Toulouse, capitale mondiale de la recherche sur les champs magnétiques

Capitale mondiale de l'aéronautique, Toulouse est aussi l'une des capitales mondiales de l'étude des champs magnétiques intenses. Le LNCMI, le laboratoire dédié à cette discipline scientifique peu connue, vient d'inaugurer de toutes récentes installations. Un investissement de 2,2 millions d'euros qui lui permettra de faire avancer la recherche dans le transport et le stockage de l'énergie notamment. Découverte.
Un électroaimant dans son puit à l'intérieur d'une chambre forte du LNCMI

Des murs de béton épais de 40 centimètres. Six portes blindées dignes des plus grands coffres forts. Un bunker dans un laboratoire, ça n'est pas courant. C'est pourtant indispensable pour les expériences menées par le laboratoire des champs magnétiques intenses de Toulouse (LNCMI - CNRS). Installé sur le campus Paul Sabatier depuis 1965, ce laboratoire conçoit, fabrique et étudie les champs magnétiques intenses, produits par la circulation du courant électrique.

Pour les créer, il "suffit" de faire passer un courant électrique dans un électroaimant constitué de bobines de cuivres. Problème, plus l'intensité est élevée, plus la température augmente et plus la bobine à tendance à... se désintégrer sous l'effet des forces de Lorentz (voir ci-dessous).

LNCMI


© photo DR

Pour limiter l'échauffement, le LNCMI produit des champs magnétiques pulsés sur un temps très court en déchargeant dans des électroaimants l'équivalent de l'énergie produite par une centrale nucléaire pendant 10 millisecondes. Par mesure de sécurité, les tirs seront donc réalisés à présents dans des puits de 1,5 mètre installés dans les six chambres ultra-protégées que le LNCMI a inauguré ce jeudi 15 octobre. Des installations récentes financées par l'Europe, la Région Midi-Pyrénées et l'État pour un montant de 2,2 millions d'euros.

La barre des 100 Tesla

En juillet dernier, le LNCMI a mis au point un aimant générant un champ magnétique pulsé de 90,6 teslas (l'unité de mesure d'un champ magnétique) pendant 9,1 millisecondes. Un record mondial de durée. "Nous sommes à peine moins intenses que les laboratoires de Los Alamos aux État-Unis et de Dresde en Allemagne, mais nos impulsions magnétiques sont plus longues, ce qui nous permet des mesures plus précises", assure Geert Rikken, le directeur du laboratoire.

Actuellement à la troisième place de la compétition mondiale, le laboratoire a pour objectif de dépasser les 100 T dans un an pour "repasser en premier en intensité et avec une durée plus longue", espère Renaud Mathevet, l'un des scientifiques du LNCMI. Le défi, qui aura lieu au printemps prochain, est de taille car à cette intensité, aucun matériau actuel ne résiste et "l'acier coule comme de l'eau", précise Geert Rikken. Pour aller plus loin, il faut se résoudre à détruire l'aimant et à comprimer le champ grâce à des explosions. "L'ennui, considère le directeur, c'est qu'il ne reste alors plus rien de l'installation et que l'apport scientifique est très limité du fait d'un temps de mesure très court." En conséquence, le LNCMI ne réalise pas de tirs destructifs.

À quoi ça sert ?

Faire couler l'acier, c'est bien joli, mais finalement à quoi cela sert-il ? Le LNCMI travaille à la pointe de la science, "à la limite des matériaux et de ce qui est connu". "Nos installations permettent de manipuler et de sonder la matière, de la transporter dans de nouveaux états et de l'étudier, explique Geert Rikken. Dans le photovoltaïque, nous étudions les caractéristiques de la perovskite, un matériau qui pourrait être plus efficace que le silicium (utilisé actuellement) mais que l'on connaît mal. Nous étudions aussi les mécanismes des matériaux supraconducteurs, ce qui pourrait améliorer le transport et le stockage de l'électricité."

En outre, c'est l'étude des champs magnétiques qui a permis la mise au point de l'imagerie par résonance magnétique (IRM), un outil commun à tous les hôpitaux aujourd'hui. Enfin, "les champs magnétiques permettent de faire léviter certains matériaux ou êtres vivants. Avec 15 teslas, on peut faire léviter un mille-pattes, par exemple", précise le LNCMI.

Des installations convoitées

Puisqu'il est à la pointe de la recherche, le LNCMI de Toulouse attire de nombreux scientifiques.

"Nous avons deux fois plus de demandes que d'heures disponibles pour les recherches, constate Geert Rikken. Mais notre mission est de développer cette technique et d'accueillir des chercheurs qui veulent l'utiliser, car c'est une ressource rare."

Outre les chercheurs, des industriels comme le Japonais Sumitomo et l'Allemand Bruker viennent aussi à Toulouse pour profiter de ces installations.

Pour peser dans la compétition mondiale, le LNCMI (qui compte un centre à Grenoble) s'est associé en novembre 2014 aux laboratoires de Dresde en Allemagne et de Nimègue (aux Pays-bas) au sein du Laboratoire européen des champs magnétiques (EMFL pour European magnetic field laboratory). Cette nouvelle institution a donné lieu à 1 000 publications depuis 2009, dont 30 dans les revues Nature et Science.

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