Où en est le projet E-Fan, le premier avion électrique d'Airbus ?

Le 10 juillet dernier, l'E-Fan, premier avion tout-électrique au monde mis au point par Airbus et ACS, est parvenu à traverser la Manche. Les concepteurs planchent déjà sur une deuxième version qui sera produite en série dès 2018, à Pau. Quelle est la différence avec Solar Impulse ? Sera-t-il possible un jour de transporter plusieurs dizaines de passager sur ce type d'appareil ? Décryptage.
L'E-Fan a été exposé au public lors des Assises aéronautique et développement durable organisées le 18 novembre à l'Énac.

"La traversée de la Manche, c'est un clin d'œil évident à Louis Blériot (premier pilote d'avion à traverser la Manche en 1909, NDLR) qui a marqué l'émergence de l'aviation civile. Airbus voulait afficher symboliquement qu'il avait la maîtrise de ses technologies et qu'il avait confiance dans ce projet", remarque Olivier Siri, directeur du programme E-Fan pour Airbus.

Le 10 juillet 2015, le premier prototype d'avion 100% électrique au monde vole pendant 37 minutes au-dessus de la mer avant de rejoindre l'Angleterre. La performance place l'E-Fan sous le feu des projecteurs et marque une première étape pour le projet initié en 2011. La genèse de l'E-Fan s'inscrit dans le prolongement d'une première collaboration entre Airbus Group Innovation et l'entreprise charentaise ACS. Les deux fabricants ont mis au point alors le Cri-Cri, le premier quadrimoteur de voltige tout-électrique au monde. Ces travaux de recherche sont devenus le socle du projet E-Fan. Le projet d'usine est désormais porté par Voltair SAS, société filiale à 100 % d'Airbus Group créée pour produire et distribuer cet avion électrique. Voltair, dont le siège social est installé à Mérignac (33), est présidée par Agnès Paillard, par ailleurs présidente du pôle de compétitivité Aerospace Valley.

85 E-Fan par an d'ici à 2025

Quatre mois après la traversée de la Manche, les concepteurs de l'E-Fan planchent désormais sur la deuxième version, qui ne sera plus un prototype mais un engin certifié et produit en série à l'horizon 2018. Le constructeur européen a annoncé cet été que l'usine dans laquelle sera produit en série l'E-Fan serait implantée à Pau et devrait produire 85 E-Fan par an à l'horizon 2025. 50 millions d'euros ont été apportés par un consortium industriel (dont 20 millions pour Airbus) et les pouvoirs publics.

"L'objectif est d'obtenir un design compétitif pour déterminer une solution plus économique et plus respectueuse de l'environnement. Le coût de production sera réduit de 20 % par rapport aux appareils existants sur le marché. La dépense de carburant sera moindre même si les batteries électriques ont également un coût. Mais surtout, les systèmes électriques sont plus fiables et plus simples à entretenir. Pour simplifier, on devrait arriver à réduire de 20 % le coût de l'heure de vol dans les aéroclubs", précise Olivier Siri.

Un avion moins bruyant

Dès l'origine, le projet a reçu le soutien de la DGAC (direction générale de l'aviation civile) très encline à voir se développer des appareils électriques. Du fait de l'étalement urbain, les aérodromes situées, originellement à l'écart des villes à cause des nuisances sonores, sont confrontées à des problèmes de nuisances sonores avec les riverains.

"À Paris, il existe des interdictions de vol le week-end pour éviter de déranger, rappelle Francis Deborde fondateur et gérant d'ACS. L'avion électrique est moins bruyant et évite la pollution chimique. C'est la raison pour laquelle la DGAC s'y intéresse. De plus, au bout de 4 à 5 ans, on a amorti l'utilisation, puisque les coûts d'énergie et d'entretien sont beaucoup moins élevés."

Pour l'E-Fan 2.0, les fabricants tablent sur une autonomie d'une heure en vol plus 30 minutes sur une batterie de réserve. Cette capacité serait donc calibrée pour coller aux séances de pilotage de 30 à 45 minutes en vol. Un marché qui s'annonce colossal :

"Il existe un besoin énorme de renouvellement dans les aéroclubs. Le parc est très vieillissant puisque la moyenne d'âge des appareils est supérieure à 20 ans. Le coût d'entretien s'élève également avec l'âge", remarque Francis Deborde. "Le marché de la formation au pilotage est porté par une forte demande dans les pays émergents, notamment en Asie", complète Olivier Siri.

La bataille de l'avion électrique

L'E-Fan n'est pas seul à se positionner sur les vols en engin électrique. En juillet dernier, le projet suisse Solar Impulse a fait également sensation en réalisant une traversée du Pacifique et en battant le record du plus long vol en solitaire sans ravitaillement avec 117 heures et 51 minutes passées en l'air. En Slovénie, l'entreprise Pipistrel a mis au point un avion doté d'une batterie électrique. L'Inde a déjà commandé 194 appareils pour former ses pilotes militaires.

"On a tendance à assimiler tous les projets. Mais Solar Impulse est plus proche d'un satellite que d'un avion, estime Olivier Siri. Le design est extrêmement pointu pour des missions qui n'ont rien d'opérationnelles pour le commun des mortels. Il s'agit d'un avion dessiné pour une mission d'exploit.

Le parti pris de l'E-Fan est de dessiner un avion de formation pour Monsieur Tout-le-monde. Comparer leurs performances n'a pas tellement de sens.

Et puis la principale différence entre l'E-Fan et l'ensemble de la concurrence est qu'il ne s'agit pas d'électrifier un avion existant (et d'être dans la catégorie des ULM) mais de créer le premier avion électrique doté d'une certification. C'est une véritable alternative aux solutions thermiques".

Bientôt l'E-Fan 4.0

Airbus et ACS ont d'ores et déjà annoncé leurs ambitions sur le long-terme. Un premier aperçu de l'E-Fan 4.0 a déjà été diffusé. Il s'agit d'un modèle hybride (moteur thermique et moteur électrique) doté de 4 places et destiné à l'aviation de loisir et la formation en école. "Avec ces projets, nous sommes dans la substitution : il existe une solution thermique et nous venons proposer une solution électrique. Mais l'objectif est d'ouvrir de nouvelles solutions pour voyager en avion en proposant à relativement court terme des appareils de 10 à 15 personnes", décrit le directeur du programme E-Fan.

Dès 2013, les constructeurs avaient annoncé le but ultime d'un projet baptisé E-Thrust : faire voler un avion électrique régional de 100 places. Un rêve qui ne verra pas le jour avant une bonne vingtaine d'années.

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