Des flottilles de drones autonomes pour surveiller les réseaux

La société toulousaine Eurogiciel pilote le projet Airmès depuis juillet 2015. L'objectif : mettre au point un logiciel capable de coordonner le vol d'une flottille de drones pour réaliser des missions complexes d'inspection et de surveillance.
Un drone inspectant le pilier d'un pont.

À une dizaine de mètres au-dessus du sol, un drone à voilure fixe (de type avion) survole en bourdonnant une voie ferrée traversant une région montagneuse. Dans l'œil de son capteur, les parois rocheuses qui surplombent la voie. À chacun de ses passages, l'engin volant scrute les éventuels glissements de terrain qui pourraient perturber la circulation des trains. Justement, au détour d'un virage, les filets pare-blocs équipant une paroi semblent endommagés. Le drone déclenche l'alerte et deux autres appareils à voilure tournante (de type hélicoptère) prennent leur envol. Le premier se rend au plus près du terrain pour inspecter méticuleusement la paroi rocheuse fragilisée et déterminer les dégâts. Le deuxième, en vol stationnaire au-dessus de la scène, scanne les lieux à plus grande échelle. Le drone sentinelle détecte alors des rochers tombés près de la voie. Il prévient son acolyte afin que celui-ci modifie sa mission et analyse au plus près ce nouvel incident. Les informations récoltées sont transmises au centre de supervision de la ligne afin d'étudier les impacts de l'incident en termes de sécurité. L'opération est terminée. À plusieurs kilomètres de là, le télé-pilote humain supervisant la mission déclenche le retour à la base.

Totalement imaginaire actuellement, ce scénario pourrait devenir réalité en 2020. Débutées en 2004, puis interrompues faute de maturité technologique, les recherches sur les drones ont été relancées en 2011 par la SNCF. Capables de surveiller des infrastructures, les drones aériens sont limités du fait de leurs spécificités (mono-tâche ou mono-mission) et de leur faible autonomie décisionnelle. En conséquence, leur exploitation dans des opérations récurrentes et complexes s'avère minime.

"Nous avons réalisé de nombreux tests avec des drones seuls, mais ceux-ci ne sont pas appropriés pour la surveillance de linéaire, explique Flavien Viguié, expert au pôle drone de la SNCF. Nous utilisons des drones aux spécificités différentes et nous devons les faire voler les uns après les autres. Il y a de l'optimisation économique et technique à faire."

Coordonner une flottille hétérogène

L'utilisation d'une flottille de drones hétérogènes permettrait au contraire de combiner les capacités de chaque véhicule pour réaliser des missions complexes. S'il est aujourd'hui possible de faire évoluer une nuée de drones identiques, coordonner une flottille hétérogène reste encore un défi technique.

De même, il est impossible de faire voler des mini-drones de moins de 25 kg en les équipant de plusieurs capteurs. "Ceux-ci pèsent entre cinq et dix kilos et nous ne pouvons les miniaturiser davantage car ils perdraient en précision, assure Flavien Viguié. Nous voulons donc faire voler en même temps des drones de voilures différentes avec une seule brique logicielle pour qu'ils communiquent entre eux."

Cette brique logicielle, c'est la société toulousaine d'ingénierie Eurogiciel qui se charge de la développer via le projet Airmès. En gestation pendant 18 mois, celui-ci a été retenu dans le cadre du FUI 20 (20e appel à projets du fond unique interministériel) en juillet 2015. La SNCF et EDF y prennent part en tant que donneurs d'ordres.

"Ils ont identifié des besoins comme surveiller l'évolution de la végétation ou le développement de la rouille sur les lignes. Nous travaillons aujourd'hui pour leur apporter une solution technologique, explique Jean-Frédéric Real, directeur de l'Innovation pour le groupe Eurogiciel.

La spécificité de la solution logicielle réside dans la gestion de l'organisation sous forme de groupes et de rôles. Elle doit être compatible avec tous les types de drones. Elle doit aussi permettre aux aéronefs de communiquer entre eux afin de faciliter la coopération tout en améliorant la sécurité et la fiabilité des interventions."

Doté d'un budget de trois millions d'euros, dont un peu moins de 50 % financés par Eurogiciel, le projet Airmes devrait se terminer en 2018. Les premiers tests seront menés en juin 2016. La SNCF compte le mettre en application sur le réseau ferroviaire national en 2020 si la réglementation évolue.

Une nouvelle activité pour Eurogiciel

À plus long terme, les drones aériens ne seront pas les seuls à bénéficier de cette solution logicielle.

"Il ne s'agit pas de trouver une solution pour demain, mais pour après-demain, remarque Jean-Frédéric Réal. Aujourd'hui, nous sommes dans une prospective aérienne, mais cette technologie sera applicable à tous les types de véhicules autonomes. On pourrait faire communiquer des drones aériens, terrestres et marins."

Depuis sa reprise début 2015 par le fonds Edmond de Rothchild Investment Partners, Eurogiciel mise sur trois axes pour doubler sa taille dans 5 ans : les systèmes et logiciels, le conseil en management de la qualité et le conseil en management de projet. Le projet Airmès pourrait donc être la base d'une nouvelle activité pour la société qui compte 1 150 salariés et a enregistré un chiffre d'affaires de 82 millions d'euros l'an dernier.

"Nous ambitionnons de créer toute une activité autour de cette intelligence embarquée. C'est le prolongement de ce que nous faisons actuellement, reconnaît Jean-Frédéric Réal. Ce marché n'est pas prêt, mais quand il le sera, nous pensons pouvoir y prendre des positions. Il n'y a actuellement que des startups ou des entreprises liées à la défense et à la surveillance civile sur ce créneau."

Le projet Airmès

Outre Eurogiciel, SNCF réseau et EDF, le consortium regroupe également le laboratoire de robotique Heudiasyc (Université de technologie de Compiègne et le CNRS) et le constructeur de drones Aero Surveillance.

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