement reprendre le contrôle sur son véhicule. La question de l'interaction entre l'homme et la machine devient alors essentielle. Quand il va reprendre le volant, cela va être coûteux d'un point de vue émotionnel de réorientation de son orientation pour se focaliser à nouveau sur la route et que très rapidement il puisse repérer les éléments pertinents sur la scène routière pour ne pas renverser le cycliste ou freiner car le feu passe au rouge.

Dans un premier temps, nous allons voir si le balayage visuel d'un conducteur et d'un passager dans une voiture autonome est le même. L'expérimentation se tiendra dans le simulateur de conduite avec un panel de 20 à 30 personnes. Une partie des participants de l'étude conduira la voiture en suivant le parcours projeté sur les écrans. On va mesurer leur comportement oculaire et pouvoir déterminer les zones considérées comme pertinentes par le conducteur. Ces informations pourraient faciliter la reprise en main du véhicule autonome.

 Qu'implique la conduite d'une voiture autonome ?

Avec la voiture autonome, l'activité de conduite est partagée entre l'automobiliste et la machine. Il faut déjà s'assurer que le véhicule soit fiable pour que le conducteur lui fasse confiance et accepter de l'utiliser. Il ne conduira plus sur la totalité du parcours mais que sur une portion réduite . Aujourd'hui, on considère qu'un conducteur expert a 5 ans de permis et réalise 20 000 km par an. D'ici très peu de temps, il parcourra 20 000 km par an mais il ne les conduira plus, c'est très différent. Cela implique une redéfinition de l'activité de conduite. L'automobiliste va perdre une partie de son expertise de conduite, un certain nombre d'automatismes pour agir rapidement lors de situations critiques.

Quel pourrait être l'impact sociétal de ce type de véhicule ?

La voiture autonome est un véritable enjeu sociétal. Il s'agit d'une véritable solution à l'isolement des personnes âgées dans la mesure où, avec le vieillissement, les personnes ont de plus en plus de mal à conduire leur véhicule. Si vous ne pouvez plus conduire, vous êtes souvent obligé de partir en maison de retraite. Le fait d'avoir ces voitures autonomes va permettre le maintien à domicile des personnes âgées ou des personnes avec des problèmes perceptifs ou moteurs.

À terme, on peut imaginer une voiture autonome qui déposera vos enfants à l'école ou viendra vous chercher toute seule au boulot pour vous ramener à votre domicile.

Les constructeurs expliquent que la voiture autonome pourrait faire chuter de 90% les accidents de la route. Est-ce réaliste ?

C'est totalement imaginable. La grande majorité des accidents sont liés à l'homme. La machine ne boit pas au volant, ne conduit pas si elle est fatiguée ou préoccupée. Cela deviendra une réalité à condition que tout le parc automobile s'y convertisse et que les voitures puissent communiquer entre elles.

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